Pauline Marois : instinct politique ou obsession suicidaire ?

Élection Québec 2012 - les souverainistes

Si Pauline Marois arrive – enfin – à réaliser ce 4 septembre son grand rêve de devenir la première femme première ministre du Québec, c’est qu’il existe un Dieu pour les naufrageurs, surtout quand ils sont leur pire ennemi. Malgré une campagne où les risques évitables ont rivalisé avec les déclarations maladroites ou incohérentes, Le Journal de Montréal publiait samedi les résultats d’un sondage Léger Marketing donnant le parti québécois (PQ) gagnant, avec 33 % des intentions de vote, devant la Coalition pour l’avenir du Québec (CAQ), avec 28 %, et le parti libéral du Québec (PLQ), qui ferme la marche de cette lutte à trois avec 27 %.


Bien sûr, les tiers partis pourraient influencer le déroulement, comme la conclusion de la campagne. À ce chapitre, Jacques Parizeau, qui ne pouvait laisser passer cette élection sans se manifester, vient de donner son appui à l’Option nationale (ON) de Jean-Martin Aussant, au grand dam de la chef péquiste. Si, usure du pouvoir « aidant », le PLQ devait se voir dégommé de la carte électorale dans dix jours, rien ne garantit au PQ un statut majoritaire, devant la montée inattendue de la CAQ et de son équipe de présumés incorruptibles, dont les promesses et leurs coûts ont de quoi laisser dubitatif.

N'oublions pas l’effet « béton »...


Dans les films comme dans la réalité, le béton demeure un moyen privilégié, pour une catégorie de citoyens qui ne paie pas d’impôts et règle elle-même ses comptes, d’envoyer par le fond témoins gênants, rivaux territoriaux ou traîtres à la « cause ». Dans le cas de Pauline Marois, la dame que l’on a identifiée à ce matériau résistant à l’érosion, c’est de plus en plus la lourdeur qui semble le mieux convenir à cette métaphore. Mme Marois ne nous a que trop habitués à cette aisance naturelle à se court-circuiter après de louables et parfois héroïques efforts en vue de redresser une situation désastreuse, dont le plus souvent elle aura été la cause première.

Son psychodrame le plus récent, pendant lequel, contre vents et marrées, elle a persisté à porter le carré rouge, malgré la dégringolade qui s’ensuivit dans les sondages enfin favorables au PQ, au terme d’une énième crise au sein de son parti, aurait dû lui servir de leçon, à elle comme à sa garde rapprochée. On dirait qu’il existe, au sein du PQ, une mentalité voulant que, en l’absence de toute crise, il importe d’en créer une au plus sacrant. Faut-il se surprendre ensuite de découvrir que, dans la seule région de Québec, à peine 16 % de répondants considèrent que le PQ mène une bonne campagne et que la CAQ pourrait y effectuer un balayage spectaculaire ? Peut-on encore parler d’un « mystère Québec » dans de telles circonstances ?

Cégeps et loi 101


La volonté affichée du PQ d’étendre la loi 101 aux cégeps n’ira certainement pas dissiper les perceptions chères à certains défenseurs des minorités culturelles qui assimilent, sans jeu de mots facile, le parti de Mme Marois à une faction rétrograde marquée par le repli identitaire et l’anglophobie. Des jeunes qui commencent leur cours collégial vers 17 ans ont-ils vraiment besoin de se voir protégés malgré eux de l’anglais, par ailleurs omniprésent, sur le web, notamment ? Le fait de les contraindre à suivre leurs cours en français améliorera-t-il de façon déterminante leur syntaxe, leur orthographe ou leur grammaire ?

Mon père, qui a enseigné le français pendant une quinzaine d’année au cégep de Trois-Rivières, a passé autant de temps à pester contre la piètre qualité des travaux de ses étudiants. « C’est au primaire et au secondaire qu’il importe de concentrer les efforts pour l’apprentissage du français, me disait-il. Au collégial, il est trop tard. » Dans cette optique, il y aurait lieu de s’interroger sur les bénéfices présumés de l’enseignement de l’anglais dès la première année de l’élémentaire, alors que la connaissance du français de l’élève reste rudimentaire. Le bon apprentissage d’une langue seconde reste conditionnel à une connaissance de base suffisante de sa langue maternelle. Avant de vouloir implanter des balises inutiles aux cégeps, le PQ pourrait-il envisager cette question autrement plus fondamentale ?

Pas toujours « victime »…


Alors que jamais politicienne ne s’était vue, aux yeux de ses supporters, incluant Janette Bertrand et Lise Payette, autant définie comme étant la victime par excellence de sexisme et de discrimination fondée sur le statut économique, l’allure vestimentaire et les manières « distinguées », voilà que l’intéressée a jugé opportun de s’en prendre, avec la subtilité d’un orignal dans un salon de thé, au prétendant caquiste au poste de ministre de la santé, Gaétan Barrette, laissant entendre à quel point le titulaire d’un tel ministère se devait de montrer l’exemple. Il est clair que l’interpellé demeure aussi éloigné de son poids santé qu’Amir Khadir du poste de premier ministre, mais fallait-il que Mme Marois se montre aussi mesquine ? Il n’en fallait pas moins pour que la chef du PQ ne se fasse – à nouveau - semoncer sur la place publique, non sans motif.

Citoyenneté québécoise


Se morfondant sans doute dans l’attente d’une nouvelle controverse, Pauline Marois devait ressortir des boules à mites ce 21 août le projet de loi 195 sur la citoyenneté québécoise, envisagé en 2007, dont elle allait juger à propos de resserrer les règles. En vertu d’un tel projet, nul citoyen ne devait pouvoir se présenter comme candidat à une élection sans avoir « une connaissance appropriée » du français. Tout immigrant qui ne remplirait pas cette condition se verrait exclus du statut tant convoité de « citoyen québécois » et ne pourrait contribuer financièrement à un parti politique, adresser une pétition à l’Assemblée nationale (il pourrait sans doute passer par Amir Khadir…), ou se porter candidat aux élections tant québécoises, que municipales et scolaires.

Imaginons l’imposition d’un tel cadre à des municipalités aussi enthousiastes envers le fait français que Beaconsfield, Pointe-Claire ou Kirkland… C’est pourtant ce que Mme Marois envisageait le plus sérieusement du monde : «Dans le cas d'un anglophone, soit-il de souche, soit-il nouvellement arrivé, la langue commune ici, c'est le français. Y a-t-il quelqu'un qui puisse penser qu'on ne peut pas posséder cette langue?»

Devant le tollé inévitable provoqué par de tels propos, la chef du PQ devait reculer dès le lendemain : les anglophones de souche et les autochtones pourraient conserver leur droit de se présenter aux élections malgré une connaissance « inappropriée » du français. Si ça ne s’appelle pas se positionner selon l’opinion publique… Mais certains affirmeront que « Pauline » est à l’écoute de son peuple… une gaffe trop tard, comme toujours. Les nouveaux arrivants devraient cependant connaître le français en vue d'obtenir la citoyenneté québécoise et de pouvoir briguer les suffrages, si le PQ était élu.

RIP


À peine sortie de ce nouvel épisode, Pauline Marois allait remettre ça avec les référendums d’initiative populaire (RIP), une trouvaille de son collègue Bernard Drainville, à l’état de projet. Alors que, d’accord ou non, l’électeur pouvait avoir de la question une perception claire, Mme Marois devait s’empresser de semer la confusion. Présentés une première fois par Drainville, les RIP avaient pour but de tenir des référendums sur des questions d’intérêt pour peu que 15 % de la population demande au gouvernement de le faire. Une fois ce pourcentage atteint, l’État était tenu de procéder. Simple comme bonjour, n’est-ce pas ? Beaucoup trop ! Compliquons ça au plus vite, semble s’être dit l’aspirante première ministre.

Dans la nouvelle version dudit projet, l’État québécois pourrait juger, même si ces conditions étaient remplies, de ne pas tenir de référendum, si bon lui semble. Un certain Yves Lévesque, maire de Trois-Rivières, a agi exactement de cette façon, il y a quelques années, dans la perspective d’un référendum sur un règlement d’emprunt auquel il tenait absolument pour son projet Trois-Rivières sur Saint-Laurent. Malgré le nombre requis en vue de la tenue d’un référendum sur la question, il décida, comme ça, de ne pas tenir compte de la volonté populaire et d’aller de l’avant. Inutile de dire que sa cote de popularité devait en prendre pour son grade aux dernières élections municipales.

Après avoir déclenché ce nouvel incendie, Marois devait dès le lendemain tenter de calmer le jeu, avec sa maladresse coutumière devenue maintenant sa marque de commerce : «C'est sûr qu'on permet à la population d'exprimer sa voix. Et Bernard (Drainville) et moi disons la même chose. Une fois que cette voix se sera exprimée, il va falloir avoir de très bonnes raisons de dire non. Mais on pourra en voir dans certaines circonstances.» Comme quoi il n’y a pas qu’Amir Khadir pour parler des deux côtés de la bouche…

Minoritaire


Si Pauline Marois est élue à la tête d’un gouvernement minoritaire, scénario le plus probable, si le PQ est élu, elle n’aura qu’elle à blâmer. Avec la CAQ comme possible opposition officielle et un parti libéral aussi mal en point que son homologue fédéral, la partie politique promet d’être piquante, avec l’instabilité qu’un tel portrait afficherait. C’est non sans appréhension qu’il faudra se faire à la perspective de voir cette véritable Gaston Lagaffe de la politique québécoise devenir éventuellement malgré elle première ministre du Québec, après avoir mené la pire campagne qui puisse se concevoir. Pas de doute, si la chef du PQ devient chef d’État, on pourra dire qu’il existe définitivement un dieu pour les naufrageurs...

Dernière heure


Et ça continue ! Pauline Marois a dû une fois de plus corriger le tir ce dimanche après avoir invité les conservateurs souverainistes à voter pour le Parti libéral du Québec (PLQ) ou la Coalition avenir Québec (CAQ) ! Quelqu'un pourrait-il lui faire prendre ses médicaments ?


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6 commentaires

  • Olivier Kaestlé Répondre

    28 août 2012

    M Claude Richard, je n'aime pas le principe selon lequel il faudrait contraindre des jeunes - presque - majeurs et vaccinés à aimer notre culture francophone et la langue française. À l'instar du constat de mon père sur l'apprentissage du français à proprement parler - sans jeu ne mots facile - je crois que si un tel engouement n'a pu être suscité au primaire et au secondaire, il est trop tard au collégial.
    Si j'était un libertarien, comme vous m'en suspectez, je serais en faveur d'une culture entièrement tributaire des lois du marché comme la majorité de gens qui se réclament de cette étiquette. Je crois au contraire que, tant que le Québec n'aura pas développé un intérêt suffisamment important chez un public francophone hors frontières, il devra continuer à être soutenu par un financement public.
    En clair, je considère que la nécessité de rendre notre culture et notre langue attrayantes et stimulantes doit l'emporter sur les contraintes et les réglementations. Mais peut-être suis-je naïf...

  • Claude Richard Répondre

    28 août 2012

    Monsieur Kaestlé,
    Il y a partout dans le monde "des jeunes qui se trouvent au seuil de leur majorité" et qui n'ont pas à faire le choix que les jeunes du Québec ont à faire présentement. Et c'est normal qu'il en soit ainsi. Imaginez un monde où le "libre choix" existerait partout: adieu cultures nationales!
    Vous semblez faire un mythe de la "liberté de choix". Est-ce cela du libertarisme? C'est en réalité le triomphe de la loi du plus fort. Qui résiste en effet à la liberté du rouleau compresseur? Personne..., sauf ceux qui décident de dire non au rouleau compresseur, ceux qui décident de dire non à l'impérialisme anglo-saxon.

  • Olivier Kaestlé Répondre

    27 août 2012

    M Claude Richard, ce qui me gène, avec votre propos, c'est qu'il vise des jeunes qui se trouvent au seuil de leur majorité, un moment où, me semble-t-il, l'État devrait se garder de se substituer à eux "pour leur bien". Il est vrai que vos objections ne sont pas dénuées de fondement, mais je ne crois toujours pas que, contraints de faire leur cours collégial en français, les étudiants renonceront pour autant à poursuivre leur scolarité universitaire en anglais. Au fait, faudra-t-il étendre la loi 101 aux universités ? Il y a là matière à débat entre liberté de choix et préservation de la langue française.
    Quant à mon père, décédé en 1995, j'ignore ce qu'il penserait de la question, mais je vous concède qu'un cours collégial en anglais n'améliorerait en rien la qualité du français des étudiants. Comme il me le disait si bien, au collégial, il est déjà trop tard.

  • Olivier Kaestlé Répondre

    27 août 2012

    M Robert Barberis-Gervais, je ne raffole pas plus que vous de nombreux chroniqueurs de La Presse, qu'il s'agisse de ceux traitant de politique québécoise, ou d'autres, prônant une inquiétante insouciance à propos des risques du multiculturalisme, de la laïcité ouverte et du "vivre ensemble" à tout prix. J'en ai autant contre ceux qui s'à-plat-ventrisent devant les statistiques dopées du ministère de la Sécurité publique en violence conjugale ou qui se font les courroies de transmission d'un discours féministe misandre et rétrograde. On pourrait également disserter longuement sur la tendance de ce journal à valoriser l'exploitation des sables bitumineux albertains, quand on sait les intérêts de Power corporation dans ce secteur d'activités, par le biais de Total.
    Malheureusement pour Pauline Marois, les gaffes à répétition dont elle s'est rendue responsable n'ont pas jailli de l'imaginaire de journalistes hostiles au PQ ou à la cause souverainiste. Cette femme possède un rare talent pour se tirer dans le pied et, au moment où j'écris ces lignes, je redoute presque qu'elle ait à nouveau sévi. Quant à établir une nomenclature de ses hypothétiques bons coups, je vous invite à l'établir et serai le premier à l'applaudir si elle tient la route. D'avance, bonne chance ! Salutations.

  • Archives de Vigile Répondre

    27 août 2012

    Et vous pouvez compter sur Martine Biron de Radio-Canada pour souligner ces maladresses.
    Et sur Tommy Chouinard de La Presse pour favoriser par ses questions en apparence innocentes le processus d'autopeluredebananisation. Le perfide Tommy Chouinard a pris la relève du non moins perfide Rhéal Séguin du Globe and mail.
    On a aussi apprécié son "entrevue exclusive" avec le journaliste libéral Denis Lessard: avec un titre extraordinaire: l'humilité de la survivante.
    Après Québec où la CAQ est en tête, préparez-vous au prochain sondage CROP qui capitalisera sur toutes ces maladresses que vous décrivez...pour mettre le PQ en troisième place... Attention à l'effet de panique!
    Il y aurait un exercice à faire: souligner tous les bons coups de Pauline Marois pendant la campagne électorale.
    robert barberis-gervais, 27 août 2012

  • Claude Richard Répondre

    27 août 2012

    Je ne veux pas rajouter à ce que vous dites des errements de Pauline Marois. Je me suis assez commis dans le passé sur ce sujet pour passer mon tour. Je me demande aussi si c'est le moment propice pour dauber contre la dame alors que le loup menaçant de la CAQ se profile à l'horizon.
    Ce sur quoi je veux surtout intervenir, c'est sur l'extension aux cegeps de la loi 101. Vous semblez estimer que c'est une mesure inutile et vexante.
    Je suis d'accord avec vous que l'apprentissage de la langue maternelle doit primer au primaire et au secondaire et que des leçons d'anglais aux francophones dès la 1ère année ne sont pas la trouvaille du siècle. Mais le libre choix de la langue d'enseignement au cegep n'est pas si innocent que vous le présentez.
    Allez voir les études de l'IRFA (Institut de recherche sur le français en Amérique) sur la question et vous y constaterez que la langue d'enseignement au cegep a une influence non négligeable 1° sur la langue d'usage de l'intéressé et 2° sur la langue de travail qu'il choisira. Il y a aussi le choix de l'université qui viendra après qui se joue à ce moment.
    Avec les cours intensifs d'anglais à la fin du primaire qui se généralisent (malheureusement), y a-t-il vraiment besoin pour un francophone ou un allophone de s'inscrire au cegep anglais pour "apprendre" l'anglais?
    Au-delà de ces pour et de ces contre, il reste que la langue du Québec est le français. Pourquoi irions-nous en quelque sorte encourager les études dans la langue de la minorité en donnant le libre choix alors que cela ne se fait pas ailleurs et que la situation de notre langue est précaire. Cela s'appelle jouer avec le feu, cela s'appelle de la démission et de l'irresponsabilité. Le PQ est tout à fait justifié de vouloir supprimer ce libre choix.
    Votre père, monsieur Keastlé, qui m'a enseigné du temps que j'étais au séminaire de Trois-Rivières, avait raison (je présume qu'il n'est plus de ce monde) de souligner les lacunes des étudiants du collégial en français. Mais ces lacunes ont-elles plus de chances de se corriger avec l'enseignement en anglais qu'avec l'enseignement en français?