Québec - Ces couleuvres qui attendent les Libéraux

Et le meilleur reste à venir

Québec – En ce début de mandat, le gouvernement Marois, dont les premiers pas ont été marqués par le cafouillage sur la taxe santé, a pris de l’aplomb avec l’ouverture de la session parlementaire. Il a déposé trois projets de loi reliés plus ou moins directement au thème porteur de l’intégrité - sur la probité des entreprises qui obtiennent des contrats publics, sur le financement des partis et sur les élections à date fixe. L’opposition officielle est en porte-à-faux, incapable de s’opposer à ces mesures « tarte aux pommes » sans se discréditer. Le pire est à venir : les libéraux risquent de perdre la face lors du vote sur le budget, gracieuseté de la Coalition avenir Québec.
Bien des éléments du projet de loi sur le financement des partis politiques, présenté par le ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, Bernard Drainville, déplaisent souverainement aux libéraux. Mais vous ne les entendrez pas le dire haut et fort. Il fallait voir le porte-parole libéral en la matière, Robert Dutil, y mettre les formes pour exprimer ses réserves lors de son point de presse mardi.
Par exemple, il s’oppose à l’abolition complète du crédit d’impôt auquel donnent droit les dons aux partis politiques sans qu’il soit remplacé par une forme ou une autre d’avantage pour le contributeur. Il a aussi des réserves sur la limite de 100 $ fixée pour les dons : il a dit compatir avec les nouveaux partis, ceux qui n’ont pas connu le test d’une élection. Ces partis n’auraient pas droit au financement public en vertu du projet de loi et verraient leur capacité de recueillir des fonds grandement amoindrie.
Une fois n’est pas coutume, mais sur ce point, Québec solidaire fait tandem avec le Parti libéral. Les solidaires craignent que cette limite défavorise les petits partis, qui ne peuvent vivre que d’amour et d’eau fraîche, même à gauche.
Robert Dutil a aussi mentionné que le financement public, basé sur le versement aux partis d’une somme pour chacun de leurs électeurs - elle est fixée à 85 ¢ au Québec et serait portée à 1,67 $ -, n’est pas un financement volontaire. Même les électeurs qui n’ont pas voté y vont de leur contribution. « On n’a pas donné une véritable chance à un financement populaire », a-t-il soutenu.
Quand elle était au pouvoir, la députation libérale affichait un esprit de corps sans faille. Mais maintenant que ses membres sont sur les banquettes de l’opposition, cette belle unanimité s’est effritée. Les candidats à la chefferie libérale ont des positions divergentes au sujet du financement des partis : Raymond Bachand, qui jugeait que la limite actuelle de 1000 $ était adéquate jusqu’à tout récemment, vient de se faire l’apôtre d’une limite de 200 $; Philippe Couillard a dit croire qu’elle devait être abaissée à moins de 500 $; Pierre Moreau, pour sa part, soutient que c’est aux militants libéraux de décider. Lui-même souligne le caractère antidémocratique du financement public.
Même cacophonie pour des élections à date fixe : Philippe Couillard est pour ; Pierre Moreau est contre ; Raymond Bachand est muet. Le chef libéral par intérim, Jean-Marc Fournier, de son côté, ne sait plus sur quel pied danser.
De toute manière, c’est un sujet à éviter pour les libéraux. On ne peut pas parler d’élections à date fixe sans se rappeler que Jean Charest a déclenché des élections en plein été pour éviter la reprise des audiences de la commission Charbonneau.
Pendant la période de questions à l’Assemblée nationale, l’opposition libérale a tenté de renouer avec l’esprit du « rat pack » des beaux jours, alors que Jean-Marc Fournier, Pierre Paradis et Thomas Mulcair prenaient un malin plaisir à enquiquiner le gouvernement péquiste.
Mercredi, les libéraux ont réussi à faire mal paraître le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie, Pierre Duchesne. Ils ont brandi une lettre envoyée au Conseil supérieur de l’éducation dans laquelle le ministre maintenait le gel des droits de scolarité pour l’année 2013-2014, comme si la décision du gouvernement était prise avant même la tenue du Sommet sur l’enseignement supérieur. Ce n’était qu’une lettre technique qui ne visait que les droits des étudiants canadiens étrangers, mais le mal était fait. Les libéraux ont fait mouche, d’autant plus que Pierre Duchesne n’a rien fait pour dissiper l’impression que son lit était fait et qu’il était le ministre non seulement du dialogue, mais du gel.
Lorsque l’opposition libérale aborde des questions qui touchent à l’éthique et à l’intégrité, les choses se gâtent cependant. Lise Thériault, la porte-parole en matière d’éthique et de déontologie, s’en est prise jeudi à André Lavallée, le bras droit de Jean-François Lisée pour la métropole, cherchant à soulever des doutes sur la probité de ce haut fonctionnaire qui a été un allié du maire Gérald Tremblay et membre du conseil municipal de Montréal et de son comité exécutif. Mais ce faisant, elle « beurrait » le maire, un libéral - a-t-elle rappelé -, qu’elle cherchait pourtant à défendre, et les autres membres du comité exécutif et du conseil municipal, dont on peut croire que certains d’entre eux sont honnêtes.
Avec cette première question posée à Jean-François Lisée à l’Assemblée nationale, Lise Thériault a permis à cet « omniministre » - une expression inventée par Antoine Robitaille - de se mettre en valeur une fois de plus. Pour lui, les libéraux sont « en déni » et il s’étonne qu’ils n’aient pas la moindre gêne à poser des questions sur la collusion et la corruption. Il est vrai que, dès que le sujet de la corruption revient sur le tapis, c’est que la crédibilité des libéraux n’est pas à son zénith, eux qui soutenaient dur comme fer qu’une commission d’enquête était inutile, voire nuisible.
La fin de la session sera consacrée aux débats sur le budget, suivis par un vote dont dépendra la survie du gouvernement minoritaire. En pareille circonstance, c’est l’opposition officielle qui déchire sa chemise et vote contre le budget, tandis que le tiers parti appuie le gouvernement. C’est ce que le Parti québécois a fait en 2007 pour le gouvernement minoritaire de Jean Charest. Mais voilà, la CAQ s’oppose à toute hausse d’impôt et votera contre le budget. Raymond Bachand a annoncé qu’il votera contre aussi mais qu’au moment du vote, les libéraux ne seront pas en nombre suffisant pour défaire le gouvernement. Une telle situation est toujours humiliante pour une opposition officielle. Les libéraux en seront quittes pour avaler les couleuvres, comme l’a si justement formulé François Legault.


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