Non à un nouveau modèle fédératif

Élections 2006

Ottawa - Si l'appui à la souveraineté au Québec est en constante hausse depuis 1995, c'est avant tout parce que les troupes fédéralistes ne parlent pas assez des avantages de faire partie du Canada, croit le premier ministre Paul Martin. Le chef libéral en campagne compte donc mener d'ici le 23 janvier une vaste entreprise de promotion du pays pour affronter son rival bloquiste, mais pas question de proposer un modèle fédératif modifié pour satisfaire les nationalistes ambivalents.
Au cours d'une entrevue accordée au Devoir lundi, Paul Martin a donné un avant-goût des arguments qu'il fera valoir au Québec pendant la seconde moitié de la campagne électorale. Des arguments à saveur référendaire, parce que la joute est, selon lui, référendaire.
Invité à interpréter les raisons de la hausse de l'option séparatiste dans la province, le premier ministre offre cette réponse: «On n'a pas parlé assez des raisons positives sur ce qu'on peut faire ensemble.» Jamais il ne mentionne une quelconque insatisfaction profonde qui pourrait animer les Québécois. Selon lui, la montée souverainiste s'explique d'abord par la faiblesse de la pédagogie fédéraliste.
Comme pour donner l'exemple, Paul Martin s'enflamme en parlant de l'accession de la Chine et de l'Inde au rang de nouvelles puissances et de la réorganisation économique mondiale qui s'ensuit. «La capacité du Québec de prendre avantage des économies d'échelle de la Chine et de l'Inde, c'est en faisant partie du Canada qui débouche sur l'Inde. La Colombie-Britannique, c'est un port du Québec! Les industries pétrolières de l'Ouest et de Terre-Neuve, c'est des ressources du Québec!» Selon le chef libéral, «ce qu'il faut faire, c'est expliquer clairement ces changements [qui s'opèrent] à l'extérieur de nos frontières».
M. Martin insiste sur le fait que son discours se veut positif. «Je n'ai pas l'intention d'entrer dans des arguments négatifs. Je n'ai aucune intention d'embarquer dans des arguments de peur. Pas du tout». Pourtant, le message principal (qu'il a répété à tous les autres médias ayant obtenu une entrevue ce jour-là et qu'il répétera en campagne pour confronter le chef bloquiste Gilles Duceppe), c'est que la souveraineté entraînera de l'instabilité politique nuisible pour l'économie.
«Je propose la stabilité politique. M. Duceppe offre de l'instabilité politique. C'est ça, un référendum. Un référendum, c'est la division des familles, ça crée une instabilité politique partout au Canada et certainement au Québec.» Selon M. Martin, la bonne performance économique du Canada s'explique non seulement par l'assainissement des finances publiques dans les années 1990, mais aussi par l'apaisement politique ayant suivi le référendum de 1995. «C'est à M. Duceppe d'expliquer comment on peut continuer d'avoir la prospérité que nous avons dans une période d'instabilité politique.»
Pareil à Jean Chrétien?
Lorsqu'on lui fait remarquer que son approche face au Québec ne diffère pas beaucoup de celle de son prédécesseur Jean Chrétien, M. Martin se fâche. «C'est pas juste et vous le savez très bien. Je n'ai pas l'intention de passer du temps à argumenter [à savoir si] je suis comme lui ou pas comme lui.» En quoi est-il différent alors? Piqué, il réplique: «Dès le début, j'ai endossé Meech, j'ai appuyé les revendications du Québec. J'ai tout mis en place depuis que je suis devenu premier ministre pour que ça fonctionne. Et lorsqu'on regarde tout ce qu'on a fait avec le Québec, ça fonctionne bien.»
À plusieurs reprises, Le Devoir a demandé à M. Martin s'il avait dans ses cartons une idée pour revoir le fonctionnement du fédéralisme et ainsi peut-être apaiser les ardeurs sécessionnistes québécoises. Chaque fois, il s'est contenté de revenir sur cette idée de stabilité et du besoin de parler des bienfaits du Canada. Il cite l'entente asymétrique sur la santé signée en 2004, l'entente sur la péréquation ou encore l'entente sur les garderies. «Remarquez que le fédéralisme fonctionne.»
Lorsque la promesse du chef conservateur Stephen Harper de régler le déséquilibre fiscal et d'encadrer le pouvoir de dépenser d'Ottawa lui a été soumise à titre d'exemple, M. Martin a esquivé la question. «Avec les dépenses qu'est en train de faire Stephen Harper, il n'y aura pas de déséquilibre fiscal, ça je peux vous l'assurer. Le gouvernement fédéral va être en déficit.»
Stephen Harper s'est engagé un peu avant Noël à mettre un terme à ce qu'il appelle un fédéralisme «dominateur» et «paternaliste» en limitant le pouvoir «exorbitant» de dépenser d'Ottawa dans les champs de compétences des provinces. Fait intéressant à noter, un sondage Ipsos-Reid, réalisé pour le réseau CanWest Global ce week-end, démontre que les électeurs bloquistes sont ceux dont l'opinion au sujet de Stephen Harper s'est le plus améliorée depuis cette annonce remarquée. Leur perception s'est améliorée de 17 % en une semaine. Il ne s'agit pas d'intentions de votes pour autant, celles-ci stagnant à environ 12 % au Québec.


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