Nuage radioactif sur le Québec: Hydro-Québec est-elle prête?

Marée noire: BP ne s’était pas préparée au pire

Tribune libre

Je me reporte à un titre qui paraît ce matin dans Le Devoir en première page concernant la marée noire produite par un puits de pétrole exploité par BP dans le golfe du Mexique par 1500 mètres de fond: BP NE S’ÉTAIT PAR PRÉPARÉ AU PIRE.
On lit en page A3 que le pire peut se produire et que la fuite quotidienne de pétrole brut passerait de 5000 barils à 60 000 barils. Mais, l’exploitant BP n’est pas prêt à contrôler une telle catastrophe.
Permettez une analogie: c’est comme si la Ville de Montréal renvoyait tous ses pompiers en motivant son geste ainsi: si un feu éclate, on le laisse brûler peu importe les dommages. Ou une autre analogie: Hydro-Québec exploite une centrale nucléaire de type CANDU première génération, entrée en service en 1983, mais n’est pas prête à intervenir dans la population si cette centrale laisse échapper des polluants radioactifs comme cela s’est produit en 1986 à Tchernobyl en Ukraine, à 100 kilomètres au nord de la capitale Kiev.
Ici au Québec, la centrale Gentilly-2, située dans le parc industriel de Bécancour, est distante de Montréal de 150 kilomètres. Actuellement, cette centrale est en arrêt de production pour fin de rénovation style reconstruction.
Cette reconstruction a été autorisée par une résolution du Conseil d’administration d’Hydro-Québec en 2008 pour un coût de 1,9 milliard $ pour des raisons occultes, restées secrètes parce que non révélées au public et de plus, cette décision a été prise sans consultations publiques.
Quelles sont les raisons potentielles qui ont motivé une aussi importante décision:
a) le coût du kWh produit est minime à la condition de cacher les vrais coûts au public comme les coûts d’entreposage des déchets irradiés durant des milliers d’années;
b) l’électricité d’origine nucléaire ne produit pas de gaz GES à la condition de ne pas tenir compte des GES produits durant la construction de la centrale et durant l’exploitation de l’uranium et durant son transport fait avec de grandes précautions
c) Hydro-Québec n’a pas besoin de cette puissance de production de 675 MW qui représente 1,8% de la puissance installée du parc d’Hydro-Québec (2009=36810MW)
d) à cause de la récession actuelle, Hydro-Québec dispose de surplus d’électricité et Hydro-Québec a signé un contrat avec le producteur privé Trans-Canada Energy (TCE de Calgary) qui est propriétaire de la centrale au gaz de Bécancour (550MW) pour l’achat exclusif de l’électricité produite par cette centrale située à 2 km de Gentilly-2. Note: à cause des surplus actuelles, la centrale au gaz naturel de Bécancour ne produit pas et Hydro-Québec paie une pénalité annuelle à TCE estimée entre 150 et 200 millions $.
Revenons au nucléaire au Québec. Il n’y a pas grand différence entre une bombe atomique et une centrale nucléaire produisant de l’électricité. La fission nucléaire d’une bombe est laissée à sa libre expression alors que la fission nucléaire dans un réacteur de centrale électrique est contrôlée au 10000 ième de seconde. Comprenez ici que la marge d’erreur est mince et cela est vrai autant à Gentilly-2 qu’à Tchernobyl.
Nous estimons qu’Hydro-Québec a pris une décision précipitée en 2008 quant à la reconstruction de Gentilly-2 et qu’elle doit revenir sur cette décision lourde de conséquences comme un dépassement de coûts de 100 à 200 %. Hydro-Québec doit s’inspirer de l’expérience de sa voisine ontarienne propriétaire de centrales nucléaires comparables à Gentilly-2 mais en plus grand nombre. Dans un article écrit par le professeur Michel Duguay, professeur de génie électrique à l’Université Laval, article paru dans le numéro d’avril 2010 de la revue Action Nationale, le lecteur est informé qu’Ontario Power Generation (OPG) a décidé le 16 février 2010, donc tout récemment, de ne pas procéder à la réfection de 4 réacteurs CANDU de 1ère génération (idem Gentilly-2) à la centrale Pickering B près de Toronto. En plus des raisons économiques, des raisons techniques et scientifiques d’impossibilité à coûts mesurables de corriger de graves lacunes propres au système CANDU motivent la décision de non procéder par OPG.
Quant au volet socio-économique pour les 700 emplois de Gentilly-2, le déclassement de cette centrale ne signifie pas 700 mises-à-pied. Le déclassement durera des années et la disponibilité d’une mains-d’oeuvre qualifiée en nucléaire devrait être réorientée, comme le suggère le professeur Michel Duguay, vers un nouveau «laboratoire de gestion de tous les éléments radioactifs et de monitoring de la radioactivité sur tout le territoire du Québec.» Car un accident nucléaire qui toucherait le Québec peut venir du Nouveau-Brunswick, de l’Ontario ou des États-Unis, en plus de venir de Gentilly-2. Un tel accident nécessiterait une intervention immédiate de centaines d’équipes formées en détection et appréciation du niveau de la radioactivité partout où la contamination pourrait laissée son empreinte: les villes,les hôpitaux, les écoles, les réseaux d’aqueduc, les champs, les animaux, les produits alimentaires, etc.. Et ces équipes pourraient intervenir dans beaucoup d’autres situations où la radioactivité est en cause.
Le Québec, sans ce laboratoire de gestion de la radioactivité, est-il autant insouciant que BP et sa marée noire et que le serait la Ville de Montréal sans ses pompiers dans les postes, prêts à intervenir avec compétente et avec l’équipement requis?
Montréal, 5 mai 2010
François A. LACHAPELLE


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    6 mai 2010

    Extrait de votre texte : Cette reconstruction a été autorisée par une résolution du Conseil d’administration d’Hydro-Québec en 2008 pour un coût de 1,9 milliard $ pour des raisons occultes, restées secrètes parce que non révélées au public et de plus, cette décision a été prise sans consultations publiques.
    Pourrait-on m'expliquer pourquoi le gouvernement et ses sociétés d'état peuvent passer des ententes, des contrats, sans pourvoir en déclarer le contenu entièrement? N'y aurait-il pas un avantage à produire une loi obligeant à rendre entièrement public le contenu intégral des contrats que signent le gouvernement avec un partenair public ou privé ? Pas de cachette, pas de secret quand on utilise mes taxes.