Lettre à M. Nicolas Sarkozy, président de la République

France-Québec : fin du "ni-ni"?


Lettre également publiée dans Cyberpresse du jeudi 23 octobre 2008 sous le titre "Un malentendu?"
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Monsieur le président, votre discours devant notre Assemblée nationale a rempli de joie des millions de Québécois qui considèrent comme fondamentales les relations privilégiées et fraternelles entre la France et le Québec. Je me suis joint à l'ovation debout qui a suivi votre intervention et me suis empressé d'aller vous serrer la main pour vous en féliciter chaleureusement.
Mon bonheur fut de courte durée. En sortant de l'Assemblée nationale, les journalistes m'ont demandé mon opinion sur votre déclaration antérieure, dont j'ignorais tout et qui semblait aller en sens inverse. En effet, quelques heures auparavant, en présence du premier ministre du Canada, vous aviez fait un plaidoyer en faveur de l'unité canadienne dont nos journaux allaient tous faire leurs manchettes le lendemain. Je fus estomaqué. Comment celui qui venait de m'enchanter par un discours encore plus chaleureux que celui du général de Gaulle en 1967 avait-il pu, le même jour, s'ingérer dans notre débat national et d'une manière aussi divergente?
Évidemment, ceux de nos concitoyens qui préconisent pour le Québec le statut de simple province du Canada ont aussitôt pavoisé. Quant aux indépendantistes, qui viennent de faire élire 50 des 75 députés du Québec au Parlement du Canada, ils furent choqués ou incrédules. De tels propos venant du chef d'un pays plus qu'ami, qui est aussi le président d'une union exemplaire de pays libres et indépendants, ont en effet de quoi surprendre.
Comment comprendre que la France, qui a reconnu et souvent favorisé des dizaines d'indépendances nationales depuis des années, y compris celle du Montenegro et du Kosovo récemment, vienne prendre parti contre l'indépendance du Québec qui est aussi naturelle, sinon plus, que bien d'autres? Serait-il normal d'être moins ouvert à ses frères qu'aux autres?
Bien que notre langue commune est celle qui énonce clairement ce que l'on conçoit bien, votre ministre de la Francophonie, M. Alain Joyandet, affirme que vous avez été mal compris. L'un des plus indéfectibles amis du Québec en France, l'ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin, soutient la même thèse. Leur version fut d'ailleurs avalisée le lendemain par votre premier ministre lui-même, M. François Fillon.
Monsieur le président, des millions de Québécois, et pas uniquement les 60 % de francophones qui ont voté en faveur de l'indépendance en 1995, souhaiteraient ardemment que vous éclaircissiez ce malentendu.
Vous savez certainement que mes compatriotes qui militent en faveur de l'indépendance sont aussi ceux qui mènent le plus ardemment le combat pour la langue française et qui aiment le plus profondément votre pays et sa culture. Ce sont des patriotes, comme vous. Je vous prie de croire qu'ils sont déçus et blessés. C'est pourquoi il est dans l'intérêt de votre pays comme du nôtre que vous rétablissiez clairement la vérité, non seulement pour des raisons politiques mais aussi par égard aux liens si étroits qui unissent tant de Français et de Québécois.
L'égalité de notre nation avec toutes les autres va de soi et, comme vous l'avez rappelé, la fraternité qui nous lie est indéfectible. Il serait donc dommage que la liberté soit en reste dans le bilan de votre rapide passage sur les rives du Saint-Laurent.
Veuillez agréer, Monsieur le président, l'expression de mes sentiments les plus distingués.
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Bernard Landry, Ancien premier ministre du Québec


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