Rentrée très houleuse à Québec

Jean Charest dénonce les «subterfuges» ayant mené à l'élection du péquiste François Gendron à la présidence de l'Assemblée nationale

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Élection Québec - 8 décembre 2008

Québec -- Appuyé par les parlementaires des deux partis d'opposition, le député d'Abitibi-Ouest, François Gendron, a été élu, hier, président de l'Assemblée nationale sous les accusations de «subterfuges» et de «bris de la parole donnée» proférées par le premier ministre Jean Charest.
Au cours d'une journée houleuse où plusieurs députés libéraux et ministres ont exprimé leur indignation, l'Assemblée nationale a tenu un scrutin secret pour départager les deux doyens de l'institution: le libéral Yvon Vallières, élu pour la première fois en 1973 mais qui a été battu en 1976 pour ensuite se faire réélire en 1981 et dans les élections subséquentes, et François Gendron, élu sans interruption depuis 1976. Seul le nom du candidat victorieux a été dévoilé; le décompte n'a pas été rendu public, comme le veut le règlement.
Les députés des trois partis ont voté en principe selon la ligne de leur parti: tous les libéraux pour M. Vallières, d'une part, et adéquistes et péquistes ensemble pour M. Gendron.
À la suite du vote, Jean Charest a refusé d'escorter François Gendron, de son siège de député à celui de président, avec les chefs de l'opposition. Il s'est contenté de serrer la main du candidat victorieux. Le premier ministre rompait ainsi avec une tradition du système parlementaire britannique, a souligné le whip du Parti québécois, Stéphane Bédard. Le nouveau président et les trois chefs de parti ont ensuite pris la parole à l'Assemblée nationale. Jean Charest ne s'est pas adressé aux députés le premier, comme c'était sa prérogative; il a préféré conclure.
Le premier ministre a évoqué la tradition parlementaire du Québec, qui remonte à 1792, année de la création du Parlement du Bas-Canada. «L'absence de consultation avec les principaux partis politiques représentés à l'Assemblée nationale est en rupture avec 216 ans de tradition parlementaire. Et je ne connais aucun autre Parlement de tradition britannique où un président a été élu -- envoyé au fauteuil -- sans qu'il y ait préalablement une consultation avec le gouvernement», a affirmé M. Charest.
Les parlementaires du gouvernement, à commencer par son leader parlementaire Jean-Marc Fournier, ont été pris de court en apprenant lundi que le candidat adéquiste, Marc Picard, et le candidat péquiste, Maxime Arseneau, s'étaient désistés pour laisser le champ libre à François Gendron, un choix acceptable pour les députés adéquistes. N'eût été ce changement de dernière minute, les députés péquistes, après avoir voté pour M. Arseneau au premier tour, auraient voté pour M. Vallières au deuxième, a-t-on indiqué au cabinet de la chef du PQ, Pauline Marois.
Soulignant que ni lui ni son leader n'avaient jamais été informés avant lundi de ce qui se tramait, Jean Charest a parlé «d'une malheureuse intrigue». Devant les députés de l'Assemblée nationale, il a accusé François Gendron d'avoir «joué de subterfuges» pour occuper le siège du président, d'avoir «caché» sa candidature.
Assez comiquement, François Gendron a dû intervenir à titre de président et invoquer le règlement: l'imputation de motifs à un député. «Ça commence mal», a-t-il lancé du haut de sa tribune nouvellement acquise. «On se calme.» Puis, singulièrement, le président a défendu sa propre cause, niant qu'il avait caché sa candidature et assurant qu'il avait respecté les règles.
«Cette manoeuvre est un bris de confiance contraire à l'esprit de cohabitation», a répliqué le premier ministre. Malgré cet accroc, Jean Charest n'a pas laissé entendre que ce bris de confiance pourrait servir de prétexte au déclenchement d'élections cet automne.
Le chef libéral a aussi cité l'ancienne leader parlementaire du PQ, Diane Lemieux, qui se scandalisait, dans Le Soleil d'hier, de la collusion entre l'ADQ et le PQ. «La chose la plus importante, c'est notre parole», a-t-elle sermonné.
Diane Lemieux a même soutenu que Pauline Marois voulait se débarrasser de M. Gendron comme leader parlementaire «parce qu'il n'est pas bon».
«Voyez ce que la vengeance cultivée pendant au-delà d'un an peut faire», a déclaré François Gendron quelques heures avant son élection.
Dans son discours devant l'Assemblée nationale, François Gendron a rendu hommage aux trois candidats qui «ont mené campagne avec sérieux, expliquant clairement leur position dans les différents caucus». C'est justement ce qu'il n'a pas fait avec les libéraux. Même Mario Dumont a loué «le véritable processus démocratique» qui s'est traduit par des gestes «inédits», soit la présence des candidats dans les caucus des formations opposées.
De son côté, Pauline Marois a salué le fait que le président de l'Assemblée nationale provienne des rangs de l'opposition alors que le gouvernement est minoritaire. «C'est normal, sain et démocratique», a-t-elle dit. Quant à la sortie de Diane Lemieux, Mme Marois s'est contentée, au cours d'un point de presse, de qualifier les propos de l'ancienne leader d'«erronés».
Une source au gouvernement a révélé, hier, que le PQ avait tenté de monnayer son appui à M. Vallières en exigeant de meilleurs budgets pour son whip et son leader parlementaire ainsi qu'une vice-présidence à l'Assemblée. Les libéraux ont refusé. Au PQ, on n'a pas nié que de telles discussions aient eu lieu, mais on a rappelé que ces demandes sont dans le paysage depuis l'élection de 2007.
Hier, plusieurs élus libéraux doutaient que l'on puisse encore faire confiance à leurs homologues de l'opposition. Jean-Marc Fournier n'a pas manqué d'insister sur ce «bris de confiance» qui rendra bien difficile le fonctionnement du gouvernement minoritaire. La ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, a évoqué les discussions qui doivent avoir lieu avec l'opposition sur la situation économique alors qu'il existe «un problème de confiance». Le ministre du Développement économique et de l'Innovation, Raymond Bachand, a rappelé sa longue expérience des négociations d'affaires. «C'est probablement parmi les pires cas que j'ai vus», a-t-il dit en parlant de l'absence de «bonne foi» des deux partis d'opposition. «On parle aux partis d'opposition parce qu'on est minoritaire. Ça complique beaucoup la façon de gérer l'État», estime Raymond Bachand.


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