La colère suscitée par le rejet du projet de Loi sur les mines est loin de s’apaiser. En refusant de poursuivre l’étude de la troisième tentative de réforme lancée en quatre ans, les trois principaux partis politiques ont fait un geste « puéril » et antidémocratique, accuse Richard Desjardins dans une lettre rendue publique lundi. Pire, l’inaction laisse le champ libre à une industrie minière guidée par une cupidité « légendaire ».
« C’est le gouvernement au complet, grands partis d’opposition compris, qui nous a trompés le 30 octobre en annonçant net fret sec l’abandon de la révision du régime minier entamée il y a plus de quatre ans. Et avant même que les propositions de changements législatifs n’aient été débattues, comme cela se fait dans une démocratie normale. Révoltant », écrivent Henri Jacob et Richard Desjardins, respectivement président et vice-président l’Action boréale Abitibi-Témiscamingue.
Ils reviennent notamment sur les raisons invoquées par le Parti libéral et la Coalition avenir Québec pour justifier leur décision de voter contre l’adoption du principe du projet de loi 43. Les deux formations ont critiqué la volonté des péquistes d’accorder un certain droit de regard au ministre des Ressources naturelles quant aux zones incompatibles avec le développement minier. Même rejet de l’opposition en ce qui a trait à l’exigence de produire une étude sur la transformation du minerai. La ministre Martine Ouellet s’était pourtant montrée ouverte à des concessions sur ces aspects.
« Insurmontable, tout ça ?, demandent MM. Desjardins et Jacob. Allons donc ! Mesdames, messieurs du gouvernement, il ne s’agit même pas de faire preuve de courage politique, mais simplement d’honorer le simple bon sens : une industrie ne peut pas faire tout ce qu’elle veut, partout et toujours. Nous insistons : une industrie ne peut pas faire tout ce qu’elle veut, partout et toujours. »
Toute-puissance minière
Car c’est bien cette réalité qui continuera de prévaloir, estiment les auteurs de la lettre. En entrevue au Devoir après son passage devant la commission parlementaire qui étudiait le projet de loi 43, l’artiste et militant Richard Desjardins avait d’ailleurs pressé le gouvernement de mettre fin à la « toute-puissance » de l’industrie minière sur le territoire québécois. Sans cela, une bonne part de la réforme toujours attendue de la Loi sur les mines se résumerait à « un exercice assez futile », disait-il alors.
En Abitibi, disait le réalisateur du documentaire Trou Story, l’omniprésence de titres miniers (claims) a notamment pour effet de bloquer un projet d’aire protégée de 1200 kilomètres carrés sur le « magnifique » territoire de Kanasuta, situé à l’ouest de Rouyn-Noranda. Or, bien qu’il soit « claimé » depuis plusieurs années, il n’a jamais été démontré que ce secteur à haute valeur écologique renfermerait un gisement minier exploitable. Les détenteurs de claims peuvent toutefois conserver leurs titres et les renouveler à leur guise, moyennant quelques dizaines de dollars par année.
La mort pure et simple de la réforme portée par la ministre Ouellet perpétuera ce genre de situation. « L’industrie minière pourra donc continuer d’exercer son droit de veto sur tout projet de conservation ou d’aménagement urbain et rural que pourraient souhaiter les populations du Québec. Cet archaïque pouvoir s’est maintenu intact depuis le Gold Rush californien de 1850, faut-il le rappeler », notent les dirigeants de l’Action boréale Abitibi-Témiscamingue.
Ils voient d’ailleurs la trace de l’influence du lobby minier dans ce troisième échec en quatre et sous deux gouvernements. « Quand on sait qu’il y a autant de lobbyistes miniers que de députés autour de l’Assemblée nationale, il est loisible de s’imaginer que, sur une période de quatre ans, ces professionnels de l’intimidation aient pu réussir à tuer dans l’œuf un projet de loi qui baliserait le moindrement leur légendaire cupidité ».
Lobby minier contre citoyens
Plusieurs voix se sont élevées depuis le rejet du projet de loi 43, jeté à la poubelle avant même son étude détaillée. La Coalition Québec meilleure mine entend d’ailleurs interpeller les partis à l’Assemblée nationale par l’entremise d’une publicité à paraître mercredi dans Le Devoir. Son porte-parole, Ugo Lapointe, a dit lundi qu’un tel refus de poursuivre les discussions ne peut qu’alimenter le « cynisme » des citoyens à l’égard des institutions démocratiques.
La chose est d’autant plus vraie que la nécessité de réformer la Loi sur les mines — qui n’a pas connu de réforme importante depuis des décennies — faisait selon lui l’objet d’un « large consensus » dans la population. La participation aux travaux de la commission parlementaire tenue au début de l’automne a aussi été importante, a-t-il rappelé. Un total de 75 mémoires ont été déposés.
« La société vous a dit tout ce qu’elle avait à dire. Et par trois fois, concluent eux aussi MM. Desjardins et Jacob. En refusant d’en prendre acte, par votre geste puéril, vous quittez le forum démocratique. Nous incitant du coup à faire de même. »
Pour le moment, nul ne sait si le gouvernement Marois tentera de revenir avec une nouvelle tentative législative avant le déclenchement des prochaines élections. Samedi, dans son discours au Conseil national du Parti québécois, Pauline Marois a toutefois promis de « revenir à la charge ». « Avec [la ministre des Ressources naturelles] Martine Ouellet, on ne lâchera pas et on va la faire, la réforme [minière] », a-t-elle dit, sans plus de détails.
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