Entrevue au Devoir

Marois veut des élèves bilingues

La faiblesse de l'enseignement de l'anglais dans le réseau public pousse des élèves vers les cégeps anglophones, dit la chef péquiste

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Cégep en français

La chef du Parti Québécois (PQ), Pauline Marois, croit que tous les Québécois devraient être bilingues en sortant de l'école secondaire ou du cégep, ce qui est loin d'être le cas pour les enfants qui fréquentent le réseau public en français.

«Le vrai défi qu'on a, c'est que nos enfants sortent de l'école bilingues», a déclaré Pauline Marois lors d'une rencontre éditoriale avec l'équipe du Devoir.
Selon la chef péquiste, la faiblesse de l'enseignement de l'anglais langue seconde dans le réseau des écoles publiques pousse des élèves francophones à fréquenter le cégep en anglais. «Pourquoi pensez-vous qu'ils vont dans des cégeps anglophones dans certains cas? C'est parce qu'ils ne possèdent pas bien la deuxième langue. C'est une façon pour eux de l'apprendre», a-t-elle fait observer.
Pauline Marois a cité l'exemple de ses propres enfants qui ont fréquenté l'école publique. S'ils en sont sortis bilingues, c'est qu'il s'agissait d'une école francophone de l'ouest de l'île de Montréal. Ailleurs au Québec, la situation serait bien différente.
Il n'est pas question pour Mme Marois de donner son aval à une proposition qui refait surface dans les instances du PQ: interdire aux francophones ou aux enfants de la loi 101, ces allophones qui ont fréquenté l'école en français, l'accès aux cégeps anglophones.
Aux élèves qui ont fréquenté le réseau anglophone -- et qui ont souvent une connaissance du français bien supérieure à celle de l'anglais chez les élèves francophones, a-t-elle reconnu --, Mme Marois veut imposer un nouveau test. Elle propose que, pour obtenir leur diplôme de cégep, les étudiants anglophones réussissent un examen démontrant qu'ils ont «une connaissance parfaite du français».
Pauline Marois croit qu'«on glisse dangereusement vers l'anglais» à Montréal, pas seulement dans les petites boutiques, mais dans «le centre-ville financier». Le Québec doit «prendre un virage solidement et sérieusement» afin de franciser les petites entreprises et assurer l'intégration des immigrants «si on veut continuer à vivre en français ici en Amérique».
Afin d'assurer la francisation de tous les immigrants, Pauline Marois qu'il faut revenir à la formule des COFI (les Centres d'orientation et de formation des immigrants) que le gouvernement péquiste a abolis à la fin des années 90.
«Je crois que la formule des COFI, ce n'était pas si mauvais. Ce n'était pas si mauvais finalement d'avoir un lieu d'accueil où on apprenait l'histoire, la culture et les institutions» du Québec, a déclaré Pauline Marois.
C'est en 1998 que le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, André Boisclair, a annoncé l'abolition des COFI, ces centres d'accueil pour les immigrants situés le plus souvent dans des quartiers francophones de Montréal, pour transférer leurs classes dans des écoles secondaires ou des cégeps. Le gouvernement jugeait que les COFI coûtaient trop cher et que trop d'immigrants en sortaient sans avoir achevé leur formation.
Selon Mme Marois, le Québec n'a d'autre choix que d'augmenter le nombre d'immigrants qu'il accueille afin de combler ses besoins en main-d'oeuvre. Dans cette optique, le PQ a appuyé le gouvernement Charest qui a décidé de hausser de 45 000 à 55 000 les seuils d'immigration au cours des trois prochaines années. Pour la chef péquiste, le manque de données sur l'intégration des immigrants, alors que le gouvernement garde pour lui des études depuis un an et demi, et le fait que plus du tiers des immigrants qui ne parlent le français à leur arrivée boudent les cours de français ne sont pas des raisons suffisantes pour renoncer à cette augmentation, comme le voudrait l'Action démocratique du Québec. «Il faut être très actifs. On ne peut pas penser que [l'intégration], ça va se faire tout seul», a-t-elle fait valoir.
Mme Marois est revenue sur sa volonté d'imposer un contrat d'intégration par lequel les nouveaux arrivants s'engageraient à apprendre le français, comme le formule son projet de loi sur l'identité québécoise déposé l'automne dernier. En outre, un gouvernement péquiste n'aurait pas les mêmes scrupules que le gouvernement Charest et favoriserait l'établissement des immigrants en régions.
Pas de financement privé en santé
À quelques jours du dépôt du rapport du groupe de travail, présidé par Claude Castonguay, sur le financement du système de santé, Pauline Marois a rejeté toute idée de recourir au financement privé, que ce soit par le moyen d'une contribution des usagers (ticket modérateur) ou de l'assurance privée. Si ce ticket modérateur est élevé, il restreint l'accès aux soins, a-t-elle fait observer. S'il est relativement modeste -- 10 $ par visite chez le médecin, par exemple --, il ne sert qu'à remplir les coffres de l'État. «C'est une forme de taxation indirecte. Ça ne modérera rien», juge-t-elle. Quant aux assurances privées pour des traitements couverts par le régime public, elles n'ont fait qu'accroître les coûts du système de santé dans les pays qui les ont introduites, a soutenu Mme Marois. On cherche toute sorte de moyens pour renflouer le système de santé, mais, s'il faut contribuer davantage, «qu'on dise que c'est tout le monde qui va y contribuer et qu'on conserve notre système public», a-t-elle dit.
Pauline Marois estime que la situation dans le réseau de la santé s'est améliorée sous les libéraux, surtout en régions, Mais c'est en raison de mesures amorcées par le gouvernement péquiste, dont l'implantation des Groupes de médecine familiale (GMF) et la création des dossiers informatisés. On peut accroître l'efficacité du réseau, tout en espérant régler un jour la pénurie de médecins de famille.
Un budget et des élections
Alors qu'en juin dernier les députés péquistes s'étaient abstenus d'appuyer le budget de Monique Jérôme-Forget sans pour autant entraîner la chute du gouvernement, il pourrait en être autrement ce printemps, a indiqué Mme Marois. Le PQ projette de présenter, avant le dépôt du prochain budget, une liste de priorités qui ne seront probablement pas chiffrées et qui viseront la forêt, le secteur manufacturier, la famille et l'éducation. «Nous ne nous empêcherons pas de voter contre le budget si nous pensons que ça ne répond pas aux besoins des Québécois», a-t-elle dit. «Je crois que les gens accepteraient mieux cette année qu'il y ait des élections.»
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