Lumière sur la Caisse

L'affaire de la CDPQ — le scandale



Depuis 2003, par deux fois la Caisse de dépôt et placement du Québec a été utilisée à des fins politiques. Jean Charest s'est servi du fiasco de 30 millions $ engloutis dans Montréal Mode qui ont paralysé le style interventionniste du gouvernement péquiste de Bernard Landry. Cela a mené au départ du président de la Caisse, Jean-Claude Scraire.
Puis, pendant la campagne électorale de l'automne dernier, l'ex-chef de l'Action démocratique du Québec, Mario Dumont, a tenté un coup fourré semblable pour faire trébucher M. Charest. Il a échoué et le Parti libéral du Québec a résisté à la tempête. Jean Charest se félicite certainement d'avoir déclenché des élections avant Noël plutôt qu'en 2009 puisqu'il faudra du temps avant de la population digère les 39,8 milliards $ de pertes avouées par la Caisse de dépôt, hier.

M. Charest, avec une mauvaise foi évidente, a évité de répondre aux questions sur sa responsabilité personnelle quant à la performance de la Caisse. Celui qui se faisait une gloire, auparavant, des beaux surplus de la Caisse aurait dû reconnaître, dans une logique équivalente, au moins une part de responsabilité pour la déconfiture de cette année.
Le mois dernier, lorsque la Caisse de dépôt a confirmé le départ de son président Richard Guay, elle semblait carrément désemparée. Cette fois, elle s'est bien mieux préparée. Elle était mieux. Tout le monde l'attendait avec une brique et un fanal. Le nouveau président, Fernand Perreault, a compris que la transparence s'avérerait l'avenue la plus sage et il a tout déballé tout net. Il a mis la mauvaise performance de la Caisse sur deux plans : le taux de change, ce qui est un outil de protection des fluctuations à long terme du dollar canadien - malmené comme jamais en 2008 -, et les investissements de 12,8 milliards $ dans le Papier commercial adossé à des actifs (PCAA), un outil spéculatif qui a frappé le mur. Sans ces deux véhicules financier, la Caisse se serait placée au bas du premier quartile des fonds canadiens de placement. Mais voilà, il faut en tenir compte et tout inclus, la Caisse a terminé facilement en queue de peloton en 2008.
Que faire maintenant ?, voilà la grande question. Il n'y a pas une réponse, mais plusieurs.
D'abord, il faut bien comprendre ce qui s'est passé afin de diminuer la possibilité d'une autre performance affreuse à l'avenir. Ce n'est pas vraiment au Vérificateur général Renaud Lachance de s'en mêler. Les députés au sein de la commission des finances publiques doivent faire leur travail, quitte à ce que les travaux y tournent au spectacle : c'est le lot de la démocratie parlementaire. Nous en avons eu un avant- goût, hier, lorsque le député de l'ADQ François Bonnardel a parlé des «erreurs historiques de gestion du bas de laine des Québécois» et d'une «culture de cachotterie» à la Caisse - ce qui est exagéré. Mais il faut reconnaître que lorsqu'il parle de «l'une des plus grandes impostures de l'histoire politique du Québec», son enflure verbale n'est pas tout à fait à côté de la plaque.
Il n'y a d'ailleurs aucune raison qui pourrait permettre au premier ministre Jean Charest, ni de sa ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, de se défiler. Ils ont été des acteurs clefs dans le dossier. Il est important de bien comprendre la teneur des messages politiques qui ont été livrés par le gouvernement libéral à partir de son élection en 2003, les effets de la refonte de la loi sur la Caisse de dépôt, puis les mécanismes qui ont mené à l'«erreur» avouée par le directeur général Fernand Perreault d'avoir investi généreusement dans le PCAA. Les anciens premiers dirigeants de la Caisse, MM. Jean-Claude Scraire et Henri-Paul Rousseau, devraient aussi y participer. La commission pourrait aussi faire des recommandations sur les pratiques en place à la Caisse.
Et si les réponses ne satisfont pas l'opposition et l'opinion publique - on a vu la limite des commissions parlementaires au fédéral dans le dossier Mulroney-Airbus et dans le scandale des commandites -, il restera toujours ultérieurement l'option d'une véritable commission d'enquête avec pouvoir judiciaire.
pjury@ledroit.com


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