M. Couillard, ne mettez pas le français au rancart

Le premier ministre semble croire que la langue officielle du Québec est un obstacle

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Couillard finira par passer pour le pire saboteur des intérêts du Québec de l'histoire

Comme on le sait, le premier ministre Philippe Couillard s’est seulement exprimé en anglais lors de la conférence Arctic Circle 2014, un événement international tenu il y a peu en Islande.

Pour répondre aux critiques qui lui ont reproché ce comportement, M. Couillard a souligné que l’envergure de certains événements internationaux impose à ceux qui y prennent part d’utiliser l’anglais. Il a aussi ajouté que « [s]i on est rendus au point où il faut dire aux gens que le Québec est francophone, on a un problème. […] Ce qui est important pour nous, c’est que l’auditoire comprenne le message. »

Les vidéos tournées pendant l’événement montrent pourtant qu’au moins deux participants prestigieux à la conférence Arctic Circle n’y ont pas prononcé un mot d’anglais :

Artur Chilingarov, envoyé de Vladimir Poutine, s’est adressé à l’auditoire en russe lors de la plénière qui a suivi l’allocution de M. Couillard (curieusement, M. Chilingarov a pu profiter d’un service d’interprétation simultanée dont le premier ministre québécois a dit qu’il était indisponible) ;

La chancelière Angela Merkel, bien qu’elle parle l’anglais couramment, a ouvert l’événement (à distance semble-t-il) avec une allocution unilingue allemande.

Doit-on déduire de ces deux exemples que les Russes et les Allemands n’avaient rien à vendre lors du colloque, qu’ils ont un problème identitaire sérieux (ils tiennent à rappeler que la Russie est russophone et l’Allemagne, germanophone ?) ou qu’ils se balancent bien d’être compris quand ils s’expriment ? Sans doute pas.

On peut plutôt penser que les gouvernements russe et allemand sont conscients de la grande portée de leurs choix linguistiques sur la scène internationale. La Russie et l’Allemagne semblent aussi convaincues du fait que leur langue peut et doit rayonner à l’échelle européenne et mondiale.

Au contraire, le premier ministre Couillard croit de toute évidence que la langue officielle du Québec est un obstacle qui gêne son développement et que les Québécois doivent strictement utiliser l’anglais dès qu’ils sortent de la maison (le gouvernement français partage possiblement ce point de vue — Michel Rocard, envoyé du président Hollande, s’est aussi limité à parler anglais à Reykjavik).

Il conviendrait pourtant de rappeler à M. Couillard que tout le monde, sur la planète, ne maîtrise pas l’anglais aussi bien que lui et que le français (quoi qu’on en dise parfois) demeure l’une des langues les plus prestigieuses et vigoureuses de l’Europe et du globe. Le Québec n’est pas, contrairement à la Finlande ou à l’Islande (deux pays que le premier ministre a cités en exemple pour justifier sa décision de parler anglais lors de la conférence), isolé linguistiquement par sa langue nationale.

Les statistiques montrent par exemple que 33 % des habitants de l’Europe des 27 (la région hôte du colloque Arctic Circle, celle dont provenait sans doute la majorité de ses participants) parlent l’anglais, 22 % l’allemand et 20 % le français (l’italien et l’espagnol prennent les places suivantes).

Le bon positionnement du français dans le monde s’explique notamment par le fait qu’il continue de bien s’exporter. Demeurons en Europe : 8 % de ses habitants (par exemple, 15 % des Britanniques et des Néerlandais, 7 % des Suédois) ont le français comme langue seconde, un pourcentage plus faible que celui enregistré par l’anglais (20 %), mais supérieur à celui affiché par l’allemand (7 %). Fait à noter, ces francophiles ne sont pas tous des vieillards, à l’inverse de ce que l’on pense parfois. Dans l’Union européenne, 9 % des personnes de 15 à 34 ans maîtrisent ainsi le français en plus de leur langue maternelle, contre 6 % de celles qui ont 55 ans et plus.

Il est compréhensible que des Québécois mal renseignés sur la situation linguistique mondiale en viennent à sous-estimer radicalement la puissance du français et à surestimer fortement celle de l’anglais. Il est plus troublant de se rendre compte que le premier ministre du Québec fait de même et met le français au rancart quand il s’adresse à des auditoires de dirigeants étrangers où la connaissance du français est souvent plus forte que dans la population générale.

On dit souvent de M. Couillard qu’il lit beaucoup et est très cultivé. Il est à souhaiter que ses lectures prochaines le convainquent que le français demeure un instrument utile dont les Québécois et leur gouvernement peuvent être fiers. Avec de la chance, peut-être notre premier ministre en viendra-t-il un jour à respecter l’esprit de la Loi sur les langues officielles (un document sans doute plus important à son esprit que la Charte de la langue française) et à y aller d’au moins quelques mots de français lors de ses allocutions à l’étranger ?


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