Québec - Puisqu'il le trouve «lourd», le Parti québécois tente d'éviter de plus en plus le mot «référendum» et cherche à lui substituer l'expression «consultation populaire», un changement de vocabulaire qu'ont dénoncé Jean Charest et Mario Dumont hier.
Dans sa déclaration de lancement de campagne, André Boisclair a soigneusement évité d'utiliser ce mot, comme le faisait remarquer Le Devoir hier. «Nous miserons sur le dynamisme de nos régions et nous engageons à tenir une consultation populaire le plus tôt possible dans un premier mandat pour que le Québec devienne enfin un pays», a-t-il affirmé à cette occasion solennelle dans le grand hall du parlement.
Selon nos sources, l'organisateur en chef du Parti québécois, Nicolas Girard, a récemment remis en question, lors d'une «conférence des présidents», l'usage du mot «référendum» et a recommandé depuis quelques mois de faire évoluer le vocabulaire et de préférer en toute circonstance l'expression «consultation populaire».
La députée de Bourget, Diane Lemieux, a reconnu hier lors d'un entretien avec Le Devoir que le mot «référendum», pour le Parti québécois, a «effectivement quelque chose de lourd». Mais elle trouve ces questions linguistiques totalement «oiseuses»: «Ce sont des synonymes, voyons!» Il reste que dans le passé, le Parti québécois a été à la source de vastes débats sur les mots: «souveraineté» a ainsi été préféré à «indépendance», «regroupements municipaux» à «fusions».
André Boisclair s'est montré plutôt laconique à ce sujet hier à Saint-Hyacinthe: «Il n'y a aucune confusion dans mon esprit [entre les deux termes]. La loi qui permet la tenue de référendums s'appelle la Loi sur les consultations populaires», a-t-il rappelé. En lui faisant le reproche d'utiliser le mot «consultation», M. Charest tente selon lui de faire oublier qu'il n'a «pas de position constitutionnelle».
Réponse à tout
Pour Jean Charest, en biffant le mot «référendum» de son vocabulaire, André Boisclair tente de cacher son option. Mais le chef péquiste ne réussira à berner personne, a insisté le premier ministre: «S'il veut changer de mot, s'il veut abrier ça, eh bien, bonne chance! Je pense que ça ne sera pas facile!», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse au Manoir Montmorency, dans l'arrondissement de Beauport.
M. Charest a aussi fustigé le PQ, «pour qui la souveraineté, c'est la réponse à tout, à absolument tout, ça n'a pas changé, c'est toujours le parti d'une seule idée. [...] Je laisse le soin à M. Boisclair d'essayer de présenter ça autrement. S'il veut essayer, ben tant mieux, bonne chance». Aussi, selon M. Charest, même si le terme change, personne n'oubliera que «la page 15 du programme du Parti québécois est très claire, c'est limpide, ça ne peut pas être plus clair que ce qu'on nous a présenté: un gouvernement du Parti québécois va se consacrer uniquement à préparer un référendum». Il a rappelé que récemment, le chef péquiste a affirmé à quelques reprises que si le PQ était élu, il y aurait «un "référendum" le plus vite possible». «Il a dû le répéter, dans la dernière semaine, dans les derniers sept jours, au moins deux ou trois fois.»
Selon le premier ministre, voir le vocabulaire changer, en début de campagne électorale, sur un enjeu aussi «fondamental» et alors que le PQ n'a pas encore adopté de plateforme électorale montre que cette formation politique «a un sérieux problème».
Par ailleurs, le chef adéquiste Mario Dumont a eu ces mots à propos du chef péquiste: «De façon générale, il semble que son vocabulaire soit toujours dur à comprendre. Alors, quand il y a un mot qui peut en remplacer deux, il devrait éviter d'allonger encore plus.»
Souvenirs douloureux
Le linguiste Lionel Meney, professeur retraité de l'Université Laval, estime que le mot «référendum» a quelque chose d'usé au Québec. Il est de plus en plus «connoté négativement». En fait, le mot «référendum» place M. Boisclair dans un véritable dilemme, entre deux pièges: d'abord celui des militants, qui veulent absolument un troisième «référendum»; ensuite celui de la population, qui n'en veut pas. En effet, le sondage CROP-Le Soleil d'hier révélait que 67 % des Québécois sont actuellement opposés à la tenue d'un troisième exercice référendaire.
M. Meney souligne qu'en jargon linguistique, «consultation» est un «hyperonyme», c'est-à-dire qu'il est le terme plus général qui soit pour exprimer une idée donnée. Il est par exemple moins précis que «vote», «référendum», «plébiscite» ou «audiences publiques». Mais il chapeaute toutes ces manières de «consulter». D'où la notion d'hyperonyme.
«En choisissant ce terme, M. Boisclair a peut-être voulu éviter le rappel des mauvais souvenirs reliés aux deux échecs précédents de 1980 et de 1995», interprète M. Meney, aussi auteur du Dictionnaire québécois-français (Guérin, 1999). «Il y a les souvenirs douloureux de ceux qui ont perdu, mais il y a aussi ceux pour qui ce fut une épreuve dans leur famille. En utilisant le terme "consultation populaire", il cherche sans doute à créer un intérêt nouveau. Au reste, qui s'oppose, en principe, à ce que le peuple soit "consulté"?»
Avec la collaboration de Kathleen Lévesque
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