Dans un des plus expéditifs discours du Trône, le gouvernement conservateur a mis la table, hier, au dépôt d'un budget qui pourrait sonner le glas de Stephen Harper et sa bande. Ou pourrait assurer sa survie.
Ce discours prononcé, comme le veut la coutume, par la gouverneure générale Michaëlle Jean, a soulevé bien peu d'intérêts. Le discours du Trône dévoile les intentions générales d'un nouveau gouvernement, généralement en des termes volontairement vagues et qui portent à interprétation. Celui d'hier n'était ni vague ni ne portait à aucune interprétation ; rien à lire entre les lignes, rien à deviner. L'économie est la seule chose qui soit sur le menu des conservateurs ces semaines-ci. Pour le reste de leur programme électoral, comme il le dit dans le discours d'hier, il faut s'en référer au discours du Trône précédent, livré il y a deux mois à peine.
Personne ne devrait reprocher aux conservateurs leur présente idée fixe. Rares sont les régions du monde où la récession - ou à tout le moins un bon ralentissement économique - ne fait pas des ravages dans les rangs de l'emploi, des investissements, des projets d'avenir, des revenus des ménages. Au contraire, c'est ce que réclamaient les forces de l'opposition après le dépôt d'un timide et revanchard Énoncé économique, en décembre dernier. Il fallait des investissements, il en fallait de façon massive, et il les fallait maintenant. C'est ce que dévoilera le ministre des Finances, Jim Flaherty, dans le budget qu'il déposera aujourd'hui à la Chambre des communes...
En fait, rompant avec la tradition - ils en font décidément une habitude, ce qui étonne de la part de «conservateurs» -, MM. Harper et Flaherty ont autorisé, voire encouragé, le dévoilement à la pièce d'éléments clefs du budget. Normalement, le ministre des Finances garde jalousement le secret du budget qu'il aura savamment concocté. Pas cette fois. L'opposition a clamé que cela était un manque de respect pour la Chambre des communes. Le gouvernement aura simplement voulu valider, a priori, certaines de ses idées. Cette validation n'est pas une mauvaise chose. Tout l'automne, les conservateurs de M. Harper ont diminué l'impact de la crise économique en nos frontières. 'C'est à peine si nous en sentirons quelques vaguelettes...' Dites ça aux travailleurs de l'automobile à Oshawa ou aux travailleurs de la forêt du Pontiac et de la Petite-Nation !
Face aux vaguelettes, de petites mesures tranquilles devaient suffire, autour d'une autre dose de réduction d'impôts. Les conservateurs avaient mal lu, ou s'étaient voulus rassurants, et les vaguelettes se sont métamorphosées en solides secousses. Ce sont des mesures énergiques, d'une grande ampleur qu'il faudra. Et voilà ce dont les Bleus se sont laissés convaincre au cours des consultations qu'ils ont menées depuis le fiasco de l'Énoncé économique. Cette conversion, même tardive, est toute à leur honneur. Ils ont souvent été qualifiés d'idéologues obtus ; ils semblent bien prouver qu'ils peuvent être accommodants.
Bon d'accord, il a fallu qu'ils soient acculés au pied du mur mais tout semble qu'ils aient réussi à passer par-dessus leurs obsessions de ne pas intervenir dans les forces du marché.
George W. Bush y est bien arrivé, lui, pourquoi pas Stephen Harper ?
Entourloupettes
Toute cette gymnastique inhabituelle et même un peu contre-nature, les conservateurs s'y sont astreints dans le seul et unique but de conserver le pouvoir. La coalition entre libéraux, néo-démocrates et bloquistes s'est justement formée, en décembre, avec la pensée arrêtée que M. Harper ne bougerait pas de ses pensées économiques. Il est en train de nous prouver le contraire : pour garder 24 Sussex, il s'apprête à faire de belles entourloupettes avec ses convictions, et se rapproche pas mal de ce qu'un gouvernement libéral proposerait. Les électeurs de M. Harper lui en tiendront-ils rigueur ? Il faudra attendre la prochaine élection pour le savoir.
Entre temps, ce sera aux partis d'opposition de signaler, au cours des prochaines heures, si M. Harper a suffisamment bougé vers le centre.
Pour ça, il faut voir tout le budget. Pas que les voeux pieux du discours du Trône, ni même les éléments disparates dévoilés au cours des derniers jours. Et pour ça, il faudra attendre encore quelques heures...
pjury@ledroit.com
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