Le référendum grec et la dictature européenne

Crise du capitalisme - novembre décembre 2011

Quelques jours après avoir été annoncé, le référendum grec est apparemment sur le point d'être retiré. Entre-temps, il aura permis de faire le tri entre les fanatiques de la construction européenne, les partisans de l'eurocrature, et ceux qui restent démocrates. (...)
Une autre pièce d'anthologie est l'article "Brisons le tabou d'une souveraineté unique", signé d'une universitaire enseignante en droit public (sic) et publié par Le Monde.

Cette brave dame nous révèle ce que les partisans de la construction d'un état européen se gardent bien d'avouer : seule la loi européenne prévaut aujourd'hui, les états membres ne sont plus souverains. Lisons-la, même pas entre les lignes : "Quelle est la souveraineté d'un Etat seul dans le contexte mondialisé de crise, de monnaie européenne et de lois européennes. Alors, brisons le tabou de la souveraineté du peuple unique. Le cadre d'exercice des compétences n'est plus national, et depuis longtemps. La loi européenne est votée par le Parlement européen et le Conseil de l'Union, eux-mêmes représentant les peuples européens et les Etats. Elle s'impose aux lois nationales et est respectée par les juges nationaux. Dans cette mise en lumière de ce qui devrait être une évidence, il faut dire les choses clairement : non le peuple grec, même s'il rejette le plan d'aide européenne, ne sera pas légitime à le faire. Il ne sera ni légitime ni légal. Pas légitime parce qu'il rejetterait la générosité de ses amis européens. Pas légal parce qu'il oublierait que la règle européenne s'impose à la règle nationale."

Cette juriste est dans la position de quelqu'un qui aurait trouvé une montre dans la rue et l'arborerait fièrement à son bras, pendant qu'à la fenêtre le propriétaire légitime crierait "ma montre !"
Là voilà donc qui explique benoîtement que les peuples européens sont dessaisis de leurs souverainetés nationales (par quel acte ? depuis quand ? Parce que nous sommes dans un "contexte mondialisé de crise, de monnaie européenne et de lois européennes" ?).
Peu importe, nous ne le saurons pas, ce n'est visiblement qu'un détail pour l'auteure.

Ce qui compte, pour les eurocrates, c'est de donner les coups de boutoir finals pour construire leur état fédéral.

Ainsi Daniel Cohn-Bendit, qui, sous prétexte de vouloir placer Keynes à Bruxelles, explique qu'il est urgent de transférer des pouvoirs à Bruxelles, pour ne se soucier que plus tard de la légitimité démocratique desdits transferts. Au journaliste qui lui demande, à propos du saut fédéral qu'il souhaite "Si on transfère des pouvoirs, ne faut-il pas transférer aussi de la démocratie vers l'Europe ?" Réponse de Dany : "Si, si, si. Mais cela met un temps. Aujourd'hui, on voit les progrès démocratiques que l'on doit accomplir. Mais si vous voulez décider cela dans les procédures démocratiques de l'Union, cela vous prend quelques années. Il faut faire ratifier les traités dans tous les pays..."
On a donc double forfaiture de la part des eurocrates : ils souhaitent transférer des pouvoirs à Bruxelles sans en avoir la compétence juridique et ne se soucient pas, ensuite, de revêtir ces transferts d'une quelconque légitimité démocratique - on verra ça plus tard.
Il revient à un autre enseignant d'enfumer définitivement le peuple, en expliquant que la démocratie à l'européenne est une démocratie d'un type nouveau : "Nous sommes, à l’échelle de l’Union européenne, dans une démocratie de troisième type qui correspond à la spécificité des institutions européennes."
Ce brave homme n'a pas le courage de dire qu'il souhaite un renforcement des pouvoirs de l'Union , il faut en plus qu'il prétende détenir la vérité : "Ceux qui prétendent que les Sommets européens, comme celui du 27 octobre dernier, sont adémocratiques se trompent."
Ces braves gens ne font que rejoindre la théorisation de la dictature européenne réalisée par Tommaso Padoa-Schioppa en 2010.
Il importe en tout cas que les citoyens de la république française soient prévenus : leur avis compte pour rien et ils ne sont déjà plus maîtres de leur destin. Ce sont des grecs virtuels, et il ne manque qu'une occasion pour que cela devienne manifeste.
Tout cela, in fine, pour défendre les porteurs de la dette publique. Il est temps de redécouvrir, comme l'a excellemment formulé Dani Rodrik, que l'Union européenne qui se donne comme objectif de s'adapter à la globalisation tout en construisant une souveraineté européenne, ne peut pas être une démocratie. C'était détaillé dans un article de ce blog en février 2009.

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Post scriptum : même Quatremer se rend compte qu'il y a un problème démocratique.


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