Les contrats privés accordés par l'armée sont mal encadrés

Militarisme canadian et corruption appréhendée


Mathieu Perreault - L'armée canadienne dépense quatre fois plus que l'armée américaine pour ses contrats privés en Afghanistan. Et aucune évaluation externe des sommes déboursées dans le cadre de ces contrats n'a été réalisée, alors même que de telles enquêtes ont révélé de graves cas de surfacturation dans des contrats américains en Irak.


Telle est la conclusion d'une étude publiée par un politologue de l'Université Dalhousie, plus tôt cette année, dans le Journal of Military and Strategic Studies. Plus de 1,3 milliard de dollars ont été déboursés depuis 2002 pour ces contrats, soit 22% des déboursés totaux de l'armée. En comparaison, l'armée américaine n'a déboursé que 5% pour ses contrats privés, qui couvrent généralement la logistique, par exemple la gestion des cantines et habitations militaires.
«Une partie de cette différence est normale, parce que l'armée américaine a des économies d'échelle vu sa taille», explique David Perry, de Dalhousie, en entrevue téléphonique. «L'armée canadienne a aussi des services supplémentaires, par exemple l'entretien de véhicules. Mais contrairement à l'armée américaine, qui a révisé ses programmes au fil des ans pour les rendre moins vulnérables à la surfacturation, l'armée canadienne a toujours la même approche. Je ne suis pas sûr qu'il y a de la surfacturation, mais il n'y a aucun moyen de le savoir, parce que le seul audit externe réalisé ne portait que sur le niveau de services.»
Cet audit, fait durant l'année 2006-2007, a conclu que «l'absence de comparaisons de coût avec d'autres options rendent le ministère de la Défense vulnérable à des évaluations externes. Une analyse minutieuse de toutes les options, avec leurs coûts, aiderait les gestionnaires à approuver la meilleure solution».
La privatisation des tâches de logistique n'entraîne pas d'économies, selon M. Perry. Mais elle permet de limiter le nombre de soldats déployés. Leur nombre à Kandahar serait 20% plus élevé sans ces contrats, une dépense de 70 millions de dollars par année, plus les coûts de recrutement et les pensions auxquelles ils auraient droit à leur retraite, ou s'ils sont blessés.
Un principe de base bafoué
De plus, l'un des principes de base des contrats a été bafoué: en théorie, les employés civils des compagnies ayant décroché les contrats ne doivent pas être impliqués dans les zones de guerre.
«C'est pour ça qu'au départ, l'armée canadienne a requis l'aide logistique de l'armée américaine pour sa première mission à Kandahar, en 2003, dit M. Perry. Mais depuis 2006, les employés des firmes canadiennes se trouvent à Kandahar, même si la sécurité n'y est pas meilleure qu'en 2003.»
Ce n'est que depuis tout récemment que l'armée canadienne accorde des contrats de logistique à des firmes privées. Tout a commencé avec le bogue de l'an 2000: un contrat de 10 millions de dollars avait alors été accordé pour venir en aide aux soldats basés au Canada et à l'étranger, au cas où le système informatique de l'armée aurait été paralysé. Ensuite, un contrat a été accordé pour la logistique des troupes canadiennes en Bosnie. Les États-Unis ont environ 10 ans d'expérience de plus.
Le ministère n'a pas voulu commenter l'étude de M. Perry. La Presse a contacté Jay Paxton, un attaché de presse du ministre de la Défense, lundi dernier. M. Paxton a renvoyé la balle au lieutenant Isabelle Richer, porte-parole de l'armée, qui a indiqué mardi qu'elle essaierait d'avoir une réaction avant vendredi (le 30 novembre). Au moment de mettre sous presse, La Presse n'avait toujours pas eu de nouvelles du lieutenant Richer.
- source


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé