Les cinq faiblesses du plan grec

Crise de l'euro



Par Guillaume Guichard - Insuffisant. Tel est le verdict des marchés, une semaine après l'accord européen pour sauver la Grèce et stopper la contagion de la crise de la dette en Europe. Passage en revue des problèmes du nouveau plan.
L'accalmie aura été de courte durée. Une semaine tout juste après le sommet européen qui devait stopper la crise en aidant la Grèce, les marchés retombent dans la méfiance. Le plan de 109 milliards d'euros, qui devait agir comme un calmant, ne fait plus effet. «Certes, la Grèce se porte un peu mieux qu'avant le sommet. Mais mercredi l'écart entre les taux d'intérêt grec et allemand, la référence, s'est creusé. Encore un jour ou deux comme celui-ci et le pays se retrouvera dans une situation pire qu'avant», relève Paul Donovan, économiste chez UBS.
Tant redoutée, la contagion de la crise aux autres pays fragiles (Espagne, Italie) n'a pas été stoppée. Leurs taux ont continué à grimper et les investisseurs s'interrogent sur les limites du plan présenté jeudi dernier.
Des imprécisions
Pour la première fois, les investisseurs vont être fortement incités à participer à l'effort de sauvetage de la Grèce. Problème: les marchés manquent des détails nécessaires pour évaluer combien le secteur financier va perdre à ce jeu-là. «Les institutions financières sont supposées avoir le choix entre trois solutions, mais celles-ci ne sont pas détaillées dans la déclaration européenne de jeudi dernier», s'étonne Justin Knight, responsable taux pour la zone euro chez UBS. Le lobby bancaire, l'Institut de la finance internationale, qui a participé aux négociations, estime les pertes probables pour le secteur à environ 20% des montants investis dans la dette grecque.
Un fonctionnement lent et laborieux
Les dirigeants européens ont décidé de mettre plus d'outils à la disposition du Fonds européen de stabilité financière (FESF), le mécanisme chargé de venir en aide aux États en difficulté. Ce dernier, qui ne pouvait que prêter aux États, pourra dorénavant acheter de la dette de ces pays s'ils sont attaqués par les marchés. Une telle action demande une grande réactivité. Or, le FESF devra attendre d'obtenir l'accord unanime des États membres avant d'agir. «C'est un peu comme si un conseil municipal devait se réunir à chaque fois avant d'envoyer les pompiers éteindre un incendie», s'inquiètent les analyses d'ING, qui auraient souhaité un fonctionnement plus flexible.
Pas assez de moyens
Le FESF pourrait en outre ne pas avoir les moyens d'exercer ses nouveaux pouvoirs. Laurence Boone, économiste zone euro chez Bank of America Merril Lynch, estime qu'il faudrait 290 milliards d'euros pour défendre l'Italie et l'Espagne s'ils étaient attaqués par les marchés. Or, il n'a que 220 milliards d'euros à disposition. «Le manque de moyens risque d'amputer l'efficacité du Fonds», en conclut l'économiste. Un membre de la Banque centrale européenne (BCE) a estimé qu'il faudrait augmenter l'enveloppe du FESF jusqu'à 1000 milliards d'euros. Les économistes du centre d'étude européen CEPS estiment pour leur part le besoin à 4000 milliards d'euros.
Pas assez généreux pour la Grèce
Les dirigeants européens ont assoupli les conditions auxquelles ils accordent des prêts à la Grèce, au Portugal et à l'Irlande. Les durées de remboursement ont été allongées et le taux d'intérêt a été abaissé à 3,5%. Insuffisant, selon les analystes de Nomura: «Le taux d'intérêt moyen sur la dette grecque devrait être sous les 3% pour lui permettre d'atteindre ses objectifs de réduction de sa dette à horizon 2031, à savoir la faire passer sous la barre des 90% du produit intérieur brut (PIB)». L'agence de notation Standard & Poor's estime en conséquence qu'une nouvelle restructuration de la dette grecque sera nécessaire dans les deux ans.
Pas assez d'intégration
Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, l'a reconnu lui-même mercredi: le sommet ne signe pas la fin de la crise européenne de la dette. «Une union économique plus profonde, incluant des émissions de dette titres de dette européens, est nécessaire avant que l'on puisse déclarer vaincue la crise de le dette en zone euro», estime Michala Marcussen, chef économiste chez Société générale CIB.
Au final, «une institution supranationale avec de vrais pouvoirs pour limiter les déficits publics est indispensable», tranche ING. C'est le rêve de Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne sur le départ: un ministre des Finances européen qui pourrait faire respecter la rigueur budgétaire, au-dessus des États. En attendant une telle réforme, les économistes prévoient de nouvelles montées de fièvre, jusqu'à ce que le remède approprié soit apporté.
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