TRAVAILLEURS ÉTRANGERS

Ottawa impose sa réforme aux provinces

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Le fédéralisme coopératif n'existe que quand ça fait l'affaire d'Ottawa

Stephen Harper a beau avoir annoncé une nouvelle ère de « collaboration » avec les libéraux de Philippe Couillard, une première pomme de discorde semble se dessiner entre les deux gouvernements. Alors que Québec espérait demander des ajustements au fédéral quant à sa réforme sur le recours aux travailleurs étrangers temporaires, Ottawa rétorque que c’est peine perdue. Les conservateurs ne reculeront pas.

Le gouvernement Couillard s’est montré discret depuis que le fédéral a annoncé une série de changements au programme de travailleurs étrangers temporaires (TET) à la fin de juin. La ministre de l’Immigration, Kathleen Weil, a indiqué que ses fonctionnaires analysaient la réforme et que ces mesures feraient l’objet de discussions en vertu de l’accord Canada-Québec en matière d’immigration.

Le gouvernement québécois partage l’objectif d’Ottawa de s’assurer que les employeurs ont d’abord recours à une main-d’oeuvre locale avant de recruter à l’étranger. Mais les mesures du fédéral ne doivent pas nuire à l’emploi et à l’économie du Québec, explique-t-on dans les coulisses. Si conséquences négatives il y a, Québec espère pouvoir négocier des ajustements.

La réforme d’Ottawa forcera notamment les patrons canadiens à se contenter d’embaucher au maximum 10 % de leur main-d’oeuvre à l’étranger d’ici 2016. Les permis de travail coûteront plus cher. Et dans les régions où le taux de chômage dépasse la moyenne nationale (6 %), il sera interdit d’avoir recours à des TET pour pourvoir des postes peu rémunérés nécessitant peu de compétences dans les restaurants, les hôtels et le commerce de détail.

En ce qui concerne ce dernier changement, on remarque à Québec que seules les régions de la capitale nationale et Chaudière-Appalaches auraient alors droit à des TET. Québec songeait donc à réclamer un compromis.

« Non. On ne reculera pas », a-t-on rétorqué au fédéral. Soit, l’accord Canada-Québec prévoit des discussions, mais sur de simples détails techniques. « Ce sont des questions administratives. Mais ce n’est pas par rapport à la substance [de la réforme] », a tranché Alexandra Fortier, porte-parole du ministre fédéral de l’Emploi, Jason Kenney.

Plusieurs provinces mécontentes

Le ministre risque d’ailleurs de se faire chauffer les oreilles sur ce dossier vendredi, lors de sa rencontre avec les ministres de l’Emploi et du Travail du pays à Charlottetown.

En effet, les provinces maritimes s’opposent farouchement à sa réforme. Le secteur des pêches — noyau de leur économie — est une industrie saisonnière. Leur main-d’oeuvre est vieillissante et il est de plus en plus difficile de recruter localement, disent leurs gouvernements. L’Île-du-Prince-Édouard a accusé Ottawa de « cibler » les pêcheurs et les usines de transformation de fruits de mer de l’Atlantique.

L’Alberta — où M. Kenney est député — est aussi furieuse. Le boom pétrolier et les emplois bien rémunérés y attirent les travailleurs. Les boulots moins payants, eux, ne trouvent pas preneurs. « Tout simplement une mauvaise politique économique pour l’Alberta », « décevant sur plusieurs plans », a déploré le ministre de l’Emploi et du Travail de la province, Kyle Fawcett, dans un communiqué.

Néanmoins, M. Kenney n’a pas l’intention de changer d’idée. « C’est sûr que le ministre va écouter. Mais il ne bougera pas par rapport à ses réformes, qui viennent après deux ans de consultations et d’études approfondies », a indiqué Mme Fortier.

Autre querelle à l’horizon

Du côté du Québec, le ministre de l’Emploi, François Blais, tentera vendredi de convaincre le ministre Kenney d’épargner la province dans le dossier des ententes sur le développement du marché du travail (EDMT) que veut revoir Ottawa.

Les pourparlers commencent. M. Kenney veut connaître les idées des provinces quant aux moyens de s’assurer que les employeurs soient davantage redevables des fonds fédéraux reçus pour former et embaucher des chômeurs.

Puisque Québec n’avait pas eu à appliquer la réforme de l’autre entente sur le marché du travail (EMT), la province a « bon espoir » d’être de nouveau épargnée. Le ministre Blais prévoit de « faire valoir encore une fois la spécificité du Québec » et son savoir-faire, a-t-on expliqué à Québec.

Or l’enjeu n’est pas le même que pour la réforme de l’EMT, les négociations non plus. « C’est une discussion avec tout le monde, d’égal à égal », a affirmé Mme Fortier.

Ottawa verse annuellement 1,95 milliard aux provinces en vertu de l’EDMT, dont 589 millions au Québec.


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