La pandémie de COVID-19 offre une chance aux pays, ou plutôt leur impose l’obligation d’améliorer leurs mécanismes de coopération réglementaire en matière de santé, estime Jean Charest.
Avec le début de leur déconfinement alors qu’un vaccin contre la COVID-19 n’a toujours pas été trouvé, les sociétés entrent dans une période où le degré de normalité de leur fonctionnement reposera, en grande partie, sur la capacité des pouvoirs publics de suivre l’évolution de l’infection par des tests médicaux, a observé mercredi dans un entretien téléphonique avec Le Devoir l’ancien premier ministre du Québec et maintenant associé au cabinet d’avocats McCarthy Tétrault à titre notamment de spécialiste en commerce international. Or, ces tests de dépistage de la maladie ou de la présence d’anticorps contre le virus chez les individus qui l’ont déjà contractée (dépistage sérologique) continuent de se faire rares et ceux qui ont été mis au point et approuvés dans un pays doivent souvent repasser une batterie d’essais cliniques pour être approuvés dans un autre pays. Ne gagnerait-on pas un temps précieux si Canadiens, Américains, Européens et Japonais reconnaissaient la valeur de leurs processus d’approbation respectifs ? avaient demandé, plus tôt dans la journée, Jean Charest et l’ex-diplomate et chercheuse à la Munk School of Global Affairs de l’Université de Toronto Deanna Horton, dans une lettre ouverte envoyée aux médias.
Après tout, les organismes de réglementation de tous ces pays s’appuient sur des scientifiques reconnus et cherchent tous la même chose : protéger la santé et la sécurité du public.
Ce problème de la reconnaissance mutuelle des normes de protection et processus d’approbation de ses partenaires commerciaux est bien connu, rappelle Jean Charest. « Les principaux obstacles au commerce aujourd’hui ne sont pas les tarifs douaniers, mais des différences de normes et de règlements qui servent souvent de fausse excuse pour freiner l’entrée de la concurrence étrangère. »
Plusieurs nouveaux accords de libre-échange, comme celui conclu entre le Canada et l’Union européenne, établissent d’ailleurs des mécanismes de coopération en la matière. « Mais le processus reste lent et extrêmement complexe », déplore l’ancien premier ministre, qui a justement été l’un des instigateurs de ce traité commercial Canada-Europe.
Les prochaines fois
Des choses se font malgré tout. L’application numérique que l’Alberta compte utiliser pour suivre la trace des personnes ayant pu être contaminées par un porteur du virus a, par exemple, été mise au point à Singapour, note-t-il. Santé Canada vient également d’approuver un premier test de dépistage sérologique de la COVID-19 au pays et ce test nous arrive de l’Italie.
Mais la pandémie a aussi vu une soixantaine de pays lever toutes sortes d’obstacles à la libre circulation de matériel et de produits médicaux en pensant que cela les aiderait à répondre aux besoins de leurs propres populations. Comment espérer, dans un tel contexte, un resserrement de la coopération réglementaire entre les pays, lorsque cette coopération est déjà tellement difficile en période normale ?
« La pandémie a révélé toutes sortes de lacunes dont il faudra tirer les leçons pour les prochaines fois, conclut Jean Charest. Parce qu’il faut être lucide, cette pandémie ne sera pas la dernière. Il y en aura d’autres. »