Peut-on afficher son incroyance?

Tribune libre 2010


Dans la situation de dépendance qu’est le Québec à l’égard du Canada, sauf à utiliser la clause nonobstant, le gouvernement a une marge de manoeuvre très étroite quand il s’agit de légiférer sur des questions touchant la liberté religieuse. Avec le projet de loi 94, une brèche s’ouvre néanmoins, rompant avec l’inaction caractérisant jusqu’à maintenant le PLQ sur le sujet qui agite le Québec depuis des années. Sa position réaffirmée quant à l’autorisation du port des signes religieux dans les emplois relevant de l’état n’est cependant pas tenable à long terme si, en même temps, est proclamée dans l’article 4 la neutralité de ce même état, dont les services sont incontournables pour tous les citoyens. Or, ces derniers, qui ont des points de vues divers, ne rencontrent cet état neutre que par l’intermédiaire des employés de l’état. Comme pour la justice, l’apparence de neutralité n’est-elle pas aussi importante que la neutralité elle-même? Comment se sentirait une femme juive, soignée dans un hôpital par une infirmière portant le hidjab, alors qu’un kamikaze vient de se faire sauter dans un autobus à Tel-Aviv? Que penserait de la neutralité de l’état et de l’égalité de traitement des citoyens un jeune ado à qui on interdit le port de la casquette en classe alors que son professeur porte une kippa, ou sa professeure un hidjab?
D’autre part, quelle interprétation donner concrètement au principe réitéré sur l’égalité entre les femmes et les hommes en ce qui concerne justement le hidjab? Est-ce un symbole religieux? Si oui, est-ce l’expression de l’infériorisation des femmes? D’autre part, l’exigence de la nécessité de se présenter à visage découvert, autant comme usager de l’état que comme ceux et celles y travaillant, pourquoi ne pas l’avoir étendue à tout l’espace public? Des raisons de sécurité peuvent être invoquées légitimement. Mais on peut aussi invoquer le vivre en commun mis à l’épreuve par le niqab et la burqua quand celles qui le portent se donnent le droit de voir les autres tout en leur niant la réciproque, comme le faisait valoir Elizabeth Badinter à la récente commission parlementaire française sur le sujet.
En outre, la liberté de conscience concerne également les non-croyants. Or, ce n’est que par la parole que les non-croyants peuvent exprimer cette non-croyance car ils n’ont aucun symbole. Un non-croyant sera-t-il autorisé à porter par exemple un macaron sur lequel serait écrit: “Dieu n’existe pas” ou serait-ce considéré comme du prosélytisme? Il y a un aurait alors un traitement inégalitaire des citoyens. Dans le cadre du nouveau cours d’Éthique et culture religieuse, les professeur-e-s ont un devoir de réserve quant à leur propre adhésion religieuse. Or, comment faire respecter cette consigne si l’une porte un hidjab, l’autre une kippa, et l’autre son macaron sur la non-existence de Dieu?
Irène Doiron, professeure de philosophie à retraite.


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    24 avril 2010

    Madame Poulin,
    "Pourquoi on accepte qu'il y aie tant d'immigration?"
    En effet, on devrait dire aux immigrants qu'ils ne sont pas les bienvenus "actuellement" au Québec car étant donné que le problème constitutionnel de l'état n'est pas réglé, le fruit n'est pas mûr pour ouvrir les portes à l'immigration. Quand notre Etat aura la capacité d'intégrer tous les immigrés à sa culture dominante, alors là, il nous fera plaisir d'accueillir ceux qui voudront bien venir vivre selon notre culture. Quand le fruit sera-t-il mûr? Quand les immigrants déjà au Québec seront intégrés à la culture dominante, ce qui n'est pas le cas présentement. Ainsi, vous pourrez faire venir votre parenté et vos amis qui voudront faire de même. Vous avez donc, vous les immigrants, la clé pour ouvrir la porte à une immigration saine pour le Québec.

  • Archives de Vigile Répondre

    23 avril 2010

    Madame Doiron,
    Et que deviendront les animistes indiens et métis dans tout ce fatras religieux ?
    Seront-ils autorisés à porter des plumes ou autres signes pour les Indiens, des ceintures fléchées et le poignard pour les Métis, puisque ces symboles sont intimement liés à leur pratique animiste depuis des temps immémoriaux ?
    J'exagère ? Pas tant que cela si on veut bien y réfléchir. Qui et que sont ces Québécois dont on parle tant ?

  • Isabelle Poulin Répondre

    22 avril 2010

    Votre réflexion est très intéressante ! Considérant d'une part que le nouvel ordre mondial veut en venir éventuellement à imposer une seule religion comme remède à tous ces problèmes, en passant par la neutralité d'abord. Il me semble qu'on a pas fini de se questionner et qu'on est pas sorti du bois ! Je me demande pourquoi on accepte qu'il y aie tant d'immigration. Nous ne sommes pas prêts à accepter toute cette immigration dans le désordre. Avant d'accueillir d'autres milliers d'immigrants, il faudrait pouvoir voir à l'intégration de ceux qu'on a déjà accueillis et attendre de voir comment on va pouvoir les aider à s'intégrer et comment cela affecte la société québécoise. Si on croit qu'il faut protéger l'économie locale, qu'y a-t-il de mal à vouloir protéger les autochtones, i.e. les gens qui vivent ici depuis des générations et qui ont su s'intégrer de façon harmonieuse en général. Et puisque nos problèmes de transports, de routes, d'éducation, de langue et de corruption sont hors contrôle, je pense qu'on est en droit de d'exiger l'avancement en ces domaines avant d'ouvrir nos portes toutes grandes et d'élargir le chaos ! Charité bien ordonnée commence par soi-même, un peuple qui ne sais imposer ses limites et dire non, s'en laissera imposer sans cesse et ne saura être maître chez lui . Il ne faut pas attendre l'indépendance officielle pour exprimer clairement et honorablement notre dissidence à l'annonce du chaos. Réglons d'abord les questions de décrochages, la situations des infirmières, nos problèmes en santé, la dignité des personnes âgées, le chum, la gestion de nos déchets et nos problèmes de démocratie avant d'accueillir des cohortes de nouveaux immigrants.