Karine Fortin et Lia Lévesque - Devant la grogne suscitée par les nouvelles directives permettant aux femmes voilées de voter aux élections fédérales sans avoir à montrer leur visage, le gouvernement conservateur a finalement laissé savoir vendredi qu'il fera pression sur Élections Canada afin que les règles soient modifiées.
«Comme gouvernement et comme formation politique, on n'est pas du tout d'accord avec Élections Canada, a fait valoir le lieutenant québécois du gouvernement, Lawrence Cannon. On trouve que ça n'a aucun sens. La rectitude politique prend le dessus sur le gros bon sens. C'est le genre de chose que les gens ordinaires ne comprennent pas.»
Le ministre des Transports a dit espérer que l'organisme trouverait d'autres moyens de faire respecter la loi C-31, qui a reçu la sanction royale en juin dernier, et qui oblige tous les électeurs à s'identifier et à fournir une preuve d'adresse avant d'exercer leur droit de vote.
La demande de M. Cannon rejoint celle du Bloc québécois, pour qui la décision d'Élections Canada était «inadmissible» et constituait rien de moins que de la provocation. En matinée, le leader parlementaire Pierre Paquette avait remis aux médias une lettre de protestation officielle adressée à l'organisme.
«Il y a quelque chose d'un peu provocateur à faire en sorte qu'un débat qui a été conclu au Québec et qui s'est conclu par le fait que tout le monde doit voter à visage découvert soit remis en cause par Élections Canada, dans le cadre d'élections partielles qui n'ont lieu qu'au Québec. Là, il s'agit, à mon sens, presque d'un geste qui frôle la provocation», a tonné le leader parlementaire lors d'un point de presse à Montréal.
Les libéraux ont eux aussi manifesté leur désaccord et laissé savoir qu'ils joindraient leurs voix à celle des autres partis pour demander à Élections Canada de revenir sur sa décision.
«Nous croyons que lors d'un scrutin, les citoyens canadiens ont la responsabilité de révéler totalement leur identité, a dit le chef libéral Stéphane Dion par voie de communiqué. Pour cette raison, nous demandons à Élections Canada de revoir sa décision.»
Malgré les demandes du gouvernement et du Bloc, le Nouveau Parti démocratique a décidé de rester hors du débat. En fin de journée, l'attaché de presse du chef Jack Layton a précisé que la formation suivrait les règles, quelles qu'elles soient.
Jusqu'à maintenant, le porte-parole d'Élections Canada a répété sur tous les tons que l'organisme n'entendait pas changer d'avis, ou du moins pas avant les élections partielles du 17 septembre dans les circonscriptions d'Outremont, Roberval-Lac-Saint-Jean et Saint-Hyacinthe-Bagot.
D'après l'attaché de presse John Enright, les partis politiques fédéraux ont été mis au courant des nouvelles directives dès le mois de juillet et personne n'a remis en question leur validité depuis ce temps.
«Les partis étaient très bien au courant. Ils savaient comment nous allions procéder», a insisté M. Enright.
En vertu des directives actuelles, les personnes dont le visage est camouflé pour des raisons médicales ou religieuses pourront s'identifier dans les bureaux de scrutin en présentant une pièce d'identité avec photo et un autre document prouvant leur identité.
Si elles n'ont pas ces deux documents, elles pourront faire confirmer leur identité par un autre électeur inscrit dans la même section de vote. Elles devront cependant ôter leur voile si elles n'ont pas les papiers nécessaires ou si elles ne sont pas accompagnées d'une personne qui peut confirmer leur identité.
Cette façon de faire ressemble à celle qu'avait adoptée le Directeur général des élections du Québec, Marcel Blanchet, en prévision du scrutin de mars dernier. Il avait toutefois été obligé de reculer devant le tollé de protestation suscité par la procédure.
Le DGE du Québec avait usé de ses pouvoirs extraordinaires pour obliger toutes les électrices à voter à visage découvert. M. Blanchet a laissé savoir jeudi qu'il entendait demander à l'Assemblée nationale de modifier la loi électorale pour mettre fin au débat une fois pour toutes.
En attendant, il a décidé d'utiliser encore une fois sa prérogative en prévision de l'élection partielle de Charlevoix qui aura eu lieu le 24 septembre.
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