Le programme sacré

Pacte électoral - gauche et souverainiste


Si Jacques Parizeau s'était accroché au programme adopté en congrès par les militants péquistes, comme le fait actuellement Pauline Marois, il n'y aurait jamais eu de référendum en octobre 1995.
Au congrès d'août 1993, il avait été résolu que, après avoir accédé à la souveraineté, le Québec ferait une offre d'association économique au reste du Canada. Jamais il n'avait été question d'un partenariat politique, incluant une assemblée parlementaire commune, comme le prévoyait la question de 1995.
Pour sceller l'alliance avec le Bloc québécois et l'ADQ, sans laquelle une victoire du oui aurait été carrément impossible, M. Parizeau avait complètement fait abstraction du programme. Le concept de souveraineté-partenariat n'avait jamais été soumis à l'approbation des militants, ni à un congrès, ni même à un conseil national.
Les président(e)s de région et d'association avaient été convoqués en catastrophe un vendredi soir pour donner un semblant de légitimité à la manoeuvre. Placés devant un fait accompli, ils n'avaient pas eu d'autre choix que d'approuver.
Il s'agissait pourtant d'une modification fondamentale du projet qui était la raison d'être du PQ, tandis que la «gouvernance souverainiste», à laquelle Mme Marois semble tenir comme à la prunelle de ses yeux, est simplement un élément de stratégie.
Ce qui se passe actuellement est tout à fait inédit. Traditionnellement, les militants devaient faire des pieds et des mains pour forcer la direction du parti à respecter le programme. Aujourd'hui, la sacralisation vient d'en haut.
Mme Marois a été on ne peut plus claire à l'issue du caucus de Saguenay. Peu importe les conclusions auxquelles pourraient arriver d'éventuels états généraux, il n'est pas question de renoncer à la «gouvernance souverainiste», qui se confond maintenant avec son leadership. On ne voit pas comment le dialogue avec les souverainistes hors PQ, de plus en plus nombreux, serait encore possible.
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Aux yeux de certains, des états généraux sur la souveraineté favoriseraient un rapprochement des diverses chapelles. Dans le contexte actuel, ils risquent plutôt d'offrir un spectacle de zizanie dont les libéraux seraient les premiers à bénéficier.
Dans le brouhaha préélectoral où la création du nouveau parti de François Legault retiendra toute l'attention, le simple exercice pédagogique que semble souhaiter la chef péquiste n'aura qu'un effet limité, pour ne pas dire nul.
Obnubilés par le prochain rendez-vous électoral, les péquistes seraient incapables de situer les choses dans une plus vaste perspective. Le simple choix du format et des participants, sans parler des thèmes à aborder, donnerait lieu à une foire d'empoigne.
On ne peut pas renouveler une opération comme celle-là tous les six mois. Présentement, ce serait un gaspillage totalement irresponsable. C'est au lendemain des élections que l'événement pourrait prendre tout son sens. Si le PQ subit le même sort que le Bloc, comme les sondages le laissent entrevoir, c'est tout le mouvement souverainiste qu'il faudra refonder.
La semaine dernière, le président du Conseil de la souveraineté, Gérald Larose, parlait de l'automne, mais un délai aussi court est totalement irréaliste. D'ailleurs, le PQ ne semble pas très pressé. Mme Marois a donné un accord de principe sans enthousiasme excessif. Au besoin, il ne sera pas très difficile de poser quelques obstacles.
Les détracteurs de la «gouvernance souverainiste» ont tout aussi intérêt à attendre qu'une défaite péquiste règle la question. Cela n'empêche pas le Nouveau Mouvement pour le Québec (NMQ) ou les organismes souverainistes regroupés dans le collectif Cap sur l'indépendance (CSI) de poursuivre leur réflexion. La refondation nécessitera des trésors d'imagination. Il n'est certainement pas trop tôt pour s'y mettre.
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Le PQ aussi a d'autres chats à fouetter. Pour la première fois depuis les dernières élections, ce n'est pas le gouvernement, mais l'opposition qui entreprendra la session parlementaire sur la défensive.
À son arrivée au caucus, mardi matin, Mme Marois parlait de cohésion et de solidarité, mais le climat était plutôt à la méfiance et à la nervosité. La réaction ridicule de son entourage et de quelques députés, en apprenant que le collègue Gilbert Lavoie, du Soleil, avait pu entendre quelques échanges à huis clos, relevait franchement de la paranoïa.
La vitesse à laquelle Bernard Drainville a quitté les lieux à la fin de la réunion laissait également sceptique sur le «très bon début» dont il s'est réjoui. Le comité présidé par Monique Richard, qui disposera de ses propositions, a toutes les apparences d'une déchiqueteuse.
En laissant ses députés libres de s'opposer au projet de loi Labeaume-Maltais, Mme Marois évitera sans doute d'autres démissions, du moins à court terme, mais elle n'en maintient pas moins son appui à un projet que plusieurs de ses députés jugent incompatible avec les normes d'éthique publique qui devraient guider un élu.
Cela n'est pas de nature à renforcer son autorité morale, ni à combler la perte de crédibilité et de prestige que le député de Verchères, Stéphane Bergeron, constatait en juillet dernier dans un courriel adressé à un militant.


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