Est-ce qu'il vous arrive de penser qu'on vous prend pour des valises, des valises remplies d'argent? Ou qu'au Québec, ce sont souvent les mêmes qui se servent dans l'"assiette au beurre" collective?
Cette fois-ci, on se scandalisera, avec raison, des caprices princiers de l'ancienne lieutenant-gouverneur, des cadeaux, des voyages luxueux, des repas gastronomiques, etc.
On réclamera, avec raison, l'abolition de ce bibelot dispendieux. On condamnera l'absence patente à Québec de directives quant aux dépenses de la madame. On y sentira la même odeur nauséabonde du scandale des commandites où ceux qui plongent la main dans le pot de biscuits des fonds publics ne se gardent même pas une petite gêne.
On se tournera vers Ottawa pour se demander si la gouverneure générale n'en mène pas aussi trop large sur le bras des contribuables. S'il nous reste du temps, on s'indignera du gouvernement Harper qui passe 17 milliards de dollars dans le militaire, dont 41 % des contrats octroyés en 2006-2007 sans appels d'offres.
L'ARGENT DES AUTRES
Le syndrome du contribuable "valise d'argent" ne s'arrête pas là. Pensons aux comités de ceci et de cela qu'on confie souvent, à gros prix, aux mêmes anciens premiers ministres ou "mandarins de l'État".
Et ces présidences d'offices, de secrétariats et de conseils publics qu'on donne trop souvent aux amis du régime en place. Il faut dire que c'est bien difficile de refuser un poste à plus de 100 000 $ par année, un contrat blindé de cinq ans, compte de dépenses,
allocation de logement et généreuse prime de séparation en cas de changement de régime...
(Entre autres histoires, je n'oublierai jamais cette ancienne présidente d'un organisme du gouvernement du Québec qui m'avait raconté, avec une émouvante candeur, qu'elle avait eu ce poste pour l'unique raison que son "ex" avait croisé le PM, dont il était un proche, et lui avait confié que cette personne se cherchait une bonne job.)
Quant à l'état pitoyable de plusieurs de nos routes, combien ont été construites dans les années 60 et 70 par des firmes dont la seule "qualité" était d'être dirigées par un proche du régime, généreux envers la caisse du parti?
Vous me direz que c'est comme ça partout. Ça reste à voir. Mais ça ne rend pas la chose plus acceptable. Le problème, c'est que dans une petite société comme le Québec, avec une petite élite, il y a des effets particulièrement pervers à cette tendance à la "cooptation" - où les membres de l'"élite" se nomment entre eux.
Ça multiplie les privilèges pour un petit nombre et ça concentre les pouvoirs décisionnels en trop peu de mains. Par crainte de perdre leurs privilèges, les "nommés" ont aussi peur de brasser la cage. Bonjour le conservatisme et bye-bye l'audace.
Dans nos réseaux cooptés, les milieux d'affaires, influents depuis toujours, le sont quand même de plus en plus. Un exemple: le privé se pourlèche déjà les babines face au futur méga-CHUM.
Selon Le Devoir, Ottawa, Québec et Montréal verseraient 1,3 million de dollars à un organisme privé, Technopôle Ville-Marie, afin de monter un plan d'affaires avec une compagnie américaine "pour donner de l'élan à des activités commerciales" dans le domaine de la santé. (Le Devoir rapporte aussi que Technopôle Ville-Marie est présidé par Pierre-Marc Johnson, un autre ancien PM pas mal occupé.)
Pas grave si les urgences craquent toujours, que Québec ouvre de plus en plus au privé ou qu'on vendrait notre âme pour un médecin de famille! Voilà qu'on veut que le futur CHUM de près de 2 milliards de dollars ait une "dimension internationale", un "réseau international" et que le privé puisse y "définir son marché".
Est-ce fou, irresponsable, ou les deux? Comme dans certaines universités, on s'apprête ainsi à couler des fortunes dans le béton (les contracteurs, au moins, seront heureux) tout en créant un environnement propice aux affaires.
Mais la pire conséquence de cette culture de la cooptation est qu'elle mine la confiance des citoyens envers leurs institutions. Et plus la confiance vacille, plus on se sent impuissants, cyniques, et plus on se berce de l'illusion que le privé ferait mieux.
(...)
Voix publique
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