Emmanuel Lévy - C'est en toute discrétion que le gouvernement a donné son feu vert à la multiplication des opérations de titrisation. Alors que cette technique financière a été l'un des détonateurs de la crise, les banques ont réussi à obtenir la titrisation de leur créances nées des Partenariats public privé. Un mélange explosif.
La titrisation ? « Chaque jour, les banques consentaient un prêt à 10h00 du matin, le revendaient à 17h00 le soir, prenaient la commission, le déstockaient, le mettaient dans ce qu'on appelle un SPV et mutualisaient ce mauvais risque. » Lors de l’émission de TV « Face à la crise », le 5 février 2009, Nicolas Sarkozy n’avait, à l’époque, pas de mots assez durs pour vilipender cette technique considérée comme le détonateur de la crise financière.
Mais le marché oublie vite, et le Président aussi semble-il. Marianne avait déjà souligné le retour par la petite porte de textes promouvant la titrisation : ainsi la loi « régulation bancaire et financière » (sic, ca ne s’invente pas), votée en juin dernier, prévoit la création des « Sociétés de financement à l’habitat », structure titrisant les créances immobilières des banques. Et ce n’est pas fini.
Le rapport, réalisé par Alain Madelin à la demande de Patrick Devedjian, ministre de la relance, été remis mardi 20 juillet dernier à Christine Lagarde, vise, lui aussi, à massifier la titrisation. Cette fois-ci, le lobby bancaire a fait les choses en grand. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’appliquer cette technique aux déjà très controversés Partenariats public privé (PPP). Et le moins que l’on puisse dire est qu’à Bercy on a apprécié le travail réalisé main dans la main par Europlace, le lobby de la finance de la place de Paris, les banques, les assureurs, et l’administration via la présence du Trésor. Christine Lagarde s’est dite « satisfaite que le secteur privé puisse prendre le relais de l’initiative publique », tandis que Patrick Devedjian a surenchéri en vantant « le potentiel majeur des PPP pour développer les infrastructures nécessaires à la compétitivité de la France et leur capacité à entraîner l’investissement privé, indispensable à la reprise économique ».
Mais d’abord, qu’est-ce qu’un PPP ?
Créés en 2004, les PPP s’inspirent directement des dispositifs à l’œuvre dans les pays anglo-saxons, notamment au Canada et en Grande-Bretagne. La France connaissait déjà les partenariats entre le privé et le public avec la concession. Les juillettistes passés par la case péage des autoroutes peuvent en témoigner. Le PPP va plus loin et bouleverse le petit monde de géants du BTP« accros » aux commandes publiques. Il s’agit de confier un équipement à un pool regroupant des investisseurs et un BTpiste.
Et pas seulement la construction. Contre un loyer annuel, le pool va non seulement prendre en charge la construction proprement dite mais la maintenance, puis la gestion et l’exploitation de l’équipement public pour le compte de l’Etat, d’un de ses opérateur,comme pour celui d’une collectivité locale. Cela va donc du collège à 30 millions d’euros à des opérations de 7,8 milliards d'euros pour la ligne Tours et Bordeaux attribué au groupement LISEA piloté par VINCI. Pour l’heure seul 69 PPP ont été attribués : 17 impliquant l’Etat contre 52 pour les collectivités.
Le deal est simple, en cette période de disette budgétaire et d’obsession de la dette, un PPP permet à l’Etat d’éviter une hausse de son endettement, puisque ce n’est pas lui qui assume l’effort financier, mais les opérateurs privés. Ceux-ci trouvent leur compte en facturant un loyer annuel, avec comme contrepartie, la meilleure qui soit la signature de l’Etat : bref, une rente annuelle sûre et certaine pour 20 ans, 30 ans voir 40 ans. Le rêve.
Un rêve qui, avec la crise, tarde à se transformer en réalité aux goûts des banquiers et des BTpistes : fin 2009, sur les 220 PPP lancés, seuls 42 avaient été attribués, souvent des petites opérations à moins de 30 millions (54% des projets). Le plan de relance de 2008 n’aura donc pas suffi. Il avait pourtant largement desserré les contraintes réglementaires qui pesaient – encore - sur ces opérations tout en ajoutant du carburant avec de l’argent public. Fini donc le caractère complexe et urgent que devait avoir le projet de PPP. Place au PP généralisé avec garanti de l’Etat et une partie des 8 milliards d’euros issus du Livret A mobilisés par le plan de relance.
Voilà pourquoi aujourd’hui, les pro-PPP voient leur salut dans la titrisation… Avec du « lourd » à la clé : selon, le groupe bancaire BPCE, « les collectivités cherchent de nouveaux modèles de financement : le marché des PPP est attendu en forte croissance sur 2010-2013, soutenu par des initiatives politiques (4 à 5 milliards/an). »
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