Reconnaissance de la nation québécoise : maintenant, la citoyenneté

La nation québécoise vue du Canada




La nation québécoise progresse dans son cheminement vers l'autodétermination. Elle s'était déjà explicitement reconnue comme nation, avec le droit à l'autonomie démocratique que cela implique, en déclarant son Assemblée une Assemblée nationale, dans les années 1960. Cette conscience de soi avait été explicitée par une déclaration unanime de l'Assemblée nationale du Québec au début des années 2000 : le Québec forme une nation.
Par définition, il s'agit là d'une nation républicaine, c'est-à-dire un ensemble politique et culturel attaché à son autonomie, à sa solidarité et à sa durée, et l'accusation de nationalisme ethnique tombe à plat pour une telle volonté de vivre-ensemble démocratique. Pour que nationalisme ethnique il y ait, il faudrait que ce soit la nation canadienne-française qu'on reconnaisse - et encore, ce nationalisme-là était celui d'une lutte culturelle. Nous avons renoué avec le nationalisme politique des Patriotes qui voulaient l'autodétermination du Bas-Canada, en assumant l'identité québécoise, il y a longtemps déjà.
Cette réalité vieille de plus de 40 ans commence donc à être admise comme une réalité par le Canada anglais. Pourquoi ? Parce que la détermination québécoise a tenu bon, parce que les partis souverainistes sont là, qui font échapper les élus québécois aux logiques de soumission à des directives de partis pancanadiens dont la résultante était mathématiquement défavorable au Québec.
Il faut tirer parti des pas que nous faisons en continuant d'avancer. La reconnaissance d'une nation québécoise n'est que vaine parole si elle ne signifie rien en termes de pouvoirs d'autodétermination.
Prenons le cas de l'immigration. La nation québécoise, comme ses voisines, croît désormais par l'immigration. Comme ailleurs en Occident, mais peut-être plus qu'ailleurs, il est impératif qu'elle réussisse l'intégration de ses nouveaux citoyens.
Or, le Québec ne contrôle pas toute sa politique d'immigration. Trop de pans cruciaux de cette politique sont entre les mains d'Ottawa, de la nation canadienne-anglaise. Ainsi, même si le Québec a son propre modèle (Cf. Guillaume Rousseau, La nation à l'épreuve de l'immigration), l'interculturalisme, distinct du multiculturalisme, il n'est pas à l'abri de jugements de la Cour suprême qui lui applique une Constitution qu'il n'a pas signée. Elle lui impose les principes du multiculturalisme, comme dans l'affaire du kirpan, où le kirpan ne doit pas être considéré comme une arme par les écoles québécoises, à la différence de la Cour suprême où il est interdit... en tant que couteau ! Une farce. La Cour suprême impose donc au Québec le multiculturalisme qui n'est pas son modèle, en contradiction avec sa tradition de droit civil et surtout avec son droit d'autodétermination en matières d'éducation et d'immigration (reconnues dès 1867, elles devraient l'être bien plus aujourd'hui), domaines primordiaux pour la perpétuation de la nation. Et les Québécois ne veulent pas du multiculturalisme que leur impose la Cour suprême sans légitimité démocratique à une nation reconnue qui n'a pas agréé cette loi.
Pour en finir avec le multiculturalisme, il faut la citoyenneté québécoise, laquelle ridiculisera du même chef toutes les accusations de nationalisme ethnique et démontrera aux Québécois de toutes origines et à leurs voisins, le caractère républicain de l'identité québécoise et de la lutte d'émancipation nationale québécoise.
Le Québec s'est donné deux Chartes qui incarnent, de façon minimale mais tout de même, ses valeurs démocratiques et culturelles. Mais il ne peut, pour l'instant, gérer son immigration correctement en s'assurant que les nouveaux citoyens québécois adhèrent à ces principes fondamentaux. Ainsi, Ottawa décerne toujours la citoyenneté, la cérémonie peut se faire en anglais, fait prêter serment à la reine d'Angleterre et non à la nation québécoise, demande une connaissance du Canada et non du Québec.
C'est inacceptable pour l'avenir de la démocratie québécoise qui exige une forme de solidarité québécoise, d'adhésion des citoyens à la nation québécoise, comme pour la perpétuation de sa culture unique en Amérique du Nord, qui exige un message clair que le français est impératif pour s'intégrer à la nation et devenir citoyen québécois. Or, dans une véritable Confédération comme la Suisse, ce sont les États-membres, reconnus souverains, qui maîtrisent la citoyenneté. Qui immigre dans la République du Canton de Genève, doit devenir citoyen genevois pour être citoyen de la confédération helvétique : ce n'est pas le fédéral qui contrôle cette prérogative pour les Cantons qui veulent préserver leur souveraineté en la matière.
Cette compétence est encore plus vitale pour la nation québécoise dans le contexte géographique qui est le sien, que pour la République de Genève. La nation québécoise reconnue, il faudra bien lui reconnaître le droit de se perpétuer, et le droit de s'en donner les moyens. Pour être conséquents et travailler à notre avenir, les patriotes québécois doivent maintenant passer à l'instauration d'une citoyenneté québécoise. Cette consolidation permettra à la nation québécoise de faire un pas de plus, et décisif, vers l'autodétermination et dans la lutte au travail de sape de l'identification au Québec.
Pour consolider notre nation, l'appartenance de tous ses citoyens doit être explicitée dans un document officiel, certificat de citoyenneté québécoise. Pour le bien de la nation québécoise, la vitalité de sa démocratie, la perpétuation de sa culture, la réussite de sa politique d'immigration, exigeons et instaurons, par l'Assemblée nationale, la citoyenneté québécoise.

Charles Courtois, Montréal

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Charles-Philippe Courtois est docteur en histoire et chercheur postdoctoral à la Chaire de recherche en rhétorique de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Il prépare la publication de La Conquête: une anthologie (Typo, automne 2009).





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