Denis Lessard - Les différents chefs du PQ s'y sont opposés depuis des années, mais les militants de Pauline Marois poussent désormais leur parti vers un geste longtemps jugé trop radical.
L'accès au réseau collégial anglophone devrait être fermé pour les allophones et les francophones. Un gouvernement péquiste devrait imposer la loi 101 au collégial, imposer aux étudiants des Cégeps les mêmes critères d'admission prévus au primaire et au secondaire.
Au terme d'une heure d'échanges entre militants péquistes samedi, il était clair que l'idée d'imposer la loi 101 au collégial fait désormais l'objet d'un «consensus» chez les délégués péquistes qui ont participé aux ateliers sur la langue. Pour le président de l'assemblée, Me Pierre Hugues Miller, si on peut parler d'unanimité, il est clair que la majorité des interventions voulaient qu'on freine l'admission des allophones au collégial anglophone -près de la moitié des allophones font ce choix au sortir du secondaire, plus de 4 % des francophones font de même, ce qui grossit, chaque année, de 13 000 étudiants les effectifs des collèges anglophones. «Je comprends qu'il y a un consensus, et les interventions qui n'allaient pas vers ce consensus portaient davantage sur la mécanique (l'application de cette décision)» résume M. Miller.
Président de la commission politique du PQ, l'ex-député Daniel Turp a souligné avoir été étonné à son retour à l'Université de Montréal après plusieurs années de vie politique. Dans la plus importante faculté de droit francophone d'Amérique, relève-t-il, bien des étudiants allophones et anglophones réclament de pouvoir faire leurs examens en anglais. Dans les couloirs, les échanges se passent en anglais fréquemment, même les francophones parlent anglais avec leurs collègues allophones, constate le constitutionnaliste.
Plusieurs interventions sont allées dans ce sens, Alexandre Thériault-Marois, le président de l'aile jeunesse du PQ, Marc Laviolette, du SPQ libre, ont pris le micro pour réclamer qu'un gouvernement péquiste impose la loi 101 au niveau collégial. Plus tôt, bien des députés péquistes étaient restés prudents, Louise Beaudoin (Rosemont) Nicolas Girard (Gouin) et Alexandre Cloutier (Lac Saint-Jean) préférant attendre les conclusions des ateliers, dimanche matin, avant de se prononcer. Le PQ a jusqu'au début 2011, à son prochain congrès, pour arrêter sa position sur cette question délicate.
Hier, seul Pierre Curzi, député de Borduas, critique du dossier linguistique, a assez clairement campé sa position, soutenant, sous réserve des échanges entre militants alors à venir, qu'il «ne voyait pas de meilleure solution» que l'application de la loi 101 au Cégep, sur cette question «passionnée et passionnante».
Dans le passé, Lucien Bouchard et Bernard Landry s'étaient carrément opposés à cette idée, chère à l'aile radicale du Parti québécois. M. Bouchard avait soutenu en 1996, qu'il ne «pourrait se regarder dans le miroir» si, comme successeur de René Lévesque, il cautionnait la radicalisation du parti sur cette question délicate. Bernard Landry qui s'y était opposé aussi a, plus récemment, soutenu que «le fruit était mûr» pour une telle décision.
Pour Alexandre Thériault-Marois, «les chiffres parlent d'eux-mêmes» les 50 % d'allophones qui vont au Cégep en anglais vont par la suite travailler en anglais, «c'est un choix difficile mais c'est un choix à faire» a-t-il soutenu. «Si tu apprends ta technique en anglais, c'est pas vrai que tu vas travailler en français» de renchérir Marc Laviolette. «Cela a été étiqueté comme radical. Or c'est simplement une mise à jour.. à l'époque davantage de gens cessaient leurs études après le secondaire. Si au moment de l'adoption de la loi 101 on avait été dans la situation actuelle, la loi aurait couvert le collégial» lancera un autre militant. Un jeune militant est venu expliquer qu'il s'était prononcé contre l'idée en 2001, «dans l'imminence d'un référendum, il ne fallait pas prendre de position controversée. Huit ans plus tard on n'a pas eu de référendum ni de loi 101 au Cégep... on a eu huit cohortes de plus au collège anglophone» expliquera un autre délégué.
D'autres participants ont eu des propositions parfois étonnantes. Michel Leduc, ex-député de Laval, a proposé que Québec impose plutôt un examen pour vérifier la connaissance du français aux étudiants des collèges anglophones. Rodrigue Larose, militant de Sherbrooke et frère du syndicaliste, a suggéré de son côté, pour réduire l'attraction du réseau anglophone, qu'on accorde une bourse importante aux finissants des collèges francophones pour qu'ils puissent s'offrir une immersion dans la langue seconde. Certains ont repris la proposition de Jean-François Lisée, de fusionner les réseaux collégial francophone et anglophone -mais on rappela bien rapidement qu'il serait difficile à expliquer qu'il y ait un réseau secondaire et universitaire anglophone au Québec sans qu'on puisse assurer la continuité au collégial.
La position du PQ pour répondre au jugement récent de la Cour suprême qui a invalidé la loi 104 a vite fait consensus chez les militants. La loi 104 empêche le recours à des «écoles passerelles» des établissements non subventionnés qui permettent après quelques mois aux élèves allophones d'aller s'inscrire au réseau anglophone par la suite. Quelques bémols, Neko Likongo, candidat péquiste défait dans Jean Talon aux dernières élections a fait une mise en garde quant aux recours à la clause nonobstant de la constitution. «C'est une arme de dernier recours, qui met de côté les libertés fondamentales» dira-t-il. Pour lui, il vaudrait mieux instaurer des critères plus serrés, pour freiner ces admissions, quitte à imposer le nonobstant si les statistiques démontrent que le glissement vers l'anglais n'est pas réduit.
Pour Daniel Turp, en revanche, le recours à la clause dérogatoire est tout à fait légitime, «enseigner en français dans les écoles publiques et privées c'est une question qui relève de notre Parlement. Ne pas utiliser la clause dérogatoire pour protéger une loi de notre Parlement, ce serait manquer de courage.» résume-t-il.
À la différence de ces deux points plus délicats, les autres propositions de la commission politique du PQ ont remporté rapidement un consensus. Tout le monde s'entend au PQ pour que le Québec «assume seul tous les pouvoirs en matière de langue». Aussi on voudrait que l'Office de la langue applique la Charte de la langue aux entreprises qui comptent entre 50 et 100 employés. On veut aussi que la Charte de la langue s'applique aux entreprises à charte fédérale qui oeuvrent au Québec. Avant d'exiger une autre langue que le français, les employeurs devront montrer la pertinence de cette obligation. L'administration québécoise devrait s'adresser uniquement en français à tous les nouveaux arrivants. Ici, l'ex-député Michel Leduc a souligné qu'il était difficile de déterminer qui, parmi les non francophones aurait le droit d'être servis en anglais.
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