Le français est la langue d'usage de 32 % de la population d'Ottawa. Mais Larry O'Brien, le maire de la capitale du Canada, un pays bilingue, ne cause pas dans la langue de Molière, ou si peu. Il s'agit là d'une carence qui pourrait en indigner plus d'un. Mais cela se passe dans la plus totale indifférence.
Pourquoi alors se scandalise-t-on du fait que la candidate à la mairie de Montréal, Louise Harel, baragouine l'anglais? Montréal est une ville francophone, métropole dans le Québec, une nation qui a choisi de protéger le français en le cuirassant d'une loi 101. Louise Harel a eu raison de s'effacer d'un débat mené en anglais plutôt que d'aller y perdre la face. Le tapage entourant et sa décision, et ses faiblesses en anglais, était exagéré. Shocking!
Dans quel autre coin du globe que le Québec aurait-on honte de dire qu'on ne maîtrise parfaitement que sa propre langue? Il est arrivé au premier ministre du Québec, Jean Charest, de prononcer des discours bilingues lors de séjours officiels à l'étranger, dans des villes francophones! Cette forme d'abdication sur la prédominance du français serait-elle devenue un mal répandu?
Dans une lettre publiée récemment dans Le Devoir, Ean Higgins, un citoyen montréalais anglophone s'évertuant à parler en français, lançait ce cri du coeur: «Que dois-je faire pour persuader les Québécois francophones de parler en français lorsque je m'adresse à eux?» On veut faire grand cas des incapacités de Mme Harel en anglais; en réalité, le véritable drame est que l'on traite Montréal comme une ville bilingue. Les francophones, trop souvent les premiers, semblent avoir abdiqué sur la primauté de leur langue.
Les électeurs anglophones pour qui les hésitations de Louise Harel constituent un inconvénient sauront bien le lui signifier le jour du vote. L'anglais occupe un large espace à Montréal; la candidate de Vision Montréal n'a pas une maîtrise assez élevée de cette langue pour débattre à la télévision, mais cela ne l'empêchera pas de communiquer -- en anglais ou même en espagnol! -- avec les citoyens qui la croiseront... S'entourer d'une figure bien connue du milieu anglophone pourrait assurément améliorer ses communications.
Mais qu'on ne métamorphose pas en drame linguistique ce qui a tout l'air d'un problème politique: pour certains anglophones, Mme Harel personnifie encore la ministre péquiste responsable des fusions municipales de 2002, doublée d'une partisane de la souveraineté. À côté de ce spectre maléfique, que sont quelques inhabiletés d'ordre linguistique?
Qu'on mette donc de côté cette bisbille inutile, dont Louise Harel est le centre par accident. Le vrai problème réside dans le recul du français à Montréal: il se vérifie grâce aux statistiques officielles, mais aussi par l'embarras gêné de certains francophones et les attentes incongrues du milieu anglophone.
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machouinard@ledevoir.com
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