Bonjour Monsieur Fraser, commissaire aux langues officielles
Commençons par une citation de Gaston Miron extraite d’un article de la revue Maintenant, mars 1974, no 134, intitulé « Le bilinguisme de naissance », je cite:
« Ce phénomène constitue la difficulté de saisir, dans une situation coloniale qui produit déjà de la déculturation, combien le bilinguisme Canadian tel qu’il fonctionne est néfaste et encourge l’acculturation. »
Il y a près de 40 ans, Gaston Miron liait les trois idées suivantes:
-* 1) le bilinguisme canadian
-* 2) la situation coloniale et
-* 3) l'acculturation comme produit du bilinguisme canadian.
En 2013, cette association d'idées est encore réelle et probablement amplifiée par la Charte de P.E. Trudeau et par la civilisation matérialiste qui nous enveloppe.
La fonction de Commissaire que vous occupez qui consiste à vérifier l’application de la loi des langues officielles au Canada vous empêche-t-elle de constater la vérité des choses telles que nous les vivons au Québec ? Malgré votre bonne volonté citoyenne, nous avons l’impression que vous déambulez dans un corridor étroit.
Ce corridor étroit a été tracé par feu Pierre Elliott Trudeau et par le Canada-anglais dans la loi constitutionnelle de 1982. Nous comprenons qu’une loi constitutionnelle est la loi fondatrice d’un pays. De notre point de vue, elle est plutôt la loi destructrice de «votre» pays. Comme nous le verrons ci-dessous, l’article 23 de la Charte des droits et libertés incluse dans la Loi constitutionnelle 1982 est un poison qui nuit et nuira au Canada.
Par votre talent d’écrivain et de penseur, vous vous permettez de faire campagne en faveur de la bonne entente entre QuébécoisES et anglos-canadiens. C’est le message qui filtre dans votre texte paru dans Le Devoir des 29-30 juin 2013, intitulé: « Le négatif passe toujours mieux ... » Nous verrons plus loin que la fourberie contenue dans l’article 23 mentionné en titre ne peut être synonyme de « bonne-entente ».
Pour que la dualité linguistique qui vous tient à coeur à titre de Commissaire soit un plus, il faudrait que les deux cultures en présence soient démographiquement paritaires sur le même territoire. Que vous le vouliez ou non, le nombre de locuteurs alimentent directement la vitalité d’une langue et le rayonnement de sa culture Ce n’est pas le cas au Canada.
Nous savons, toutes les cultures sont immensément riches mais il n’existe pas de règle d’éthique entre les cultures. Deux cultures ne font pas de quartiers entre elles. La plus forte écrase, tasse facilement la plus faible. Cela se produit comme par « une mode » déferlante. Pour illustrer ceci, on n’a qu’à penser à la prolifération de mots anglais dans le vocabulaire des français de France. C’est la même chose chez nous au Québec.
Vous parlez de fierté associée à la culture personnelle. Qu’en est-il au Québec ? Il y a comme une fierté qui n’ose pas s’afficher, une fierté gênée. Elle se transforme en honte de s’affirmer différent de la majorité ambiante dans sa langue et dans sa culture. C’est comme si les QuébécoisES étaient enfermés dans une adolescence prolongée à la recherche de son identité.
Cette faiblesse culturelle n’est pas le seul fait d’une démarche personnelle insouciante. Elle est la résultante de nombreux coups de hache assénés à l’arbre québécois par les ennemis de l’émancipation du Québec dont les arrêts de la Cour suprême pour modifier la Charte de la langue selon la loi adoptée en 1977. Cette dernière affirmation nécessiterait un livre à elle seule.
Après quelques considérations sociologiques, plaçons le Québec dans le Canada sous le parapluie politique. Sans plus attendre, parlons du fameux article 23 de la Charte incluse dans la loi constitutionnelle de 1982.
Je cite cet article au complet avec nos soulignés:
« Article 23
-* 1) Les citoyens canadiens:
-
-* a) dont la première langue apprise et encore comprise est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province où ils résident,
-* b) qui ont reçu leur instruction, au niveau primaire, en français ou en anglais au Canada et qui résident dans une province où la langue dans laquelle ils ont reçu cette instruction est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province,
ont, dans l'un ou l'autre cas, le droit d'y faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans cette langue.
-* 2) Les citoyens canadiens dont un enfant a reçu ou reçoit son instruction, au niveau primaire ou secondaire, en français ou en anglais au Canada ont le droit de faire instruire tous leurs enfants, aux niveau primaire et secondaire, dans la langue de cette instruction.
-* 3) Le droit reconnu aux citoyens canadiens par les paragraphes 1) et 2) de faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de la minorité francophone ou anglophone d'une province:-
-* a) s'exerce partout dans la province où le nombre des enfants des citoyens qui ont ce droit est suffisant pour justifier à leur endroit la prestation, sur les fonds publics, de l'instruction dans la langue de la minorité;
-* b) comprend, lorsque le nombre de ces enfants le justifie, le droit de les faire instruire dans des établissements d'enseignement de la minorité linguistique financés sur les fonds publics.»
Nos soulignés mettent en évidence une énumération jumelle: la minorité francophone OU la minorité anglophone. Comme au comptoir du glacier cet été, « votre cornet à la crème glacée, voulez-vous l’essence à la vanille ou l’essence au chocolat ?
Voyez-vous Monsieur Fraser le subterfuge utilisé par le PM Trudeau et accepté par les neuf autres provinces: on essaie de traiter avec équité, sur un même pied en droit, deux groupes sociaux qui ne sont pas paritaires démographiquement. Ils ne possèdent pas la même culture, ni les mêmes aspirations, ni les mêmes moyens pour progresser et se défendre contre les agresseurs. Le moule canadien ne réussit pas partout.
Tout l’article 23 cité ci-haut est trompeur parce qu’il affirme une fausseté: on ne peut mettre sur un même pied deux entités sociales et politiques si différentes à moins de les y contraindre et c’est ce que fait la Cour suprême par ses nombreuses décisions défavorables envers la minorité franco-québécoise.
L’application de l’article 23 au Québec relève de la magie. La minorité franco-québécoise dans le Canada devient majoritaire au Québec mais ne possède pas les attributs de la majorité. Et la majorité anglo-canadienne devient minoritaire au Québec tout en conservant les attributs de sa majorité dans le grand ensemble.
Conclusion illogique: la minorité anglo-québécoise, qui n'est pas une vraie minorité, est celle qui est subventionnée et protégée pour survivre... comme les anglos-québécois plaident. Le résultat est clair: la minorité anglo-québécoise refuse d’assumer son état minoritaire et empêche la majorité franco-québécoise de jouir de sa majorité.
Quelques exemples de positions outrancières de la minorité anglo-québécoise: les écoles passerelles, les enfants de militaires qui fréquentent l’école anglaise, les municipalités à statut bilingue qui veulent changer les règles, l’absence de référents historiques du Québec dans les noms donnés aux nombreux développements domiciliaires de Montréal, le refus d’accepter les règles de francisation dans les entreprises de moins de 50 employés, le refus du CÉGEP français selon les mêmes règles que pour les niveaux inférieurs de l’enseignement public subventionné, etc.
Devant la situation non paritaire des deux solitudes du Canada, une loi cherche à protéger les droits de la minorité contre les excès de la majorité. Sauf, qu’on joue sur deux patinoires en même temps à géométrie variable et on établit ses règles. On refuse les règles des autres, exemple loi 101, pourtant loi votée démocratiquement.
Devant le charabia de l'article 23 de Trudeau, les éminents juges de la Cour Suprême font de la voltige comme dans l’arrêt Nguyen c. Québec, sur les écoles passerelles. Cet arrêt signé par le juge Le Bel demande, ordonne aux fonctionnaires de Québec de concilier qualité-quantité dans leurs études du cas par cas, ce que le jugement prétend accomplir. Cela est faux parce que le jugement se penche sur un cas alors que les fonctionnaires se penchent sur des centaines de cas. De plus, l’étude qualitative du cas d’un enfant, pour éviter toute subjectivité déviante, doit être quantifiée d’une manière ou l’autre ce que l’éminent Juge refuse de reconnaître.
La magie opère: on transforme en majorité la minorité franco-québécoise. Le tour est joué mais la structure est truquée et ne résiste pas aux faits par accumulation des injustices faites par la Cour Suprême. Ces injustices résultent de la protection des privilèges de la «majorité-minorité» anglo-québécoise qui n’acceptent pas la loi des nombres contenue dans la démographie.
Cet article 23 est alambiqué par son géniteur, le PM Trudeau, pour laisser croire qu’il est possible de traiter de manière paritaire en droit, deux groupes sociaux inégaux en nombre, en force et en institutions. La cause inavouée dissimulée dans l’article 23 était celle d’annihiler légalement les aspirations indépendantistes légitimes et libératrices du Québec.
Le plus ironique encore en 2013: vous M. Fraser et des milliers de canadiens ne voient pas l’iniquité congénitale de l’article 23, l’incapacité de matérialiser l’égalité de droit qu’il laisse entrevoir dans la lettre. L’application de l’esprit équitable de la loi est impossible par le Canada qui n’a pas joué «fairplay» avec le Québec en 1982, un de ses partenaires.
Pour revenir au «Québec bashing» du début, ce mépris, pour ne pas dire plus, est le fruit non prévu de l’exclusion du Québec de la loi constitutionnelle de 1982, au grand plaisir des vainqueurs et signataires d’alors, dont MM Trudeau et Chrétien. Des canadiens sont manipulés encore en 2013 par la haine et la fourberie envers le Québec qui habitaient feu Pierre Elliott Trudeau. Le Canada est-il capable de mettre fin à son déni et reconnaître: on construit rien de solide sur la fourberie à moins d’être fourbe comme modus operandi. Combien de temps encore durera l'égarement du Canada-anglais et le vôtre ?
Où s'alimente le mépris du Canada anglais ?
Le «Québec bashing» du National Post et le «fucking frog» d’un employé de La MM&A
Est-ce un sous-produit de la fourberie du géniteur de l'art. 23 de la Charte?
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8 commentaires
Alain Maronani Répondre
21 juillet 2013@Ougho
"Si c’était encore la norme, on pourrait mieux suivre les douteux méandres de Maronani....."
Me citer dans un échange ou je n'étais pas intervenu me semble relever de la pathologie....
Avant de donner des lecons aux autres commencez donc par utiliser votre nom et cessez de vous cacher derrière un pseudo plus ou moins foireux....
Archives de Vigile Répondre
21 juillet 2013Dans les entrepreneurs du mépris québecois il y a la face de dindon sauvage d'amérique Sir Paul Desmarais.
Marcel Haché Répondre
21 juillet 2013M. Lachapelle.
Je comprends que vous adressez votre texte au commissaire aux langues. Cependant, vous posez la question d’où provient et s’alimente le mépris du Canada anglais à notre égard. À votre excellent texte, je place un commentaire sur le seul plan politique.
Le mépris du Canada anglais à notre égard n’a pas eu besoin de P.E.T. non plus que sa chartre de 1982 pour exister. Ce mépris préexistait à l’arrivée de P.E.T. C’est d’ailleurs sur ce mépris du Canada anglais à notre égard que P.E.T. a joué très habilement ses cartes, de façon à pouvoir se gagner les faveurs de l’électorat ontarien, l’électorat maître du Canada central, lui-même alors maître du Canada.
Le mépris à notre égard ne trouve pas sa source dans les textes constitutionnels. C’est P.E.T. lui-même qui fut un sous-produit de ce mépris. L’article 23 fut un sous-produit ardemment désiré par la source elle-même de ce mépris, qui s’appuie dessus depuis.
Ce mépris du Canada anglais ne provient pas de la constitution parce que Nous n’y ne serions pas encore ralliés¹. La source de ce mépris est bien plus vieille et bien plus proche de Nous que l’article 23 (qui est indéniablement à être dénoncé), il s’agit d’une source bien de chez nous, aussi de chez nous que P.E.T. lui-même à l’époque, que son fils Justin maintenant, il s’agit d’une source qui a pour origine le West Island, ce dont les indépendantistes hésitent d’en parler depuis longtemps.
Ce n’est pas tout le West Island qui Nous méprise. Mais c’est quand même de là que sont partis depuis toujours les plus grandes drives anti-Québec. Le National Post n’est qu’une caisse de résonnance ajustée. La constitution canadienne et tout son bataclan, c’est le terrain de jeu…des fédéralistes. Nous y sommes hors-jeu. Le Commissaire aux langues n’est finalement que le paratonnerre de la maison…
¹ Quand bien même le Québec se rallierait à la constitution de 1982, selon le vœu de Couillard, le Quebec bashing n’arrêterait pas le lendemain…
Archives de Vigile Répondre
21 juillet 2013Voici un autre exemple
http://www.barakabooks.com/catalogue/discrimination-in-the-nhl/
François A. Lachapelle Répondre
20 juillet 2013@ Ougho
1. biographie résumée: naissance en 1943 à Bedford QC, vie à Montréal depuis 1949; retraité de H.-Q. depuis 2003. J'ai hérité d'un bilinguisme français-anglais de mes parents francophones qui ont travaillé chacun très longtemps pour la Bank of Montreal.
2. la loi constitutionnelle de 1982 qui inclut la Charte de Trudeau ne peut pas être (ontologie) un pays humaniste qui respecterait dans sa moelle tous ses partenaires dont le Québec pour la simple raison que le Canada n'existe pas sans le Québec. Actuellement, le Canada vivote parce qu'il combat un de ses membres qu'est le Québec sécessionniste. Le Canada est contre ce qui est contre-créatif.
3. De plus, le Canada vivote et même dérape avec la philosophie néo-libérale et conservatrice de Stephen Harpe. Dans Le Devoir d'aujourd'hui, le montréalais Guy Charron écrit, je cite: « avec un Canada si loin de nous idéologiquement ». Guy Charron écrit aussi, je cite: « ... aucun Québécois le moindrement informé sur ce que construit Stephen Harper avec son parti hyper-conservateur ne voudra rester dans ce Texas sournoisement en construction. »
4. Il est d'une tristesse inouïe que des Québécois de souche se prêtent à un travail de mercenaires bien rémunérés pour nous étouffer. Ce sont les députés et ministres actuels du Parti conservateur à Ottawa. Ces gens doivent être éduqués de ce qu'est une trahison contre l'humanité.
Archives de Vigile Répondre
20 juillet 2013Excellent texte M. Lachapelle.
Je voyais bien que les fonds fédéraux dédiés aux minorités de langues officielle profitaient surtout à la minorité anglophone du Québec, mais je n'avais jamais fais le lien avec cet article 23 de la charte des droits et libertés.
Bravo!
Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre
20 juillet 2013M. Lachapelle,
À l'origine, Vigile.net publiait un résumé de biographie de ses auteurs. Si c'était encore la norme, on pourrait mieux suivre les douteux méandres de Maronani. Par contre, dans votre cas, on pourrait mieux apprécier comment se développe une pensée créatrice. Et une articulation précise.
Car il faut le reconnaître, peu d'entre nous ont su attraper par la queue le scorpion venimeux du "Quebec bashing". Cette arme "non enregistrée" peut nous exploser au visage dès que nous essayons de nous en défendre dans ce pays consacré secrètement à l'unilinguisme du conquérant.
Vous situez cette toxine dans un ensemble législatif pervers qu'un Commissaire aux langues officielles ne pourra écarter du revers de la main. Si nous combattions à armes égales. Or, si M.Fraser optait pour une logique qui vous rejoigne, il pourrait bien devoir, à brève échéance, aller "relever de nouveaux défis" au Danemark.
Archives de Vigile Répondre
20 juillet 2013La fourberie réside dans l'énoncé qu'il y a a la fois deux minorités et deux majorités linguistiques au Canadà. Cette question simple, ce piège dans lequel sont tombes les souverainistes pourrait faire l'objet de nombreuses études. GV