Pour la deuxième fois en moins de sept mois, le vérificateur général Renaud Lachance critique sévèrement les hypothèses qui ont conduit l'Agence de partenariat public-privé, devenue Infrastructure Québec, à privilégier la formule PPP pour la construction et l'entretien des futurs grands hôpitaux universitaires montréalais. Selon le vérificateur, si les experts embauchés par l'Agence et l'Agence elle-même avaient utilisé des hypothèses de dépréciation des bâtiments et des coûts d'entretien réalistes, c'est le mode de construction traditionnel qui aurait été retenu.
Ces erreurs de calcul qu'on peut supposer volontaires suffisent à discréditer le processus d'attribution des contrats, lequel a entraîné d'importants retards et un important gonflement des coûts. Alors qu'il était question d'un investissement de 3,6 milliards au moment d'annoncer que la formule PPP serait privilégiée pour les deux CHU, en 2006, nous en sommes aujourd'hui à 5,2 milliards, et c'est loin d'être la fin.
Quant aux coûts de fonctionnement, qui devaient rester les mêmes la première année, là encore, tout indique qu'ils seront largement supérieurs à cause d'une foule de facteurs, comme les exigences des médecins qui ont gagné des salles d'opération et les nombreuses dérogations accordées au consortium privé.
En entrevue avec notre collègue Antoine Robitaille, l'ex-ministre responsable du dossier, Mme Monique Jérôme-Forget, fait porter le blâme de l'échec annoncé de la formule PPP au Québec sur l'opposition farouche qui a cours depuis le début. Avec tout le respect que nous lui devons, nous invitons l'ex-ministre des Finances à relire les commentaires publiés au lendemain de la décision du gouvernement, en 2006. Elle pourra constater que la plupart des commentateurs neutres, y compris au Devoir, donnaient sa chance au coureur tout en identifiant les risques connus liés aux coûts d'un financement privé, aux retards causés par la négociation des contrats et l'expérimentation de la formule sur des projets aussi complexes.
Autre erreur magistrale, le gouvernement Charest n'aurait jamais dû confier la direction de l'Agence des PPP à des amis obsédés par le fait de gagner une bataille au lieu de remplir le mandat d'analystes indépendants qu'on attendait d'eux. De même, les experts de PricewaterhouseCoopers, boîte d'où provenait le président de l'Agence, Pierre Lefevbre, ont produit des études qui se révèlent aujourd'hui d'une troublante complaisance à l'endroit de leur client. Finalement, que dire des consortiums privés formés de firmes dont la crédibilité en matière de négociations avec l'État frôle le degré zéro?
Non, Madame Forget, ce ne sont pas les opposants à la formule PPP qu'il faudra accuser le jour où le gouvernement Charest décidera de revenir à la construction du CHUM en mode traditionnel, mais vous-mêmes, les autorités gouvernementales, qui avez voulu négocier trop rapidement un virage aussi majeur en refusant d'en évaluer les risques.
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