Mouvement concerté contre Pauline Marois

2012 - Crise au PQ - leadership



Denis Lessard, Tommy Chouinard et Paul Journet La Presse (Québec) C'est un mouvement concerté d'ex-collaborateurs de Gilles Duceppe et de souverainistes qui s'active actuellement à ébranler le leadership de Pauline Marois. Devant les nouvelles attaques, la chef péquiste, ébranlée, a passé un coup de fil à l'ex-bloquiste, hier en milieu de journée, pour lui demander si elle pouvait dire publiquement qu'il n'était pas intéressé par la direction du PQ.
«Tu ne peux pas dire ça», lui aurait répliqué M. Duceppe, a appris La Presse. «Ils se sont parlé, c'est normal, mais je ne relaterai pas le contenu de la discussion» s'est contentée de dire, en soirée, Nicole Stafford, chef de cabinet de
Mme Marois, jointe par La Presse. La nouvelle révélant hier que Gilles Duceppe se montrerait désormais «disponible» pour succéder à Mme Marois a eu l'effet d'un tremblement de terre à la direction du PQ. Plusieurs sources ont confirmé que, lundi dernier, deux des anciens lieutenants de Gilles Duceppe, Pierre-Paul Roy et Bob (Yves) Dufour avaient rencontré Marc Laviolette et Pierre Dubuc, du SPQ libre. Ils leur ont fait savoir que désormais, l'ancien chef bloquiste se montrerait plus clairement intéressé à la direction du PQ. Pas question de putsch, de forcer son départ, mais on voulait mettre fin aux doutes quant au fait que M. Duceppe n'était pas tenté par un retour en politique.
Jouant encore au sphinx, Gilles Duceppe a ajouté à la pression hier. «Je suis convaincu que les militants et leur chef prendront les bonnes décisions pour l'avenir du Québec», a-t-il dit, sibyllin, appelé à commenter la situation au PQ. Quand on lui demande s'il n'a toujours pas l'intention de revenir en politique dans un avenir prévisible - sa déclaration de l'automne dernier -, il se replie: «Je n'ai pas d'autres commentaires.» Cette fois, ses proches étaient prêts à décoder les augures. Avec cette déclaration, Duceppe «a manifesté son intérêt», tranche Pierre-Paul Roy, un ex-bras droit de Duceppe joint hier. «Il a dit que c'est une décision des militants du PQ, nous on n'est pas là-dedans. Gilles dit: "Si le poste se libère, je manifeste mon intérêt." Il a dit qu'il ne faisait pas de putsch, il n'en fera pas. Vous ne trouverez pas un seul député (péquiste) qui aurait reçu un coup de fil.»
Louise Brisson, collaboratrice de longue date de Jacques Parizeau et de Gilles Duceppe fait la même interprétation: «Ce qu'il dit est clair, si la porte s'ouvre, il va y aller, c'est sûr. Mais ce n'est pas le type d'homme à jouer les Brutus. Si elle décide de rester, il sera un bon soldat». Mme Brisson était sa secrétaire personnelle depuis 2004. «Je le connais depuis 20 ans.»
S'il rallie des péquistes, Duceppe n'est pas au bout de ses peines. Pas question pour l'ancien bloquiste de se lancer dans une course à la direction. Une collision est à prévoir avec Bernard Drainville qui, tout récemment, a abattu une carte importante, défiant la chef de cautionner une forme d'alliance avec Québec solidaire. Si Mme Marois quittait la direction, Drainville comme Pierre Curzi réclameraient une course et s'opposeraient à un couronnement. Déjà hier, un lieutenant de Mme Marois avait le mandat d'administrer un camouflet au député de Marie-Victorin, après son entrevue percutante au Devoir, où il disait craindre la disparition du PQ.
Marois ébranlée
«Vous savez, c'est un jeune député, Bernard, il veut bien faire. Souvent, il va se mettre les pieds dans la bouche ou défoncer des portes ouvertes. C'est ce qu'il a fait. C'est sûr que sa volonté, ce n'est pas de nuire, mais le résultat, c'est ça. De confondre son avenir personnel avec celui du Québec, ce n'était pas la meilleure chose à faire», a commenté Stéphane Bédard, leader parlementaire du PQ sur les ondes de Radio-Canada.
Après une sortie imprévue dès son retour du Mexique, vendredi, pour river le clou à François Rebello, Mme Marois devait faire sa vraie «rentrée politique» de janvier hier après-midi à Montréal. Elle avait eu une formation média particulière pour préparer ses commentaires en réponse à Bernard Drainville, pour prendre position dans le débat sur une éventuelle alliance stratégique avec Québec solidaire. Tout a été annulé. En lieu et place, le cabinet politique de Mme Marois est convoqué à une réunion aujourd'hui, à Montréal. Un sondage interne du PQ n'est guère encourageant pour Mme Marois, indique-t-on dans les coulisses. Mardi soir, les dirigeants du PQ ont eu un échange téléphonique pour préparer le conseil national de la fin du mois; Duceppe paraissait hors du radar, mais le président Raymond Archambault a dû battre en retraite - Mme Marois voulait que le PQ s'engage à légiférer pour forcer un député qui veut changer d'allégeance à affronter d'abord ses électeurs.
La souveraineté d'abord
Au cours des prochains jours, le groupe des contestataires compterait faire sortir publiquement des souverainistes qui ont pris leur distance avec le PQ, en appui à l'entrée en scène de Gilles Duceppe. Déjà, Lisette Lapointe, députée démissionnaire de Crémazie et conjointe de Jacques Parizeau, a fait savoir au groupe qu'elle appuiera publiquement l'ex-bloquiste, s'il met la souveraineté au centre de sa stratégie a appris La Presse. Mme Lapointe est actuellement en Europe. Le chef d'Option nationale et député indépendant, Jean-Martin Aussant, qui a lui aussi claqué la porte du caucus péquiste l'an dernier, entrouvre la porte à un retour au PQ, mais il fixe une condition. «Si M.Duceppe revient et est très souverainiste, on va être là, c'est sûr», a dit M.Aussant. L'autre démissionnaire péquiste, Pierre Curzi, était plus circonspect: «Il y a des conversations multiples avec plein de gens sur des hypothèses.» Il n'a pas voulu aller plus loin. Chose certaine, «s'il y a une course à la chefferie, je songerai à être candidat», a-t-il réitéré.
Jocelyn Desjardins, fondateur du Nouveau mouvement pour le Québec, regroupement de souverainistes créé l'été dernier, s'est aussi manifesté. «Personnellement, je souhaite que Gilles Duceppe prenne la direction du PQ, il a les compétences pour devenir premier ministre» a soutenu M. Desjardins à La Presse, précisant qu'il n'avait rien contre Mme Marois.
Marc Laviolette et Pierre Dubuc ont multiplié les entrevues pour marquer le coup. «Je refuse de jouer dans l'orchestre sur le pont du Titanic. Depuis la crise de l'aréna de Québec, avec l'arrivée de la CAQ, le PQ finit troisième, même si cela bouge dans les sondages, c'est dans la marge d'erreur, ce n'est pas vrai que cela sent la coupe. Ça va mal au PQ. Il faut un changement de cap radical, M.Duceppe est l'homme de la situation, c'est un souverainiste convaincu» a soutenu M. Laviolette.
«Monsieur Laviolette a toujours contesté ses chefs, on connaît ses positions, il ne fait pas l'unanimité», a rappelé la députée Nicole Léger, un appui de la première heure de Mme Marois. La chef péquiste a récolté 93% d'appuis au vote de confiance il y a moins d'un an, «il devait faire partie des 7%» résume-t-elle.
Mais la nouvelle de La Presse, hier, a réactivé la crise de l'automne dernier qui paraissait éteinte. Le mécontentement à l'égard de Pauline Marois grandit dans les rangs péquistes. Partisan de Mme Marois, le président du PQ pour la Montérégie, Stéphane Jolicoeur, affirme désormais que «la température de l'eau a monté» depuis décembre. «Il y a de plus en plus d'impatience» de la part des militants, car les sondages sont toujours aussi peu favorables au PQ. «Je suis toujours derrière Mme Marois, mais je sens que le terrain glisse tranquillement», a-t-il ajouté.
Les présidents des associations des 18 circonscriptions de la Montérégie - dont 11 sont représentées par des députés du PQ - se réunissaient hier soir. Déjà M. Jolicoeur s'attendait à des remous. Selon lui, les associations de la Montérégie «sont encore majoritairement derrière Mme Marois». Mais il croit que certaines pourraient voir d'un bon oeil l'arrivée de Gilles Duceppe à la tête du PQ. Dans Montréal-Ville-Marie, une quinzaine de circonscriptions sur l'île de Montréal, une majorité d'associations pencherait pour une révision à la direction du PQ, selon Marc Laviolette.
L'association de Beauharnois - où Guy Leclair, un des mutins est député - a prévenu qu'elle présenterait une proposition pour demander un vote de confiance à l'occasion du conseil national spécial des 27, 28 et 29 janvier.
Yves François Blanchet, député de Drummond, critiquait la dissidence. «Je suis tanné de les voir systématiquement tirer sur leur propre parti», dit-il, ciblant MM. Laviolette et Dubuc. Pour lui, en congédiant des lieutenants de Gilles Duceppe, le nouveau chef bloquiste Daniel Paillé a rendu disponibles «des gens qui peuvent être sujets à déclencher des rumeurs».


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