Il suffit d’évoquer la disparition rapide du patrimoine bâti, le déclin du français, l’état de nos archives ou la pénurie d’enseignants pour comprendre que le Québec fait face à un point de rupture dans la transmission de sa culture vers la génération suivante, au point où on pourrait assister à la disparition de pans entiers de notre mémoire collective.
La Coalition pour l’histoire, ses partenaires et ses sympathisants comptent profiter de la campagne électorale pour alerter les partis politiques au sujet des carences du bagage culturel des jeunes Québécois. Depuis 2009, la Coalition pour l’histoire a ainsi mis de l’avant une série de propositions ciblant les problèmes les plus criants en matière d’enseignement de l’histoire, du primaire jusqu’à l’université.
Alors que l’éducation et la culture sont les parents pauvres de la présente campagne électorale, nous tenons à rappeler à tous les partis politiques auxquels nous lançons un appel que la connaissance de notre passé et la transmission d’une mémoire commune doivent être une priorité nationale.
Enseigner, étudier, promouvoir
Au niveau de l’école primaire, la Coalition constate que l’histoire n’est abordée que de manière lacunaire, sans partir du cadre de vie de l’écolier. Il nous apparaît urgent d’initier l’enfant à l’histoire locale et régionale ainsi qu’aux grandes figures historiques fondatrices de son milieu pour qu’il puisse en repérer les traces dans son environnement.
Dans le contexte de la grave pénurie d’enseignants, qui menace tout particulièrement la transmission d’une culture historique étayée, nous relevons une grande incohérence, au secondaire, des personnes sans formation universitaire qui sont embauchées, alors qu’on refuse toujours l’accès à la profession à des diplômés qualifiés dans l’une ou l’autre des matières enseignées au secondaire. La Coalition pour l’histoire implore donc à nouveau le ministère de l’Éducation d’assouplir les règles d’accès à la profession pour permettre aux candidats qui disposent déjà d’un diplôme universitaire en histoire ou en géographie d’être embauchés dans une école secondaire, moyennant une formation d’appoint d’un an en pédagogie, laquelle serait assortie d’un stage en milieu d’enseignement.
Non seulement les facultés d’éducation ne produisent pas suffisamment de finissants, mais en plus, la formation en histoire qui est dispensée aux futurs enseignants présente de graves lacunes. La part du lion des cours offerts porte sur la didactique, la psychopédagogie et la science de l’éducation. Seul le tiers des cours reçus porte sur la matière qu’ils auront à enseigner toute leur carrière, en l’occurrence l’histoire et la géographie. Dans certaines universités, les futurs enseignants n’auront suivi que deux cours (90 heures) sur l’histoire du Québec et du Canada, une matière qu’ils enseigneront, pour certains, pendant toute leur carrière…
Une telle situation est absurde ! La Coalition pour l’histoire recommande qu’au moins la moitié des cours donnés aux futurs enseignants portent directement sur la matière qu’ils auront à enseigner.
Au cégep, les connaissances des élèves québécois demeurent lacunaires sur leur passé, en particulier sur l’histoire du Québec depuis 1960. Or, le cégep constitue une étape de vie essentielle aux jeunes adultes qui sont rattrapés par une foule de réalités nouvelles : exercer leur droit de vote, participer à des mouvements sociaux et prendre des décisions qui engagent l’avenir du Québec. À l’heure actuelle, nulle part la formation générale collégiale ne prépare les jeunes à saisir l’évolution récente du Québec et à pouvoir s’y inscrire. La Coalition juge donc qu’il est grand temps qu’on implante un cours d’histoire du Québec contemporain dans la formation générale commune au cégep, de sorte que les finissants soient initiés aux défis du Québec actuel et puissent y jouer un rôle aussi actif que positif.
Chaque année, le gouvernement du Canada déverse au Québec quelque 100 millions de dollars dans des chaires de recherche universitaires dont les objectifs idéologiques sont guidés par le gouvernement fédéral. Le Québec, qui est le maître d’oeuvre en matière d’éducation, doit investir les champs de recherche qui concernent notre histoire et qui sont actuellement laissés en friche.
La Coalition pour l’histoire salue la promesse faite par la Coalition avenir Québec dans le cadre de la présente campagne électorale, qui s’engage à créer 20 nouvelles chaires de recherche pour étudier le Québec. Nous demandons que de ce nombre, quatre chaires soutiennent la recherche universitaire en histoire du Québec. Celles-ci seraient également invitées à collaborer avec les musées et les sociétés d’histoire déjà engagés dans la promotion de notre histoire nationale.
Plus de matière grise que de billets verts
Après l’école, la culture historique s’acquiert notamment par le biais du petit et du grand écran. La Coalition pour l’histoire est donc d’avis que la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) crée un programme particulier visant à soutenir financièrement le cinéma et les séries historiques de qualité portant sur le Québec, autant en fiction qu’en documentaire.
S’il est un lieu où la mémoire collective est en péril, c’est bien dans la préservation des archives, dont la disparition causerait un tort irréparable au patrimoine québécois. La Coalition pour l’histoire considère comme urgent que les Archives nationales (BAnQ), les services d’archives privées agréés, ainsi que les archives des communautés religieuses du Québec reçoivent de l’État québécois les moyens et les ressources financières et matérielles suffisants afin de remplir leurs mandats, actuels et futurs.
Plus généralement, la Coalition pour l’histoire constate que, presque chaque jour, l’actualité illustre les inconvénients de ne pas disposer au Québec d’une politique des commémorations. Quelle personnalité doit faire l’objet de funérailles nationales ? Qui doit intervenir lorsqu’un trésor architectural est menacé ? Afin d’éviter l’improvisation et la politisation en ce domaine, la Coalition pour l’histoire réitère sa demande à savoir que le gouvernement du Québec se dote enfin d’une politique nationale des commémorations qui balise à l’avance les règles en matière de commémorations et de protocole et qu’il répartisse les responsabilités entre les partenaires.
À notre avis, toutes ces propositions requièrent bien plus de matière grise que de billets verts. Les soussignés invitent les partis politiques à favoriser leur mise en oeuvre. Il en va de notre mémoire et donc de notre avenir collectif !
*Ont aussi signé ce texte:
• Stéphanie Beaupied, présidente de l’Association des professeures et des professeurs d’histoire des collèges du Québec
• Marie-Anne Alepin, présidente générale, Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal
• Raymond Bédard, président de la Société des professeurs d’histoire du Québec
• Myriam D’Arcy, directrice générale de la Fondation Lionel-Groulx
• Thérèse David, présidente du Mouvement national des Québécoises et Québécois
• Jacques Girard, président de la Fondation Lionel-Groulx
• Laurent Lamontagne, membre fondateur de la Coalition pour l’histoire et chargé de cours à l’UQAM et à l’UQTR
• Robert Laplante, directeur de L’Action nationale
• Josiane Lavallée, présidente de Fondation Maurice-Séguin
• Mario Robert, président de la Société historique de Montréal
• Jocelyn Saint-Pierre, président de la Société du patrimoine politique du Québec
• Alex Tremblay Lamarche, président de la Société historique de Québec
• Jean-Louis Vallée, historien et président de la Fédération Histoire Québec