Le « Printemps érable » de retour : À nous la Rue! À nous le Monde!

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Combien faut-il d'hirondelles pour faire un printemps ?

Le 3 avril, à la demande de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (PASSÉ), les étudiants ont envahi la rue. L’ASSÉ se définit comme « un syndicat étudiant national qui regroupe plus de 70 000 membres dans plusieurs associations tant collégiales qu’universitaires à travers le Québec ». Elle se bat pour le droit à l’éducation, pour un syndicalisme combatif et démocratique et pour une véritable solidarité syndicale.
L’appel a largement été écouté avec 60 000 étudiants en grève représentant 35 associations étudiantes collégiales et universitaires, appuyés par plusieurs organismes ainsi que Québec solidaire. La manifestation s’est déroulée dans le calme, sauf à la fin. Mais c’est toujours à la fin que les groupuscules qui cherchent le trouble se manifestent, et c’est inévitable. Les médias nous ont parlé de six personnes arrêtées, dont deux à titre préventif, et de blessés sans plus de précisions.
En fait, l’ambiance était bonne, les manifestants déterminés à investir la rue pour faire entendre leur opposition aux mesures d’austérité et revendiquer un budget plus égalitaire. Le beau temps était de la partie pour nous accompagner au rythme de Budget 2014 : Aux riches de faire leur juste part !
Le lendemain, 4 avril, à l’appel de la Confédération européenne des syndicats (CES), des dizaines de milliers de manifestants venus de toute l’Europe ont envahi les rues de Bruxelles. Une euro-manifestation « pour donner une nouvelle voie à l’Europe, sans austérité mais avec des investissements forts pour une croissance durable et des emplois de qualité ».
À Madrid, le 22 mars, ils étaient des dizaines de milliers venus de partout en Espagne pour « une marche de la dignité ». Il y était question « d’urgence sociale » suite aux coupures budgétaires décidées par le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy.
Une solidarité internationale est de plus en plus tangible depuis ces dernières années. Une conscience sociale est à l’ordre du jour et il est de moins en moins possible de faire avaler aux populations des mesures d’austérité injustes. Le mouvement social était d’abord ouvrier. Petite-fille et fille d’ouvrier, les repas dominicaux de mon enfance étaient toujours politiques. Je me souviens de mon grand-père parlant de la grève du chronométrage des 4 et 5 décembre 2012 à l’usine Renault de Boulogne-Billancourt. Une grève contre le Taylorisme, venu directement des États-Unis. Je ne dresserai pas ici la liste des grèves dont il a été discuté autour de la table familiale et auxquelles mon père et mon grand-père ont participé. Mais je dois avouer que cela a profondément marqué mon imaginaire, en plus de faire de moi une militante.
Avec le temps, le mouvement social s’est élargi pour intégrer les membres de différents groupes sociaux qui partagent les mêmes valeurs et luttent pour un objectif commun. Aujourd’hui, au-delà de l’injustice sociale, qui a toujours existé et contre laquelle nous devons lutter sans relâche comme nos grands-parents et nos parents l’ont fait, se trouvent des valeurs. Des valeurs fondamentales pour lesquelles nous devons nous battre. Ce sont : la justice sociale, le respect des droits civils et des libertés civiles, le droit à la dignité.
La justice sociale n’est plus qu’un leurre. Il n’est plus nécessaire d’en faire la preuve. Sur le site des Nations Unies sur la Journée mondiale de la justice sociale, nous pouvons lire : « La justice sociale est fondée sur l’égalité des droits pour tous les peuples et la possibilité pour tous les êtres humains sans discrimination de bénéficier du progrès économique et social partout dans le monde. Promouvoir la justice sociale ne consiste pas simplement à augmenter les revenus et à créer des emplois. C’est aussi une question de droits, de dignité et de liberté d’expression pour les travailleurs et les travailleuses, ainsi que d’autonomie économique, sociale et politique. »
Puis, suit immédiatement la question de la justice sociale en période de crise économique. Nous sommes en plein dedans. Le site déclare, « Pour répondre à la crise, l’Organisation internationale du Travail recommande d’accorder un rôle central à la protection sociale et au travail décent. »
Parfait. Mais qu’en est-il dans les faits ? Les emplois sont de plus en plus précaires, les gouvernements sabrent allègrement dans la santé, les programmes sociaux et l’éducation. Au peuple de se serrer la ceinture. Et ce, à l’échelle planétaire. Le nouveau gouvernement en place au Québec ne fait pas exception. La mine sombre, notre premier ministre Philippe Couillard a expliqué d’emblée qu’il faut couper dans les dépenses publiques. Des compressions de 1,3 milliard pour les deux premières années de son mandat. Le ministre des Finances Carlos Leitao a déclaré qu’il « n’écarte pas la possibilité d’éliminer des programmes sociaux ». Les universités doivent couper dans leur budget. En fait, le gouvernement leur refile la responsabilité d’éponger pour les augmentations des frais de scolarité qui n’ont pas eu lieu, suite au Printemps érable. Et la liste est encore longue…
Le respect des droits civils et des libertés civiles est devenu un euphémisme. Il suffit de voir ce qui se passe aux États-Unis : depuis le 11 septembre, l’administration américaine, de Bush d’abord et d’Obama ensuite, n’a cessé de limiter ces droits en imposant des lois et règlements d’exception sous prétexte de protéger le peuple américain. La sécurité au détriment de la liberté : une vaste campagne de désinformation et de matraquage menée avec brio par les médias officiels, la démonisation des musulmans, la mise en place de mesures d’exception comme les Special Administrative Measures (SAMs), l’adoption du Patriot Act, loi antiterroriste permettant la mise sur écoute, l’arrestation, la détention et le déplacement de prétendus suspects, la suppression de l’habeas corpus, etc. Autant de mesures anticonstitutionnelles prises à la hâte, dans un climat de peur soigneusement entretenu par l’administration américaine avec le soutien des médias, sous prétexte de la guerre contre le terrorisme.
Quant au droit à la dignité, ce qui précède devrait suffire à démontrer que c’est le dernier des soucis de nos dirigeants. Les institutions financières mettent des pays à genoux, interdisant à des millions de personnes de vivre dans la dignité. Les chômeurs et les sans-abris sont de plus en plus nombreux. Je les croise quotidiennement en allant travailler et étudier à l’UQAM. J’ai passé de longues heures place Émilie-Gamelin à observer le va-et-vient des laissés pour compte de notre société. Personne ne choisit de vivre dans la rue : maladie mentale, drame familial et personnel, perte d’emploi sont à l’origine de cette marginalisation. Ce n’est pas en coupant dans les soins de santé, les plans sociaux et l’assurance chômage que le gouvernement aidera ces citoyens et ces citoyennes à retrouver leur dignité et réintégrer une vie à laquelle tout être humain a droit. Une vie qui permet à une femme, un homme, un enfant de se sentir membre à part entière d’une société. C’est pourquoi les manifestants ont pris la rue d’assaut.
Mon grand-père m’a aussi appris à rêver. Quand il était trop triste devant trop d’injustice, quand il sentait qu’il allait baisser les bras, il me disait : « Viens, je vais te raconter pourquoi la tour Eiffel a été construite. C’était pour que je puisse aller tout en haut avec ma fusée et partir sur la Lune ». C’était avant juillet 1969. Il est décédé en 1961.
Claude Jacqueline Herdhuin


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