Réponse à André Savard

Tribune libre

M. Savard,
Je m’excuse, mais là, trop c’est trop.
Qui croyez-vous être ?!

C’est trop facile.
Lorsque vous écrivez :

“ Peu importe leur chef ou le véhicule, les indépendantistes reprochent aux têtes de proue de faillir à leur rôle d’éveilleur de conscience. Celui ou celle qui est en avant trouve difficile d’éclipser toute référence au fait que l’indépendance n’est ni faisable unilatéralement ni négociable, tandis que, derrière, on maintient la pression sous prétexte qu’une quantité suffisante de « conscience » ou de « courage » permet de s’affranchir mentalement. Et les indépendantistes se racontent qu’ils sont dans la liberté des affranchis, avant-poste qui transcende la menace.”

Excusez-moi, mais ces propos sont d’une stupidité achevée. Ce ne sont pas les têtes de proue qui feront l’indépendance, mais les laissez pour contre, les « analphabètes diplômés » que nous sommes, qui la feront. Vous vous prenez pour qui au juste ? Les indépendantistes ne sont pas des affranchis et ne transcendent pas la menace, ils sont au contraire les « écoeurés » de la prétention qu’est la vôtre de mieux savoir qu’eux ce qu’ils devraient penser ou ressentir.
Je me fou du décor choisi par les démissionnaires du Parti Québécois, pas plus qu’il ne m’enchante. Pour moi comme pour plusieurs, ils ne jouent pas un rôle, mais répondent aux attentes que sont les nôtres. Ce ne sont pas eux qui sentent le moisi, mais vous. Nous avons parfaitement compris, nonobstant votre analyse de la situation, que ce ne sont pas eux qui portent un corset, mais vous qui portez celui des bien pensants qui savent mieux que les autres. Rien dans ce qu’ils ont affirmé jusqu’à maintenant ne laisse croire que leur démission rend toutes choses possibles.
Vous y allez plus qu’un peu fort en affirmant que devenir des agitateurs indépendantistes ou patronner des œuvres de charité tient de l’effet Khadir. Comme si jouer on ne sait quel sacré rôle tenait de l’engagement d’un Khadir. L’ingénuité tiendrait davantage de vos propos.
Et faites-moi rire avec votre affirmation qui voudrait que des indépendantistes se racontent toujours qu’un alignement interne au mouvement n’est pas encore prêt à passer à l’action pour cause de mauvaise volonté. Ce n’est certainement pas l’explication en vigueur, et des chroniqueurs comme Josée Legault n’en n‘ont absolument pas fait leur pain, qu’importe le nombre de pouces levés en prime sur Internet.
Les indépendantistes ne se rabattent pas toujours sur ce schéma d’analyse autocritique. Les indépendantistes, comme tous les Québécois d’ailleurs, n’affirment pas que la bride imposée au Québec existe. Et quand arrive l’heure de voter, ils votent en tenant compte de leur conviction et n’ont rien à foutre de la situation à caractère double dans laquelle se trouve le Québec.
Votre récapitulation en deux paragraphes à propos de la situation à caractère double du Québec ne tient pas la route, surtout lorsque vous l’alignez sur les analyses du « grand masturbateur » Claude Ryan quant à son constat sur le mensonge entretenu concernant le choix réel qui s’offrait au Québécois. Votre citation à propos des référendums en tant que légitimation programmée du régime est à vomir et ne saurait être que la démonstration le plus éloquente du qualificatif de « charogne » dont l’affubla Falardeau suite à son décès.
Claude Ryan accusait le caractère double qui plaçait le Québec face à un choix perverti à la base, parce que ça l’arrangeait. Le sophisme voulant que le régime canadien place le Québec dans la position d’un conjoint qui a le droit de demander le divorce tout en se voyant privé du statut de personne morale a fait son temps. La nation québécoise n’est plus depuis belle lurette le membre d’une réunion n’existant en droit qu’en vertu de son intégration à cette réunion. Mettez-vous à date !
Lorsque vous écrivez :
“[…Autant la situation à caractère double a une incidence sur le vote des Québécois, autant il n’est jamais un objet de pensée : le tic-tac d’une horloge muette. Les indépendantistes disent que la conscience politique dépasse les limites imposées par le régime. En effet, diront-ils, à quoi ça sert d’être indépendantiste si c’est pour subordonner le mouvement aux limites du régime qu’on conteste ? Être indépendantiste, c’est briser le moule. Ce n’est pas au régime canadien de décider si, comme Québécois, nous sommes en moyen de choisir, ajoutent-ils”.

Le cas échéant, il est normal que peu importe leur chef ou le véhicule, les indépendantistes reprochent aux têtes de proue de faillir à leur rôle d’éveilleur de conscience. Celui ou celle qui est en avant peut éventuellement trouver qu’il est difficile d’éclipser toute référence au fait que l’indépendance n’est ni faisable unilatéralement ni négociable, mais il est faux de prétendre que derrière, on maintienne la pression sous prétexte qu’une quantité suffisante de « conscience » ou de « courage » permette de s’affranchir mentalement.
Les indépendantistes ne se racontent pas qu’ils disposent de la liberté des affranchis, avant-poste qui transcende la menace. Les appels au « courage » ou à la « conscience politique » ne sont pas un éternel escalier qui permet de disparaître dans le plafond, qu’importe si le gouvernement du Canada se présente comme le régime de la différence. Nous savons parfaitement qu’il ne l’est pas.
Céder au chantage que le peuple absolument pacifique que nous sommes ne le sera plus n’a rien à voir. C’est justement parce que l’Etat canadien a créé en oblique tout un dispositif qui donne un aspect irréel à la ligne de faille entre « étapistes » et « duristes », qui n’est pas plus chère aux indépendantistes que ce que vous prétendez, que nous éclipserons la référence à la situation en croyant nous affranchir en parlant de « conscience » et en répétant que la victoire est au tournant si nous nous affranchissons mentalement.
Les indépendantistes sont capables de voir que ce ne sont pas des complaisances et des préséances accordées à des paresseux qui forment le trait fondamental de leur camp politique. Ils sont capables de voir que loin d’être complaisants, ils disent au contraire toutes les duretés qui leur passent par la tête, « à prendre ou à laisser » et ce, d’ailleurs, depuis toujours.
Nous verrons bien si les députés démissionnaires du Parti Québécois sont capables de se demander s’ils changent la façon de faire de la politique », s’ils sont toujours en guerre contre un hypothétique alignement interne au mouvement indépendantiste. Pour l’heure, je ne vois pas en quoi Louise Beaudoin ne pourrait pas « ramasser des thèmes comme celui de la Constituante ou du scrutin proportionnel », ces derniers étant loin de devenir de nouvelles figures de cet espoir en un sursaut galvanique dont on ne saurait prétendre qu’ils puissent nous dispenser de suivre des étapes.
Je refuse de prétendre mieux savoir que les intéressés ce qu’ils nous proposeront ou ce qui les motive. Plutôt que de spéculer, je préfère écouter. De toute façon, je voterai en accord avec mes convictions, pantin de la liberté ou non.
Claude G. Thompson


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5 commentaires

  • Claude G. Thompson Répondre

    18 juillet 2011

    Petite correction.
    Dans ma réponse à M. Rhéaume, je n'avais pas réalisé que je commettais un lapsus en transformant l'expression "laissé pour compte" en "laissé pour contre". J'avais du reste commis le même lapsus dans ma réponse à M. Savard.
    Je remercie mon ami Luc Archambault de me l'avoir fait remarquer.
    C'est là pour moi un lapsus très révélateur de la mentalité dans laquelle nous avons grandi aussi bien individuellement que nationalement. Nous nageons constamment dans le pour/contre. Plutôt que de regarder objectivement les choses, nous préférons polariser nos débats entre ce sur quoi nous sommes d’accord et ce que nous rejetons. Nous devenons pour/contre sans nous demander ce que nous pourrions faire pour tout simplement réaliser notre rêve de devenir un pays libre et indépendant, sans pour ni contre, juste pour être.
    Nous avons été laissés pour compte, nul ne peut le nier.
    Nous pouvons laisser le Canada sans être « pour ou contre », mais pour notre propre compte. Il nous suffit simplement d’être clairs quant à nos désirs et nos intentions et de poser les gestes qui verront naître notre État.
    Plusieurs propositions nous ont été faites depuis l’appel du 20 mai 2010 et des mouvements comme le RRQ, le RIN, Cap sur l’indépendance, etc., des réflexions comme celles de maître Pierre Cloutier, de M. René Marcel Sauvé, de M. Richard Le Hir, de M. Barberis-Gervais, d’Opération Vigile du samedi réunie autour de M. Luc Archambault aussi bien que la participation de tous les Vigiles sont autant d’appels à l’union de nos forces citoyennes qui ne peuvent qu’éveiller en nous le sentiment que nous ne serons plus jamais des laissés pour compte, que nous sommes un peuple, le peuple souverain du territoire national du Québec. Nous devons travailler à notre union, car elle seule nous sortira des « pour et des contres » pour aller à l’essentiel : METTRE AU MONDE NOTRE ÉTAT.

    Que nous soyons divisés sur la façon de faire l’État est une chose, mais que nous soyons unis quant à la souveraineté du peuple que nous sommes doit constituer la valeur fondatrice de l’État souverain et démocratique que nous voulons voir naître. De cette façon, les divisions feront facilement place à un consensus sur l’union des forces politiques dont la raison d’être et le rôle sont de répondre aux aspirations de la Nation dont les citoyens que nous sommes constituent le corps et l’âme.
    Claude G. Thompson

  • Claude G. Thompson Répondre

    18 juillet 2011

    Monsieur Rhéaume,
    les Québécois ont été laissés pour contre par le Canada et l’histoire nous montre combien leurs tentatives pour nous assimiler ont été nombreuses. Les Acadiens ont été laissés pour contre, les Indiens ont été laissés pour contre, tant de peuples ont été laissés pour contre dans l’histoire universelle que je ne puis que me permettre de vous dire combien vos sophismes ne vous honorent pas.
    Comment peut-on avoir été président de la S.S.J.B. et dire pareille ânerie.
    Oui, M. Cloutier a raison :
    “ […Il n’y a pas de souveraineté véritable de l’État sans souveraineté effective du peuple et il n’y a pas de souveraineté effective du peuple sans souveraineté monétaire…] […Le vrai pouvoir c’est le pouvoir citoyen sur l’État et la souveraineté monétaire. Seules une constituante citoyenne et une constitution rédigée par et pour les citoyens peuvent nous amener à cela…]”
    Les Québécois se préparent à faire comprendre à leurs politiciens qu’ils refusent désormais d’être « laissés pour contre » et vont exiger des résultats.
    Nous avons fini de nous laisser manipuler par des profiteurs, des carriéristes, des politicailleurs, des beaux parleurs, des prétentieux, des intellocrates, des analystes à gages, des scribouilleurs d’idées toutes faites, des bien-pensants repus d’eux-mêmes, des dilettantes de « talk-show », des remplis d’eux-mêmes, des ostraciseurs de la conscience d’autrui, des pourfendeurs de la morale des autres, des semonceurs du droit des autres à avoir une opinion, des admonsteurs de la bonne conscience, des censeurs de la vérité, des dénonciateurs de leurs propres turpitudes, des diagnostiqueurs de tares, des rabougris du pouvoir, des constipés du statu quo…
    Le Québec deviendra un pays avec ou sans eux.
    Un laissé pour contre,
    Claude G. Thompson

  • Pierre Cloutier Répondre

    18 juillet 2011

    [1] Moi, j'en ai une, doctrine politique claire.
    [2] Souveraineté de l'État et souveraineté du peuple.
    [3] Il n'y a pas de souveraineté véritable de l'État sans souveraineté effective du peuple et il n'y a pas de souveraineté effective du peuple sans souveraineté monétaire.
    [4] Mon ami J.C. Pomerleau refuse d'aller au bout de son raisonnement. Il ne s'occupe que la souveraineté de l'État, comme JRM Sauvé. Il en oublie un petit bout pour cautionner le plan Marois sous prétexte d'une grande stratégie géo-politique.
    [5] Il ne répond pas correctement à la question suivante ; Qui contrôle l'État et au profit de qui?
    [6] Réponse : les oligarques de l'Ordre marchand, à qui le peuple a abandonné la création monétaire et leurs complices du pouvoir politique (les élus, y compris Pauline Marois, dont le mari Claude Blanchet est un digne membre de l'oligarchie).
    [7] Donner le contrôle de l'État à Pauline Marois, c'est comme donner le contrôle de l'État au "socialiste" Mitterand et au "travailliste" Tony Blair. C'est changer 4 trente sous pour une piastre. C'est Blanc bonnet et Bonnet blanc.
    [8] Le vrai pouvoir c'est le pouvoir citoyen sur l'État et la souveraineté monétaire. Seule une constituante citoyenne et une constitution rédigée par et pour les citoyens peut nous amener à cela.
    [9] Le reste c'est du bla bla.
    Pierre Cloutier

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    18 juillet 2011

    Vous faite un mauvais procès à M Savard. Il fait seulement le constat que, peut importe ce que la souveraineté soit souhaitable, elle n'est pas réalisable dans les conditions actuelles; et, en fait elle ne l'a jamais été.
    Pour une raison simple: Le changement de statut d'un État ne survient que si le rapport de force est favorable. Or çà n'a jamais été le cas. Et çà risque de demeurer ainsi, tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas fait ce constat élémentaire de la géopolitique, préalable pour ensuite déterminer la stratégie à suivre.
    Ce que je lis du texte de M Savard, c'est que nous sommes piégé par l'histoire (les forces en présences) et j'ajouterais qu'il ne sert à rien de vouloir en mettre la faute sur tout un chacun.
    Le défi actuel du mouvement est celui de se doter d'une doctrine politique claire. Elle ne se bâtit pas sur des élans romantique et des humeurs, mais sur une appréciation correcte et rigoureuse du contexte et de la situation.
    Le temps est court pour y parvenir, lors de la prochaine élection, pour deux raisons: déclins démographique et pillage de notre État, nous serons un peuple face a son destin.

  • Archives de Vigile Répondre

    18 juillet 2011

    J'pense comme monsieur Savard sur plusieurs points.
    Depuis quand les ''laissés pour compte'' font les Révolutions?
    Historiquement cela est absolument faux, hélas.
    On peut bien écrire n'importe quoi dans un débat mais de là à réviser aussi totalement l'Histoire, ya des limites.
    Les ''laissés pour compte'' trop souvent ne vont même pas voter.