Nous sommes de ceux qui croient que la justice et l'équité sociales sont les valeurs premières à promouvoir dans le débat sur les droits de scolarité. Et ces valeurs ne mènent pas au gel des droits de scolarité; dans le contexte universitaire nord-américain, la décision gouvernementale est non seulement juste, mais tout à fait raisonnable.
Dans ce débat fastidieux des dernières décennies, deux objections sont régulièrement formulées contre la hausse des droits de scolarité: impact négatif appréhendé sur l'accessibilité aux études universitaires et besoin non prouvé d'un meilleur financement des universités dont la gestion laisse à désirer. Trois mesures permettraient non seulement de sortir de l'impasse actuelle, mais aussi de bonifier le processus de financement des universités et les mécanismes de reddition de comptes.
Le gouvernement pourrait clore l'éternel débat sur l'impact des droits de scolarité quant à l'accessibilité aux études par deux premières mesures. D'abord, la mise sur pied d'ici 18 mois d'un système de remboursement des prêts étudiants proportionnel au revenu gagné (RPR) au terme des études. Pareil remboursement ne débuterait que lorsque le revenu du diplômé aurait atteint un niveau minimum. Ce système, éprouvé dans d'autres pays, dont l'Australie, a non seulement clôt le débat sur l'accessibilité, mais a eu un impact positif et remarqué sur l'accessibilité elle-même malgré des droits de scolarité nettement plus élevés que ceux demandés au Québec.
Autre mesure: le seuil des revenus annuels des ménages pour qu'un étudiant ait à contracter un prêt dans la politique des prêts-bourses devrait être rapidement revu pour éviter de pénaliser les étudiants venant des familles de classe moyenne à plus faible revenu.
Le débat sur les universités tourne en rond au Québec depuis plus de 20 ans. En effet, depuis l'abolition du Conseil des universités en 1993, peu d'études et de réflexions en profondeur ont alimenté les débats et décisions sur l'institution universitaire. C'est probablement la raison première d'une politisation extrême de toute discussion sur le sujet.
Dans un document récent, nous avons proposé — c'est là une troisième mesure que le gouvernement peut envisager — la création d'un Conseil de l'enseignement et de la recherche universitaires. Ce dernier aurait quatre missions:
1. Faire des études sur le système universitaire québécois dans un contexte international et assurer une veille quant à sa qualité;
2. Donner des avis au gouvernement sur le financement des universités et leurs sources de revenus, dont les droits de scolarité — le Conseil jouant ici le rôle d'une régie de fixation de ces droits pour dépolitiser le traitement de cette question;
3. Évaluer tous les cinq ans, de façon indépendante et selon des critères internationaux reconnus, les activités de recherche et d'enseignement de chacune des universités et soumettre ses conclusions au gouvernement qui devra les rendre publiques;
4. Mettre en place une banque de données uniformisées sur les universités qui servira aux évaluations et aux études portant sur les universités québécoises. Ce Conseil répondrait aux attentes des pourvoyeurs de fonds et des étudiants qui réclament un processus d'évaluation des universités.
Nous pensons qu'un programme RPR, complété selon les secteurs d'études universitaires de droits de scolarité différenciés en fonction du coût des études et des perspectives de revenus des diplômés, serait garant de solutions marquées de justice et d'équité sociales. Un tel système prévaut dans de nombreux pays où les droits de scolarité sont plus que symboliques.
Trois mesures donc qui permettraient sûrement de convaincre une majorité de Québécois et d'étudiants qu'ils auront à l'avenir non seulement des universités mieux financées et de meilleure qualité, mais qui seront aussi plus accessibles.
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Robert Lacroix, Économiste, professeur et recteur émérites à l'Université de Montréal et Louis Maheu, Sociologue et professeur émérite à l'Université de Montréal
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