Mulcair, trop Québécois pour le ROC?

Après avoir remporté presque tous les sièges au Québec, le NPD doit taire cet exploit dans le reste du Canada. L’identité québécoise y sert encore de repoussoir.

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Trop pour le ROC, mais pas assez pour le Québec

Avec l’élection spectaculaire de Philippe Couillard et celle de Mario Beaulieu à la tête du Bloc québécois, les récents déboires de la ministre Thériault et la commission Charbonneau, on en était presque venu à oublier les parlementaires canadiens. Heureusement pour nous que le 24 juin est l’occasion, pour les chefs politiques fédéraux, de partager leur vision du Québec et de sa place dans le Canada.

En écoutant les souhaits de Thomas Mulcair, que l’on peut trouver sur le site du NPD, on se convainc que ce quasi-oubli se devait d’être particulièrement opportun pour les élus néodémocrates, car le discours veille de façon évidente à ne rien dire : convenu, il semble fait pour qu’on l’oublie sitôt prononcé ou qu’on ne retienne que son aspect généreux, souligné à gros traits : « justice », « richesse », « diversité », « égalité », « respect », « valeurs »… mais pourquoi un tel vide ?

Ce ne sont que des intentions de vote et l’électorat, particulièrement au Québec, est volatil, mais Thomas Mulcair sait qu’aujourd’hui près de 40 % des Canadiens qui ont voté pour le NPD en 2011 voteraient pour un autre parti (Ekos, 11 avril 2014). Il sait aussi qu’à l’exception du Québec et des Maritimes, le NPD est troisième partout. Dans les provinces atlantiques, il est devancé de très loin par le PLC ; au Québec, il était deuxième (28 %) derrière le Bloc québécois (29 %) en mars dernier (Abacus Data, 5 mars 2014) ! Selon ce dernier sondage, le NPD est troisième au Canada en termes de pourcentage, malgré ses appuis importants au Québec.

On peut comprendre que les souhaits de Thomas Mulcair étaient volontairement ambigus. Alors que Justin Trudeau s’est promené à Québec, se faisant prendre en photo, et qu’il a même publié un communiqué dans lequel il souhaitait « à toutes les Québécoises et tous les Québécois une joyeuse célébration de la fête nationale du Québec avec leurs proches, leurs amis et leurs voisins », le chef du NPD s’est complètement écarté du champ lexical choisi par le chef libéral. Il ne prononce pas une seule fois les mots « Québec » ou « Québécois » dans son allocution. À partir d’un certain moment, on ne sait plus si Thomas Mulcair parle de la nation québécoise ou de la nation canadienne.

Il serait oiseux de chercher à savoir lequel de Justin Trudeau ou de l’ancien ministre de Jean Charest aime le plus le Québec. Malgré sa combativité, l’ancien ministre de Jean Charest fait la démonstration éloquente que même un « bagarreur » peut se buter à certaines tendances lourdes de la politique fédérale. Ainsi, ce ne sera jamais un risque pour un Trudeau, mais Thomas Mulcair aurait besoin qu’on oublie le lien qui l’unit, lui et son parti, au Québec. Après avoir remporté près de 80 % des sièges disponibles au Québec, le NPD doit taire cet exploit, car l’identité québécoise, à défaut d’être politiquement désamorcée et transfigurée dans la mosaïque multiculturelle, sert de repoussoir à l’imaginaire canadien. L’ancien défenseur des droits des anglophones, celui qui a combattu au côté de Jean Chrétien et de Jean Charest et qui pourfendait, avec des propos souvent très acerbes, la « conspiration » séparatiste, serait trop Québécois au goût des Canadiens. Ironie du sort.


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