Le Régime des rentes du Québec: une catastrophe appréhendée ?

L'affaire de la CDPQ - conséquences et réformes

Le Régime des rentes du Québec : une catastrophe appréhendée ?
Depuis quelques semaines, plusieurs chroniqueurs de la presse écrite se sont penchés sur la question du financement du Régime des rentes du Québec. Le gouvernement mène actuellement une consultation sur les solutions à mettre en place pour éviter que la Caisse se vide. Dans mon commentaire, j'essaie de bien distinguer le problème de renflouement du RRQ et celui des retraites dont le débat reste à faire. Il est important que les citoyens soient aussi vigilants sur ces questions que sur celle de la tarification
Suite à la performance désastreuse de la Caisse de dépôts et de placements du Québec en 2008, le Régime des rentes du Québec serait à sec dès 2051. Le gouvernement peut agir globalement sur la cotisation ou sur la rente. La majorité des intervenants choisissent une combinaison de deux : une augmentation graduelle et limitée des cotisations allant de 9,9% à 12,6% échelonnée sur plusieurs années et un accès plus limité aux prestations, en fonction du type de rentes et de l’âge. D’autres acteurs sociaux privilégient une action essentiellement sur les rentes sans toucher le niveau de cotisation. Pour des raisons de compétitivité du Québec sur le marché de l’emploi, l’Institut C.D. Howe suggère essentiellement de geler les rentes pour les 10 prochaines années. Dans un esprit d’équité intergénérationnelle, le sociologue Simon Langlois choisit des solutions axées sur l’accès aux rentes en fonction de l’âge ou du type de rentes; il exclut toute augmentation des cotisations. Comme on le constate ce problème d’équilibre à long terme peut amener à court terme des propositions très variées et souvent opposées.

Répétons que nous regardons un problème à long terme, à partir, de certaines tendances démographiques, elles aussi à long terme. Sur ce plan, il faut reconnaître que prévoir l’avenir reste une science approximative.

Qui aurait prévu, il y a 10 ans, le mini-boom des naissances au Québec. Cette croissance des naissances, va-t-elle se poursuivre et même augmenter dans les prochaines années ?

Le solde migratoire est positif depuis au moins 2002. Le nombre d’immigrants s’est donc accru de façon importante. Quelle est la capacité du Québec à accueillir des immigrants dans la prochaine décennie ?

Avec la crise économique actuelle, le report à la retraite déjà sensible, va-t-il continuer à s’élever dans l’avenir ?

Ces tendances peuvent avoir un impact non négligeable sur le déficit prévu. De plus, dans la plupart des solutions concernant les cotisations, peu d’intervenants mentionnent l’opportunité d’un relèvement du plafond de cotisation selon le salaire brut, qui est actuellement de $44,900.

En somme, régler un problème appréhendé par des solutions à court terme reste un exercice délicat et peut permettre à certains de profiter de cette situation pour mettre en place une réforme de la retraite. Derrière des objectifs déclarés, il faut être conscient sur les intentions réelles des organismes et du gouvernement. Le nouveau ministre Clément Gignac a déjà souligné son intérêt à réformer les retraites au Québec, soulignant que l’âge de la prise de retraite au Québec est trop tôt par rapport aux autres provinces. Il avance l’idée d’augmenter de 65 à 67 ans l’âge de la retraite.

Cela me permet ainsi d’aborder la question de la retraite. J’ai un malaise certain lorsque cette question est abordée sous l’angle « de la liberté 55 ». Soulignons rapidement que ce slogan a fait partie des campagnes de publicité de compagnies d’assurances privées qui faisaient miroiter ce rêve alors que la vérité est claire: l’âge moyen actuel à la retraite est de 62 ans.

Dans nos sociétés industrielles capitalistes, chaque travailleur, pour vivre décemment, a une « obligation de travail ». Les chômeurs et les assistés sociaux le savent très bien. Quand on se questionne sur la retraite, on doit toujours faire attention que cette obligation de travail ne soit pas étendue aux catégories de travailleurs âgées (62 ans et plus) qui veulent se retirer du marché du travail parce que leur force de travail a été usée prématurément physiquement et/ ou psychologiquement. Au Québec, nous observons que l’espérance de vie et l’espérance de vivre en santé ont augmenté entre 1981 et 2006; cependant il existe encore un écart moyen très important entre les personnes les plus défavorisées et celles les plus favorisées: il se situe à environ 8 ans.

Pour ma part, il faut aller plus loin et réaffirmer que toute réforme voulant augmenter globalement l’âge de la retraite n’est pas acceptable dans notre société déjà aux prises avec d’importants écarts entre les plus pauvres et les plus riches. Le modèle américain d’une population de travailleurs âgés (65 ans et plus) obligés de travailler dans les grandes surfaces ou dans la restauration rapide, doit servir de repoussoir afin de permettre à nos travailleurs d’avoir accès à une retraite décente dans laquelle le bénévolat sur le plan sociétal, est un actif à être pris en compte autant que le travail salarié.

L’équité intergénérationnelle et l’équilibre financier des Régimes de retraite doivent être des priorités comme elles le furent pour ceux et celles qui ont commencé à cotiser au RRQ en 1966 afin de permettre à leurs parents de pouvoir bénéficier dans les années suivantes des prestations. Ces objectifs ne doivent pas cependant servir de prétexte pour réformer la retraite dans le sens d’une prolongation de l’âge d’accès, qui se traduirait par une « obligation de travail » pour un plus grand nombre de salariés âgés. Le risque d’un détournement est présent; d’où cet appel à une plus grande vigilance dans ce débat à venir.


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1 commentaire

  • Marcel Haché Répondre

    1 octobre 2009

    Nous y sommes déjà dans la catastrophe.
    Je suis bien d’accord avec vous que nous pourrions être aussi généreux que la génération boomer l’a été envers certains premiers bénéficiaires de la R.R.Q.
    On considère la génération boomer comme celle qui a profité de tout. Cela est faux.
    Quand l’institut C.D.Howe propose un gel, tient-il compte des effets des vases communicants. Par exemple, est-ce qu’il faudrait geler aussi pour 10 ans les prestations de la sécurité sociale ? Geler seulement celles de la R.R.Q., cela équivaudrait à déplacer les besoins et faire porter par une autre organisation ceux normalement impartis à la R.R.Q.? Quelle « équité sociale »--pas seulement inter-générationnelle-- y aurait-il envers une masse de québécois bientôt à la retraite qui n’ont pas pu ou su accumuler un fonds de pension autre que celui de la R.R.Q. ?
    Au-delà de la survie d’un « système », jusqu’en 2051 et au-delà, réalise-t-on les barèmes actuels ? La réalité en 2009.2010, 2011.? En d’autres mots, réalise-t-on l’immense désenchantement de toute une masse de québécois s’apprêtant à se prévaloir des montants auxquels ils ont droit, à la R.R.Q., lorsqu’ils réaliseront les montants versés par rapport à leurs besoins ?
    Le « choc démographique » qui fait tant s’énerver les spécialistes et les jeunes libéraux sera amoindri par le fait que les boomers vont travailler encore longtemps. Le phénomène est déjà bien amorcé.
    Il suffit d’observer et de remarquer en faisant ses emplettes.