POINT CHAUD

Changement de ton au Bloc québécois

La souveraineté avant tout, dit le nouveau chef, Mario Beaulieu

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Plus possible de jouer sur deux tableaux

Fraîchement élu à la tête du Bloc québécois, le militant indépendantiste Mario Beaulieu compte tout faire pour raviver la flamme souverainiste, qu’il juge encore bien vive malgré les défaites historiques du Bloc et du Parti québécois aux dernières élections. Et il profitera aussi de son nouveau rôle pour défendre au passage les Québécois de la « québécophobie » du Canada anglais.

La course à la direction bloquiste opposait un candidat de la continuité — le député André Bellavance — à celui du changement de ton — M. Beaulieu. Les militants ont choisi de prendre le virage pour défendre la souveraineté avant tout. « Je suis là pour vous, pour faire avancer notre cause commune. Faire du Québec une nation libre comme les 193 autres pays indépendants dans le monde », leur a lancé d’entrée de jeu le nouveau chef bloquiste, lors de son discours de victoire samedi.

Mario Beaulieu est bien connu dans les cercles souverainistes. Président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, du Mouvement Québec français, il est aussi fondateur du mouvement Montréal Français et a participé à la fondation du Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre (SPQ Libre). Fervent défenseur de la langue française, il s’est forgé une réputation notamment lors de son passage à la présidence du Parti québécois de Montréal-Centre, où il a également inlassablement brandi le dossier linguistique. Mais le principal intéressé se défend.

« Je n’accepte pas de me faire taxer de “pur et dur”. Ça voudrait dire que les autres c’est des impurs et des mous. […] Ce que je prône, ce n’est pas un durcissement de la position. C’est un recentrage, un raffermissement », explique-t-il, en entrevue avec Le Devoir dans les coulisses du Monument-National, à Montréal, où il a été couronné chef samedi midi devant environ 200 militants.

Or, ce « raffermissement », M. Beaulieu le plaidera aussi à la tête du Bloc québécois. À son rival André Bellavance, qui proposait de continuer de tendre la main tant aux indépendantistes qu’aux fédéralistes soucieux de la défense des intérêts du Québec à Ottawa, M. Beaulieu a rétorqué qu’il fallait plutôt revenir au noyau dur et marteler le besoin d’accéder à l’indépendance.

« C’est un changement de stratégie que je propose », dit-il. Car, au fil des ans, les partis souverainistes — le Bloc comme le PQ — ont commis une erreur, selon lui. « On a un peu mis la souveraineté de côté […] Chez beaucoup de militants, cela a créé une forme de désillusion et beaucoup ont quitté. »

Lui viendra les reconquérir, croit-il. Des 19 000 bloquistes qui pouvaient élire le nouveau chef, 58,5 % se sont prononcés. De ce nombre, 53,5 % ont choisi M. Beaulieu.

Un appétit pour la souveraineté ?

Malgré le fait que le Bloc et le PQ ont obtenu leur pire score électoral lors de leurs dernières élections, Mario Beaulieu ne s’inquiète pas. Les indépendantistes sont toujours aussi nombreux et convaincus.

Pourtant, les Québécois n’ont-ils pas dit « non » à l’option souverainiste il y a deux mois ? « Moi j’ai vu ça comme un désaveu de la stratégie attentiste qui a été utilisée depuis 15 ans, rétorque le nouveau chef. La stratégie qui a été utilisée a consisté, pendant les élections, à ne pas parler de souveraineté, à dire on élit un bon gouvernement ou une bonne opposition, puis après on en parlera. Mais ça ne fonctionne plus. »

Mais en rejetant le Bloc et le PQ, les électeurs n’ont-ils pas indiqué qu’ils ne veulent plus entendre parler d’indépendance ou, à tout le moins, qu’ils ne voteront pas avec ce seul enjeu en tête ?

Au contraire, insiste M. Beaulieu. C’est parce que les partis souverainistes ne parlaient plus d’indépendance que, lorsque le sujet est revenu sur la table, il a brusqué les gens. Idem pour les jeunes, qui n’ont pas connu les grands débats référendaires et à qui les éminences indépendantistes n’ont pas transmis leurs convictions, s’explique-t-il.

Il faut parler souveraineté, souvent, expliquer le projet, et on les convaincra, martèle-t-il.

Tensions bloquistes ?

Le franc-parler de Mario Beaulieu en a séduit certains — Bernard Landry, Pierre Curzi et l’écrivain Yves Beauchemin lui ont offert leur appui —, mais il en a dérangé d’autres. Du lot, l’ancien chef du Bloc Gilles Duceppe, qui n’a pas digéré que la nouvelle recrue annonce dans son discours de victoire que « le temps de l’attente et du défaitisme est terminé ».

« C’est de la démagogie, c’est un mensonge. Donc je ne peux pas être d’accord avec ça », a déploré M. Duceppe, en quittant le Monument-National samedi, furieux d’entendre M. Beaulieu dénigrer, selon lui, ses prédécesseurs. « Maintenant, je donne la chance au coureur. »

Mais le slogan « Nous vaincrons » qu’ont scandé les partisans de Mario Beaulieu a aussi vivement dérangé M. Duceppe. « Ce n’est pas de bon augure », s’est-il inquiété, en entendant ce slogan du FLQ (voir autre texte en page A 2).

Certains ont qualifié le discours de M. Beaulieu de « guerrier », d’autres d’« offensif ». Son rival André Bellavance n’a pas voulu commenter le changement de ton de son nouveau chef. « Son message, comment il va diriger le parti, ça lui appartient », a affirmé le député en s’avouant « déçu ».

« Il y avait deux visions qui s’opposaient », a estimé le député Louis Plamondon. Mais personne, samedi, n’a voulu y voir un début de scission dans les rangs bloquistes. Néanmoins, quand le mini-caucus est monté sur scène à l’invitation de M. Beaulieu, la tension était palpable. Et les poignées de main, polies.

Affrontements en vue à Ottawa ?

Le ton du nouveau chef bloquiste a beau être plus dur, M. Beaulieu ne se prépare pas pour autant à faire la guerre à ses homologues fédéralistes à Ottawa. « Je prévois de bons échanges. Mais on peut être tout à fait respectueux. » Ce qui changera, cependant, c’est qu’il répliquera aux attaques et aux insultes des partis fédéralistes ou des journalistes du Canada anglais à l’endroit des Québécois, prévient-il. « En général, dans la société québécoise, on n’a pas suffisamment répliqué à cela. On subit la québécophobie, ou la francophobie, et on doit le dénoncer », dit-il. Le message est lancé, tant aux partis fédéraux qu’à la famille bloquiste.


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