BERNARD DRAINVILLE

Que de rancoeur, Monsieur Bouchard!

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Hargne pour les uns, rancoeur pour les autres... La vraie nature de Gérard «Diafoirus» Bouchard

Mardi, dans une lettre, Gérard Bouchard a demandé la démission de Bernard Drainville. N’eût été la démission de Pauline Marois, le soir de l’élection, la même demande aurait été faite à son endroit, laissait entendre M. Bouchard.

Que leur reproche-t-il ? En fait, tout un réquisitoire ! J’en dresse ici la liste: « Rôle plutôt sinistre qu’y a joué le tandem Marois-Drainville […] intolérance, hypocrisie, amateurisme, démagogie […] manoeuvres duplessistes […] Ils ont discrédité l’ensemble du politique […] opérations déshonorantes […] imbécillité […] malhonnêteté […] violation du droit […] abus de confiance […] déclarations incendiaires et mensongères pour dresser la majorité contre les minorités et les immigrants […] rôle de premiers plans dans l’affaire des faux avis […] tant que ce personnage restera associé au PQ, l’ombre qui l’enveloppe présentement se perpétuera. » En fait, M.Bouchard, par cette diatribe, diabolise carrément Bernard Drainville et il demande qu’il monte sur le bûcher de la démission. C’est excessif !

En effet, Monsieur Bouchard, que faites-vous de l’appui qu’il a reçu des électeurs de sa circonscription ? Sont-ce des imbéciles ? Que faites-vous des 60 % de Québécois (70 % de francophones et 30 % parmi les minorités) qui appuyaient la charte ? Sont-ce aussi des imbéciles incapables de jugement ? Vous mettez le pied lourdement et agressivement sur le dos de quelqu’un qui est déjà par terre — et pas à peu près — pour toutes sortes de raisons.

Je suis triste à la suite de votre texte, car le Québec a vécu pendant six mois un vrai débat de société comme peu de sociétés osent se le permettre. Un débat des plus démocratiques sur des enjeux sensibles. Déjà, lancer ce débat prenait du courage. Bien que, personnellement, je n’étais pas d’accord avec l’interdiction des signes religieux, en particulier l’article 5 de la charte, j’estime que M. Drainville a plutôt invité au respect et à la modération tout en suscitant le débat.

Comme chacun sait, il avait même jugé prudent de ne pas se présenter à un débat à l’Université Concordia, car il avait eu vent qu’on l’attendait avec une brique et un fanal. Et pour cause peut-être ! En effet, il s’est révélé plus tard en commission parlementaire, le 23 janvier dernier, que cette université accueillait dans ses classes des étudiantes portant le niqab, ceci au nom du respect de la liberté de religion. J’ai vu Françoise David s’en offusquer fortement et Bernard Drainville poser avec calme la question suivante aux représentants de Concordia : cela ne vous pose pas un problème quant à l’égalité hommes-femmes ? Et la réponse fut : « On n’a pas eu de plaintes. » J’étais là et j’ai constaté, à la suite de cette révélation, un très grand malaise dans cet auditoire de députés et de participants.

Je cite ce fait, car si l’on peut reprocher quelque chose à Bernard Drainville, c’est de ne pas avoir su définir clairement la problématique qui a amené son gouvernement à proposer une charte de la laïcité ; puis des valeurs, puis des valeurs de neutralité, etc. Il a de plus défendu un modèle de laïcité classique à la française, un modèle plutôt passéiste, étranger à nos moeurs, mais dont nos laïques bien-pensants québécois sont incapables de sortir. Et ils sont nombreux au Parti québécois, et influents. Il était incapable aussi de dire, par exemple, s’il y avait un juge au Québec qui portait la kippa au tribunal ou combien de musulmanes portent le voile dans la fonction publique. En fait, son problème a été son incapacité à définir clairement le problème. Je ne pense toutefois pas qu’il mérite le bûcher de la démission pour cela.

Malaise

Je pense, au contraire, que le problème n’est pas définissable clairement, car il s’agit plutôt effectivement d’un malaise — et d’un grand — que ressentent bien une majorité de Québécois. Dès le départ, les multiculturalistes (Charles Taylor, Justin Trudeau, Thomas Mulcair, etc.), au nom de la Charte canadienne des droits, ont culpabilisé le porteur du projet et les partisans de la laïcité de vouloir en parler. Ce fut de leur part un déni du malaise. Certains médias et les libéraux « couillardistes » ont poursuivi dans le même sens quand, pendant la campagne électorale, ils ont ridiculisé Janette Bertrand qui exprima ce même malaise en citant un exemple de femmes non bienvenues dans une piscine : « Ça gruge… petit à petit, il faut faire quelque chose, dès maintenant, avant qu’il ne soit trop tard. »

En terminant, Monsieur Bouchard, ce malaise, on doit en parler. Ou plutôt recommencer à en parler. Je comptais sur vous, en fait, pour relancer ce débat qui s’est malheureusement perdu dans la soupe électorale. Je me dis aujourd’hui qu’au fond, il est peut-être bien que vous ayez exprimé toute cette rancoeur. Vous aviez peut-être des raisons que je ne connais pas. Mais une fois cela fait, peut-être serez-vous disponible d’esprit et de coeur, avec d’autres que vous pourriez inviter, pour contribuer à titre de citoyens à réconcilier les Québécois en les aidant à mieux définir le malaise, le problème et les pistes de solutions pour y remédier.

Pour avoir beaucoup réfléchi et écrit au sujet de la laïcité, même si j’ai été peu publié, personnellement, je définirais ce malaise de la façon suivante : le problème avec la liberté de religion, c’est que de plus en plus, dans le monde, on constate que la religion est en train d’empoisonner la liberté — on pourrait aller jusqu’à penser à ces 200 jeunes filles kidnappées au Nigeria et vendues 12 $ pièce, au nom d’Allah, par le groupe islamiste Boko Haram — et que les Québécois veulent empêcher cela d’abord chez eux, et le combattre à l’extérieur. Parce que la religion, on connaît ça ! Mais il reste à trouver la bonne façon. Pouvons-nous encore, pour cela, compter sur vous, Monsieur Bouchard ?


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