Maclean’s : les libéraux devraient se taire

Alors savez-vous pourquoi le dossier de Maclean’s pique au vif tellement de gens, à commencer par la classe politique ? Savez-vous pourquoi la réaction est si virulente ? Parce que ce que dit Maclean’s est vrai.

Maclean's - corruption Québec

Le Québec est-il la province la plus corrompue au Canada ? C’est ce que Maclean’s, le magazine, affirme en une. J’en parlais hier après-midi. Une page couverture délicieuse, à mon avis.

Donc, dans le champ, Maclean’s ?

Pour ce qui est de l’Histoire, je ne sais pas. Le duplessisme avait-il un équivalent manitobain ou néo-brunswickois ? Je ne sais pas. Pour ce qui est de 2010, je crois que la palme des histoires qui suintent la corruption revient à notre Belle Province.

Depuis deux ans, les histoires de trafic d’influence et de retours d’ascenseurs du politique aux généreux contributeurs (ou bénévoles) du Parti libéral du Québec se multiplient. Sans oublier les histoires impliquant la FTQ, son Fonds de solidarité et sa filiale, la FTQ-Construction. Sans oublier les histoires émanant de l’Hôtel de ville de Montréal, qui ont touché l’opposition et le parti au pouvoir. La cerise sur le sundae de la magouille : les allégations de Marc Bellemare, ancien ministre de la Justice du Québec.

Dites-moi, dans quelle autre province canadienne a-t-on vu autant d’histoires qui ressemblent à de mini-Watergate (Follow the money !), depuis deux ans ?

Réponse : aucune.

Si Maclean’s avait fait le même dossier dans les années 1990, ce serait probablement la Colombie-Britannique qui aurait fait les frais de cette page couverture assassine. Il y a une quizaine d’années, trois premiers ministres de la B.C. ont eu maille à partir avec la justice.

Je suis souvent monté au créneau, depuis 2006 – Jan Wong, le Globe and Mail et la CBC se sont retrouvés dans ma ligne de mire – pour des propos absolument délirants sur le Québec, dans les médias canadiens-anglais. Le Globe and Mail, grand journal par ailleurs, délire bien souvent quand ses chroniqueurs et éditorialistes se penchent sur notre coin du pays, c’est à se demander s’ils ne parlent pas de la planète Mars.

Pas ce coup-ci, désolé. Ce coup-ci, Maclean’s recense des faits. On peut ne pas aimer la page couverture, provocatrice, mais les faits recensés sont connus et décriés par une large partie de l’opinion publique depuis des mois et des mois et des mois. Et Martin Patriquin – transparence totale, Martin est un ami – a le mérite a) d’être basé à Montréal b) de connaître à fond la culture québécoise et de l’aimer c) de parler la langue des indigènes. Ce qui n’est pas le cas des brillants commentateurs du Globe and Mail, par exemple.

Je ne suis donc pas d’accord quand je vois l’ensemble de la classe politique québécoise, péquistes et libéraux confondus, dénoncer le magazine. Bernard Drainville crie à la francophobie et à l’intolérance. Come on, Bernard. C’est trop, c’est beaucoup, beaucoup trop. Toute critique du Québec n’est pas forcément une attaque vicieuse sur la Nation. Et puis Maclean’s, depuis quelque temps, est beaucoup plus vif, dans ses pages couvertures. Une attitude qui a probablement déplu à bien des Torontois, il n’y a pas longtemps :

Car si Maclean’s, avec ce dossier et cette page couverture sur les histoires de corruption qui secouent (et qui ont secoué, historiquement) le Québec, fait du Quebec-bashing, alors My God, qu’a fait Don Cherry, ces dernières années ? Qu’a fait le Globe en publiant les propos de Jan Wong ? Qu’a fait le Globe en dénaturant les faits reliés à l’expulsion d’une femme voilée du cégep Saint-Laurent, comparant le geste à celui de talibans ?

Ce coup-ci, nous devons faire des examens de conscience. Oui, « nous » : les Québécois. Notre passivité collective permet ce genre de saloperie. Il y a eu des mobilisations de masse contre la guerre en Irak, contre le Suroît, ici. Il y aura une marche bleue pour le retour des Nordiques.

Elle est où, la marche du ras-le-bol, pour signifier au gouvernement en place que personne n’est dupe de ses mascarades ?

Et avez-vous vu les sondages, récemment ? Elle est où, la plongée des libéraux, dans les indices de satisfaction ? Elle n’existe pas. Le parti de Jean Charest est légèrement en retard sur le PQ. Le PLQ, dans les faits, quand on regarde les sondages, n’est pas sanctionné par la population pour son implication dans toutes ces histoires nauséabondes.

Alors savez-vous pourquoi le dossier de Maclean’s pique au vif tellement de gens, à commencer par la classe politique ? Savez-vous pourquoi la réaction est si virulente ?

Parce que ce que dit Maclean’s est vrai.

Je lis cette dépêche de la Presse canadienne. Jean-Marc Fournier parle d’invention, même s’il dit ne pas avoir lu le texte (il devrait lire le texte avant de penser à le qualifier). Pierre Moreau, whip du PLQ, parle de Quebec-bashing.

Les députés du PLQ n’ont jamais, jamais, jamais démontré autant d’indignation quand Tony Tomassi distribuait des permis de garderie à ses connaissances libérales, quand Franco Fava a confessé aux médias qu’on lui demandait son avis sur la nomination du plus haut fonctionnaire au Québec, quand le plus haut fonctionnaire au Québec a avoué avoir accepté d’écouter Franco Fava qui lui faisait des suggestions d’embauche, quand des entreprises ont fait des dons illégaux à leur parti, quand on a appris que les routes québécoises coûtent 30% de plus qu’ailleurs au Canada à construire, quand Norm MacMillan a avoué avoir fait des pressions pour que le fils d’un de ses organisateurs soit nommé juge, etc, etc, etc…

Quand on a su toutes ces saloperies, ils n’avaient rien à dire, ils jouaient fidèlement leur rôle de plantes vertes qui applaudissent ce que dit le chef. Maintenant que Maclean’s fait la nomenclature des scandales tolérés par le gouvernement libéral, les députés de ce parti devraient avoir, au moins, la décence de se taire.


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