La vie politique à Laval était depuis trois décennies un long fleuve tranquille. Tous savaient qu’il y avait de la corruption, mais personne ne disait ni ne faisait rien. Même l’arrestation du maire Gilles Vaillancourt aura à peine perturbé le cours des choses à l’hôtel de ville, où son fils spirituel Alexandre Duplessis assurait une succession en douceur. C’était jusqu’à ce qu’éclate jeudi la bombe à fragmentation lâchée par Me Jean Bertrand. L’heure du grand ménage est arrivée.
Les révélations faites devant la commission Charbonneau par l’ancien agent officiel du parti du maire Vaillancourt, le PRO des Lavallois, sont létales. De 1997 à 2010, tous les conseillers municipaux élus sous cette bannière ont servi de prête-noms pour des contributions en argent comptant faites par les bureaux d’ingénieurs faisant affaire avec la Ville de Laval. Seuls trois ont refusé de participer à cette combine.
En tout 25 élus lavallois, dont le maire par intérim Alexandre Duplessis et ses collègues du comité exécutif, ont depuis 1997 prêté leurs noms pour camoufler des contributions illégales à leur parti. Le don qu’ils faisaient par chèque leur était remboursé en argent comptant provenant du « 2 % » prélévé sur les contrats octroyés aux bureaux d’ingénieurs lavallois. Ils commettaient ainsi des infractions à la Loi sur le financement des partis politiques et à la Loi sur l’impôt sur le revenu pour avoir demandé des déductions fiscales auxquelles ils n’avaient pas droit. La bombe Bertrand les atteint tous. Ils sont aujourd’hui discrédités à la fois moralement et politiquement face à leurs concitoyens. La décence imposait au maire Duplessis et au conseil de requérir la mise en tutelle de la ville.
L’agent officiel du PRO a soutenu avoir trempé dans ce trafic de signatures à son corps défendant, sous la pression du maire Vaillancourt qui lui aurait même donné un ordre formel de poursuivre le jour où il a voulu y mettre fin. Cela n’excuse rien, même si on imagine facilement les raisons de l’insistance du vieux renard politique qu’était le chef du PRO. Son système faisait de ses conseillers et de tous ceux qui y participaient des complices. Il s’assurait ainsi leur silence. Ils ne pouvaient le dénoncer sans se dénoncer eux-mêmes. La tactique a servi aussi auprès des députés des circonscriptions de Laval qu’il a soudoyés ou tenté de soudoyer.
Me Jean Bertrand a tenté de minimiser ses gestes et ceux des conseillers par le contexte politique. C’était, selon lui, la culture de l’époque. Tout le monde le faisait, à commencer par le Parti québécois. Il a aussi dit des conseillers municipaux servant de prête-noms que « c’est du bon monde, du monde honnête ». Vraiment ? Il y a quelque chose d’honorable à chercher à protéger ses comparses, mais les enquêteurs de la commission Charbonneau et ceux de l’UPAC nous diront jusqu’à quel point il y eut parmi les personnes mêlées à ce vaste complot des gens naïfs, aveugles et sourds. Il faudra d’ailleurs obtenir un jour des explications crédibles de la part des autorités gouvernementales, notamment du Directeur général des élections, quant à leur inaction pendant tant d’années.
La mise sous tutelle de l’administration lavalloise fera en sorte de laisser à l’actuel conseil la gestion des affaires courantes. Même si le maire et les conseillers auront les mains liées, il n’est pas rassurant de savoir qu’ils demeureront en poste jusqu’aux élections de novembre. Sachant ce que l’on sait aujourd’hui, le lien de confiance est rompu.
Tous ceux qui ont participé au système Vaillancourt n’ont plus leur place à l’hôtel de ville de Laval. Ils devraient le comprendre d’eux-mêmes et ne pas chercher à se faire réélire par respect envers les Lavallois. Alexandre Duplessis a indiqué qu’il réfléchissait. Il est urgent que tous le fassent, car pour rétablir la confiance dans l’institution municipale, il faut des hommes et des femmes nouveaux dont on ne saurait douter du sens moral.
Crise à l’hôtel de ville de Laval
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