Le gouvernement fédéral serait prêt à acquiescer à la demande du gouvernement Legault de baisser les seuils d’immigration au Québec, à certaines conditions.
Selon nos sources, c’est du moins la base sur laquelle Ottawa s’apprête à négocier d’ici les prochaines semaines.
Le ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, Simon Jolin-Barrette, a rencontré le ministre fédéral des relations intergouvernementales Dominic Leblanc à Québec jeudi.
Fait inusité tant à Ottawa qu’à Québec, la tentative de trouver un terrain d’entente sur le sujet litigieux sans grand affrontement politique.
Le gouvernement Legault a clairement indiqué son intention de réduire les seuils d’immigration de 20 % au Québec au cours des deux prochaines années. Le but officiel étant «d’en prendre moins pour en prendre soin».
«Les Québécois ont voté massivement en faveur de la CAQ, en faveur d’une proposition qui était extrêmement claire de mieux accompagner, de mieux intégrer les immigrants et ça, moi c’est mon souci principal », a rappelé le ministre Simon Jolin-Barrette jeudi.
Or l’entente de 1993 signée entre Québec et Ottawa ne prévoit pas de mécanisme au cas où Québec désirerait réduire le nombre d’immigrants accueillis chaque année.
Elle stipule simplement que Québec s’engage à poursuivre une politique d’immigration visant à préserver son poids démographique dans la fédération avec la garantie d’un mécanisme d’indexation pour le financement.
Maintien de l'augmentation de financement
Selon les informations confirmées par nos sources, le gouvernement fédéral aurait indiqué qu’il est prêt à maintenir l’augmentation de financement pour les programmes de francisation et d’intégration de près de 30 % sur deux ans, malgré une baisse du nombre d’immigrants, si Québec s’engage à faire la preuve que les sommes sont bel et bien investies au bon endroit.
Dans le passé, le gouvernement fédéral s’est fréquemment inquiété du fait que Québec détournait une partie de ces sommes afin de financer d’autres priorités.
La vérificatrice générale avait d’ailleurs dénoncé les nombreuses lacunes des programmes de francisation au Québec.
Par ailleurs, le gouvernement Trudeau aurait clairement indiqué qu’il ne voit pas d’un bon œil l’idée de réduire le nombre d’immigrants issus de la réunification familiale.
Il s’agit ici des immigrants parrainés par un membre de leur famille déjà établi au Québec.
Des hommes, des femmes, des familles qui, advenant une réduction des quotas au Québec, verraient rapidement les délais augmenter afin de pouvoir enfin réunir leur famille en sol québécois.
En année électorale, les libéraux de Justin Trudeau craignent fortement de payer le prix d’un tel resserrement auprès d’une clientèle électorale qui leur est chère.
Pourquoi une telle ouverture du fédéral?
À moins d’un an du scrutin fédéral, le gouvernement Trudeau est conscient du signal clair envoyé par les électeurs francophones du Québec.
Pas question donc de s’aliéner cette tranche de l’électorat qui a donné un mandat clair aux troupes de François Legault.
Mais le calcul politique ne s’arrête pas là.
Face à une pléiade de gouvernements provinciaux hostiles, Ottawa a besoin d’alliés.
Le gouvernement Trudeau a donc tout à gagner à trouver un terrain d’entente avec la CAQ sur le terrain miné de l’immigration.
Ottawa semble donc prêt à obtempérer face à la CAQ, en retour d’une collaboration dans d’autres dossiers litigieux.
Remboursement des frais d’hébergement
Québec réclame toujours 146 millions de dollars pour les frais d’hébergement temporaire des demandeurs s’asile en provenance des États-Unis.
Du côté du fédéral, le calcul est simple: demander à Québec d’assumer les coûts liés aux migrants à même l’enveloppe fédérale pour l’intégration et la francisation des immigrants?
Entre l’augmentation des fonds prévue, et la baisse de nombre d’immigrants à accommoder, Québec aurait amplement la marge de manœuvre nécessaire pour répondre aux besoins.
Pour l’instant, des sources à Québec soulignent que «l’entente Canada-Québec ne fonctionne pas ainsi» et que le gouvernement Legault souhaite «un engagement du fédéral à couvrir les dépenses que le Québec a assumées et assumera à l’avenir».
Il est clair donc que les bases de la négociation à venir sont jetées. Le temps presse.
Québec doit en effet déposer d’ici le 7 décembre son plan de réduction de l’immigration.