Commission Bastarache

Les jérémiades de Me Cimon

Chronique de Louis Lapointe

Au royaume des grands cabinets d’avocats, il est de bon ton d’être fédéraliste. Quant aux indépendantistes, bien que tolérés, ils sont presque toujours raillés lorsqu’ils affirment leurs idées saugrenues. Si être libéral ou conservateur ne pose aucun problème, oser parler d’indépendance lors d’activités réunissant des avocats de grands cabinets est particulièrement déconseillé, puisque cela ne fera que contribuer à jeter le doute sur votre jugement. Un petit monde ou être fédéraliste garantit votre neutralité et être indépendantiste signifie prendre parti.
Pour de nombreux avocats fédéralistes, les avocats indépendantistes sont des imbéciles qui torpillent volontairement leur carrière, alors qu’ils devraient se la fermer, évitant ainsi de faire fuir les gros clients. Avouer être indépendantiste c’est aussi faire une croix sur une nomination de juge à une juridiction supérieure. Bien sûr, il y aura toujours des avocats pour jouer les péquistes de service, une sorte de police d’assurance pour les grands cabinets au cas où le PQ reviendrait au pouvoir, mais dans aucun cas, les cabinets mettront de l’avant des purs et durs prêts à déchirer leur chemise. L’argent et le pouvoir d’abord, l’indépendance si jamais.
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Quand Me Pierre Cimon se lamente à la télévision parce qu’il ne mériterait pas le jugement de la population à son endroit, clamant que donner au PLQ ne devrait pas être considéré comme un geste partisan, c’est parce qu’il baigne tous les jours dans la culture des grands cabinets d’avocats où être fédéraliste et donner au parti libéral est tout à fait normal, l’anomalie étant d’être indépendantiste.
La culture fédéraliste est tellement imprégnée dans les grands cabinets que donner à un parti fédéraliste n’est même plus considéré comme un geste partisan. Pourquoi serait-il mal vu de faire du bien à ses meilleurs amis qui protègent le Canada contre le fléau séparatiste ?
S’il est si dévasté par le climat de suspicion qui règne dans la population à l’endroit des donateurs du parti libéral, que Me Cimon nous explique donc pourquoi il est normal que les avocats ouvertement indépendantistes ne puissent jamais devenir juge d’une cour de juridiction supérieure comme le soutient avec conviction l’ancien président du parti libéral du Canada et juge en chef de la Cour d’appel du Québec, l’honorable Michel Robert.
Il est de notoriété publique que si un président du parti libéral ou du parti conservateur peut escompter devenir juge en chef de la Cour d’Appel du Québec un jour, jamais un chef indépendantiste ne le sera. Le jour où le Barreau du Québec ou un de ses prestigieux comités défendra le droit des avocats indépendantistes d’être traités comme les avocats fédéralistes, sans discrimination, je compatirai. Mais pour l’instant, trop d’avocats se mettent la tête dans le sable, acceptant la discrimination systémique à l’endroit des avocats indépendantistes comme une chose normale.
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Il est pour le moins étonnant qu’un avocat de la trempe de Pierre Cimon démissionne de ses fonctions de procureur principal de la commission d'enquête sur le processus de nomination des juges de la Cour du Québec et rate à ce point sa sortie parce que son indépendance est mise en doute en raison du fait qu’il a donné au parti libéral du Québec. Il aurait pu profiter de la situation pour questionner la culture des grands cabinets qui est celle d'un club où vous avez toutes les chances d'être admis si vous êtes un homme blanc fédéraliste hétérosexuel, donnant par surcroit au parti libéral.
Plutôt que de nous démontrer qu'il était le candidat approprié en raison du regard critique qu'il jetait sur la culture dans laquelle il baigne chaque jour, Me Cimon a préféré se plaindre le ventre plein en jouant les vierges offensées, alors que sa carrière n'a jamais souffert du fait qu'il était fédéraliste. Bien au contraire, même s’il feint l’offense, Pierre Cimon sait pertinemment que cela a contribué à son succès professionnel. S’il a été choisi comme procureur principal de la commission Bastarache, c’est justement parce qu’il faisait partie du club, ses contributions au parti libéral en étaient l'évidente preuve.
Cela dit, je doute que Me Cimon ait quitté ses fonctions de procureur principal à la commission Bastarache parce qu’il ne souhaitait pas porter atteinte à la crédibilité de la commission. Je ne crois pas non plus que le jugement populaire l’ait affecté à ce point. Un avocat avec autant d’expérience se laisse rarement distraire par les quand dira-t-on. Il n'a tout simplement pas voulu prendre le risque de se montrer ouvert d'esprit et prouver qu'il était l'homme de la situation. Il a manqué d'imagination.
Pierre Cimon ne se montrant pas à la hauteur, ses associés n'ont probablement rien fait pour le dissuader de se retirer de ses fonctions de procureur principal de la commission Bastarache, évitant par le fait même que les projecteurs soient tournés vers leur cabinet, une invitation aux journalistes et autres curieux à venir déterrer de vieilles histoires comme ils l'ont fait avec Heenan Blaikie et une très mauvaise publicité pour l'image de marque d'Ogilvy Renault, un cabinet dont l’un des plus éminents membres, Bryan Mulroney, est l’ancien patron et grand ami de Jean Charest.
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Billet précédent: Plus de services, moins de structures, un choix logique !

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    24 mai 2010

    À cause des diverses vues (fédéraliste versus souverainiste) et du parti au pouvoir, il peut- être plus difficile d’obtenir justice si ce parti est de tendance fédéraliste.
    La politique économique du laissez-aller peut aussi jouer contre le citoyen.
    Michel Thibault

  • Archives de Vigile Répondre

    24 mai 2010

    Faut bien trouver quelque chose pour justifier sa décision de démissionner. Un bouc émissaire en quelque sorte.
    Les relations du procureur avec le bâtonnier n’étaient pas trop mauvaises, il me semble, étant donné leur démission presque simultanées.
    M. Bellemare n’a pas à être trop craintif, ayant aussi des choses à dire sur les juges des postes supérieurs, sans doute nommés par notre premier ministre.
    Michel Thibault ing. f. m. sc.

  • Archives de Vigile Répondre

    24 mai 2010

    L administration de la justice au Québec est une belle mafia «!
    Aux service des M. Desmarais de ce monde , l a justice de cette province de bananes est aussi corrompue sinon plus que celle du Mexique ou de l Iran ou encore de la république dominicaine !
    Quand on voit tout les dossiers de magouilles qui grouilles présentement comme des asticots dévorants une carcasse , on voit que les 10% de l époque de Duplessis est encore pire aujourd'hui..
    Sans oublier les tribunaux administratifs ces petits merveilleux point de dépôts de cash de la caisse des magouilles, surtout la commission des lésions professionnelles du Québec où Monsieur Bellemar tente de faire la lumière (dire la vérité) comme il dit souvent ces jours ci .
    Les juges les avocats , sont corrompue au Québec ! C est pour cela que M . Bellemar est nerveux ces temps ci ! .
    On voit la grandeur de la corruption au Québec .
    Sans oublier la CSST cet organisme qui se cache derrière les blaissés au travail
    pour blanchir des milliards à la CDP
    On comprend pourquoi le pantin de Charest ne veux pas de commission élargie !
    On comprend , quand on voit la grandeur de la magouille dans les institutions québécoises..!

  • Archives de Vigile Répondre

    23 mai 2010

    En démissionnant, celui-ci n’a-t-il pas fait la preuve que le système n’était pas réformable ? Nous en savons quelque chose, étant passés en cour d’appel dernièrement. Comme pour la tour de Pise, elle penche toujours du même coté
    Les juges n’ont pas nécessairement la neutralité, l’abnégation et les hautes valeurs morales souhaitées pour exercer leurs fonctions; la compétence seule n’est pas suffisante.
    Devoir passer par le barreau pour obtenir justice et voir aussi le bâtonnier démissionner n’apporte pas grand-chose.
    Michel Thibault ing. f. m. sc.

  • Archives de Vigile Répondre

    23 mai 2010

    Et s'il fallait que ce soit un juge souverainiste qui tienne pareil propos. Ce serait le scandale assuré.
    Ils ont tous les droits, même celui de penser qu'ils possèdent la vérité.
    Il y a combien de juges d'obédience souverainiste au Québec ? Et au fédéral ?????
    Dans les faits, qui nous jugent lorsque nous nous présentons à la Cour...!!!???

  • Archives de Vigile Répondre

    22 mai 2010

    Monsieur Lapointe,
    Mais n’est-ce pas le propre d’un juge d’être « indépendant » (et seul) dans sa réflexion et sa pensée? Si je me soumets à la décision d’un juge, c’est que je considère que son jugement est au-dessus des politicailleries et des rapines. Si j’accepte qu’un autre (en l’occurrence, un juge qui peut me condamner, ou m'affranchir) parle en mon nom, c’est parce que je sais (hors de tout doute raisonnable) que ce juge prendra la bonne décision, celle pour le plus grand nombre.
    Ne nous faites pas croire que la fonction (en ce sens, un juge est un fonctionnaire, prêt à servir et non à asservir) de juge s’aligne sur ce qui se trame dans les cabinets (les latrines!) d’avocats!
    Ici est en jeu la définition de l’autre. De fait, nier le désir de quiconque de briguer les plus hautes fonctions n’est pas l’objet de mon commentaire. Ce que j'écris me semble primordial. Parler au nom de l’autre signifie faire fi de ses jugements personnels. C’est ce qui fait, selon moi, l’étoffe des grands magistrats.
    Mais il est vrai, aujourd’hui, que le tissu dans lequel on fabrique les toges des juges provient probablement de Chine!
    André Meloche

  • Archives de Vigile Répondre

    22 mai 2010

    Plus un cabinet est gros et fédéraliste plus un avocat a de chances d’être nommé à un poste supérieur.
    Imaginez que quelqu’un comme moi (critiqueur du système) s’en prenne à une grosse compagnie. allant même contre la politique économique de laisser-aller du gouvernement
    De nombreuses embûches sont possibles : 1-difficulté à trouver un avocat pour assumer votre cause et d’autant plus que le montant demandé en dédommagement est élevé 2 on risque de ne plus vous reprendre comme client, votre nom faisant trop francophone ou votre passé chez votre employeur comprenait trop de critiques 3-on risque de frapper la bande politique surtout si l’on va en cour d’appel.4 même chose si l’on se tourne vers le barreau pour défendre ses droits, celui-ci étant bien représenté d’avocats fédéralistes. Difficile d’avoir justice dans les circonstances. La procédure l’emportant sur les témoins ou les preuves
    Michel Thibault ing. f. m. sc. écologie et pédologie