Projet de loi 96 : les Premières Nations veulent un statut particulier

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L’anglicisation des autochtones visée


Le projet de loi 96 du gouvernement du Québec, qui vise la refonte de la Charte de la langue française, n’accorde aucun statut particulier pour les langues autochtones. Le directeur général du Conseil en éducation des Premières Nations (CEPN), Denis Gros-Louis, souhaite que le ministre qui pilote le dossier, Simon Jolin-Barrette, fasse un « pas en arrière » pour corriger la situation.




On veut une protection légale, demande M. Gros-Louis. La démarche du ministre Jolin-Barrette veut protéger la langue française, mais nos communautés ne sont pas une menace pour le français, insiste-t-il.


Il dénonce l’obstination du ministre et son approche fermée dans ce dossier. Selon lui, M. Jolin-Barrette devrait profiter de son projet pour moderniser la Charte [...] et laisser la place à la diversité. Les 11 Nations [autochtones] sont une richesse pour le Québec, et elles devraient être reconnues dans le projet de loi 96, affirme-t-il.


Or, la politique actuelle du gouvernement du Québec vise selon lui à assimiler les Premières Nations.







Il faut sensibiliser les parlementaires, croit M. Gros-Louis, aux enjeux soulevés par le projet de loi 96 sur la place des langues autochtones. Ça n’enlève rien au ministre [Jolin-Barrette] de montrer de l’ouverture. Mais il faut qu’il reconnaisse les autres cultures, poursuit-il.


Des élèves autochtones pénalisés


L’année 2022 marque le début de la Décennie des langues autochtones décrétée par l’ONU (. La mise en valeur des langues ancestrales des Premières Nations est une nécessité, mais le Québec impose des barrières systémiques dans l’enseignement pour les étudiants autochtones qui étudient dans leur langue, affirme M. Gros-Louis.


Il faut permettre la transférabilité des jeunes, notamment vers les écoles et les collèges anglophones, suggère-t-il. Car actuellement, il y a 209 jeunes qui sont nés dans une prédominance anglophone qui sont pris en otages par la politique qui exige la connaissance du français pour obtenir un diplôme d’études secondaires. Ils devraient en être exemptés, pense M. Gros-Louis.


Car l’obtention du diplôme secondaire et l’accessibilité aux études postsecondaires sont le nerf de la guerre pour beaucoup de membres des Premières Nations. M. Gros-Louis indique que les salaires des travailleurs peuvent doubler entre l'obtention d'un diplôme d’études secondaires (DES) et celle d'un diplôme d’études collégiales (DEC). Et c’est sans compter les études universitaires. Il faut permettre aux jeunes d’aller plus loin que le secondaire, pense M. Gros-Louis.


M. Gros-Louis déplore que la Charte de la langue française contienne des dispositions pour les Cris et les Inuit, mais pas pour les autres Nations autochtones.







Les mesures restrictives qui empêchent les étudiants autochtones d’aller de l’avant dans leur parcours scolaire et d’être diplômés devraient donc être abolies, considère M. Gros-Louis. On veut enlever la politique de l’école, exige-t-il, et quitter la vieille rhétorique anglais/français qui semble guider le projet de loi 96.


M. Gros-Louis estime que le ministre Jolin-Barrette devrait utiliser les amendements du chef [de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador Ghislain] Picard pour bonifier son projet de loi, et ainsi reconnaître et protéger les langues autochtones au Québec.


En septembre dernier, le CEPN et l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL) ont proposé des pistes de solutions pour assurer la réussite éducative des élèves autochtones, dans le cadre de l’étude du projet de loi 96.


Ils demandaient entre autres :



  • d’appliquer les mêmes principes que pour les Cris et les Inuit sur la langue d’enseignement;

  • de ne pas obliger les élèves des Premières Nations à écrire l’épreuve unique en français même s’ils sont anglophones ou qu’ils ont étudié dans une langue autochtone;

  • offrir les services de professionnels anglophones dans les écoles autochtones aux élèves qui parlent anglais.



« Ce sont des Premières Nations, et non des communautés anglophones ou francophones. »


— Une citation de  Denis Gros-Louis, directeur général du Conseil en éducation des Premières Nations


Comité régional sur les langues


De son côté, le CEPN a créé un comité régional sur les langues ancestrales, qui vise spécifiquement à préserver [les langues autochtones] et améliorer le nombre de locuteurs.


Des trousses linguistiques ont aussi été créées dans le but d’aider les communautés à renforcer et mettre en valeur les langues ancestrales.


Et pour les valoriser, M. Gros-Louis lance un appel au gouvernement fédéral pour davantage de financement. Les robinets ont été fermés dans les années 2000, rappelle-t-il, en attendant l’énoncé du prochain budget pour connaître les sommes qui seront dévolues à la défense des langues autochtones au Canada.




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