Quand les Québécois prennent leurs politiciens en grippe

Chronique de Louis Lapointe

Selon un sondage Léger Marketing réalisé pour le Journal de Montréal, 43 % des Québécois n'ont pas l'intention de se faire vacciner contre la grippe A (H1N1), 32 % ont l'intention de le faire, alors que 25 % sont toujours indécis. 41 % disent craindre de subir des effets secondaires néfastes. Malgré ne nombreux efforts, les autorités publiques ne réussissent toujours pas à les convaincre de le faire. Étonnamment, ces chiffres ressemblent à s’y méprendre au taux d’abstention des Québécois à la dernière élection provinciale.

Même Amir Khadir a été appelé à la rescousse devant les caméras de la télévision de la SRC afin de tenter de rassurer les Québécois et de les encourager à se faire vacciner, tout comme Richard Bergeron a demandé au bon juge Gomery d’agir comme caution morale pour son parti Projet Montréal.

Est-ce qu’on peut avoir confiance en un politicien qui profite de la tribune qu’on lui offre pour livrer un message d’intérêt public afin d’inciter les Montréalais à voter pour un candidat à la mairie, comme Amir Khadir l'a fait hier lorsqu'il leur a demandé de voter pour Richard Bergeron? Est-il moral de mêler la politique partisane et une grave question de santé publique, risquant ainsi de perdre ce capital de crédibilité qu’on utilise justement pour inciter la population à se faire vacciner?
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De la même façon, peut-on croire en la crédibilité d'un ancien juge qui a tout fait ce qu'il ne fallait pas faire pour que les vrais responsables du scandale des commandites puissent se disculper devant une autre instance en raison de son évidente partialité?
Est-il crédible lorsqu’il demande une enquête sur la collusion dans l’octroi de contrat dans le monde municipal tandis que le monde juridique souffre lui-même de semblables problèmes lorsqu’il s’agit de nommer des juges de juridiction supérieure, les indépendantistes étant systématiquement exclus des processus de nomination, alors que les accointances avec le parti au pouvoir sont déterminantes dans la sélection de candidats?
Les nominations partisanes de juges ne sont-t-elles pas elles aussi le résultat d’une certaine forme de collusion ? Voilà pourquoi, malgré toutes ses bonnes intentions, l’ancien juge Gomery ne peut pas être considéré comme un porteur crédible d'une solution à la collusion.
Je l’ai écrit à plusieurs reprises dans mes chroniques. J’ai toujours pensé que la commission d’enquête sur les commandites avait raté sa cible, tout comme celle sur le viaduc de la Concorde. Il en ira probablement de même avec celle sur la corruption dans l’industrie de la construction qui s'annonce.
L’embauche de Bernard Roy comme procureur de la commission Gomery, un ancien bras droit de Bryan Mulroney, et l’étonnant comportement du juge Gomery à l’endroit de Jean Chrétien et de Jean Pelletier peuvent difficilement être conciliés avec l’objectif de la commission qui était de désigner les principaux responsables du scandale. Comme disait mon grand-père, on ne montre pas à un vieux singe à faire des grimaces.
À cause de ce genre de manigances, les Québécois ne croient pas plus leurs dirigeants que ces anciens juges qui se présentent comme des sauveurs. Que ce soit les commandites, les rémunérations secrètes ou la corruption dans l’octroi de contrat, pour un nombre grandissant de Québécois, les politiciens sont les premiers responsables de tous ces scandales, alors que les hauts fonctionnaires sont considérés comme leurs complices en raison de leur silence, peu importe qu’ils aient participé aux méfaits.
Si les honnêtes gens préfèrent se tourner vers les journalistes plutôt que vers la police lorsqu’ils sont témoins de corruption, c’est probablement parce qu’ils ont peur de perdre leur emploi s’ils révèlent la vérité aux autorités. Comment avoir confiance à cette même police qui a assisté béatement au vol de milliers de contribuables pendant près de 18 mois avant d’appréhender Vincent Lacroix dans l’affaire Norbourg ? Quand le gouvernement nous affirme vouloir laisser les policiers faire leur travail, nous comprenons tous qu’ils ne cherchent qu’à gagner du temps!
À l’heure où tout le Québec s’émeut parce que Benoît Labonté aurait reçu 200,000$ en contributions légales et qu’on demande au gouvernement de déclencher une enquête sur la collusion qui vicie l'octroi de contrats dans le monde municipal, comment se fait-il que personne n’ait eu l’idée de faire un parallèle entre la rémunération secrète que Jean Charest a cachée pendant presque 10 ans et les contributions qu’a reçues Benoît Labonté, en apparence légales, mais tout aussi immorales parce que tenues secrètes? Comment ne pas douter que ce soit de là que proviennent les réticences du gouvernement à déclencher une enquête publique élargie sur la corruption dans l’octroi de contrats publics?
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Alors, quand les mêmes autorités gouvernementales encouragent les Québécois à se faire vacciner, il n’est pas étonnant que ceux qui sont réticents à le faire soient devenus aussi nombreux que ceux qui ne vont plus voter.
Même si Jean Charest se faisait vacciner devant les caméras de télévision pour inciter les Québécois à le faire eux-même, je suis sûr que cela ne changerait absolument rien au comportement de ceux qui hésitent, tellement ils sont habitués de le voir leur cacher la vérité. Comment pourraient-ils le croire?
Voilà ce qui arrive lorsqu'un chef d’État abaisse constamment les standards éthiques de son gouvernement pour les adapter aux situations que vivent les membres de son cabinet ministériel, il n'a plus aucune autorité morale!

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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