PRODUCTIVITÉ

Le Québec n’a pas à avoir honte

La main-d’œuvre est aussi bonne qu’ailleurs; c’est la structure industrielle qui explique le retard

E5209003c2d0db0c5c2c6c6d70f9be91

Vivement une politique industrielle !

Le Québec n’est pas le cancre que l’on dit en matière de productivité au Canada, dit l’IRIS.

Si le Québec accuse un retard sur sa voisine ontarienne et la moyenne canadienne en matière de production par heure travaillée, ce n’est pas parce qu’on y travaille plus mal ou moins fort qu’ailleurs, mais à cause de sa structure industrielle qui compte moins de secteurs à forte valeur générée, comme l’industrie pétrolière albertaine ou les secteurs ontariens de l’auto et de la finance, conclut une note de recherche d’une dizaine de pages dévoilée mercredi par l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS).

En fait, lorsqu’on transpose la productivité des travailleurs québécois à une économie qui aurait le même tissu industriel que celui de l’Ontario, on se retrouve avec un Québec dont le produit intérieur brut par heure travaillée aurait crû de 20 % de 1997 à 2012, comparativement à 16,4 % en Ontario et 18 % en moyenne au Canada. Cette économie québécoise là aurait tellement bien fait qu’elle aurait, aujourd’hui, complètement rattrapé son retard historique sur la voisine ontarienne.

« Ça ne veut pas dire qu’on ne produit pas moins de richesse que les autres, mais qu’il faut sortir du mythe d’un Québec peuplé de travailleurs moins productifs, a déclaré en entretien téléphonique au Devoir l’auteur de la note, Mathieu Dufour. Il s’agit, en bonne partie, d’un problème de structure industrielle et, par conséquent, de politiques des gouvernements. Car cette réalité n’est pas le fruit du hasard ou d’une logique de marché. C’est le résultat d’une longue série de décisions politiques, principalement prises par Ottawa, mais aussi par Québec, et qui ne peuvent être corrigées que par d’autres politiques. »

Le chercheur constate, par exemple, que la productivité horaire a augmenté au Québec, de 1997 à 2012, de 36 % dans le secteur financier, où il se produit en moyenne 49 $ par heure travaillée contre 16 % en Ontario, que la hausse a été de 26 % dans le secteur manufacturier (44 $/h) contre 18 % en Ontario et que l’amélioration s’est élevée à 49 % dans les services d’utilité publique (222 $/h) contre 6 % en Ontario. Il rappelle toutefois que la finance ne compte que pour 5,8 % de l’économie québécoise, contre 7,2 % en Ontario, et que si le secteur de la fabrication est proportionnellement plus important au Québec (19,9 %) qu’en Ontario (17,7 %), le Québec s’est traditionnellement spécialisé dans l’industrie légère, moins productive, alors que l’Ontario compte une plus forte proportion d’industries lourdes, comme l’automobile et la machinerie.

Pas une question d’impôts

Ce qui ne veut pas dire que les Québécois ne travaillent pas, en moyenne, moins d’heures dans une année que le reste des Canadiens, ni que le Québec ne souffre pas aussi du fait que ses entreprises sont généralement de plus petite taille, ni encore que certains des secteurs industriels québécois ne se révèlent pas moins productifs qu’ailleurs au pays. C’est le cas, entre autres, du secteur de la santé (recul de la productivité de 23 % en 15 ans contre -7 % en Ontario) et de celui de la construction (recul de 4 % au Québec contre une amélioration de 12 % en Ontario).

« Nous n’avons pas essayé d’expliquer ces écarts défavorables, dit Mathieu Dufour. Mais dans le cas de la construction, on ne peut pas s’empêcher de penser à toutes ces histoires de corruption qu’on a entendu raconter ces dernières années. »

Ceux qui seraient tentés de proposer de nouvelles vagues de réduction des impôts des entreprises pour leur permettre, en retour, d’augmenter leurs investissements dans de nouvelles technologies plus productives seront déçus, dit-il dans une seconde partie de sa note de recherche. Un examen des variations du taux effectif d’imposition sur le revenu des entreprises et de leur niveau d’investissement depuis le début des années 1980 ne semble montrer aucun lien du genre, au contraire. « On serait même plutôt porté à croire le contraire ces dernières années, note Mathieu Dufour, les baisses d’impôt des entreprises s’étant accompagnées d’une stagnation, voire d’une baisse du niveau de leurs investissements. Non, c’est de politiques industrielles dont le Québec aurait besoin. »


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->