À la Fête nationale, le 24 juin, j'ai été ravi de découvrir une Florence K, pure Québécoise mais Québécoise par sa mère et Arabe par son père. De plus, Guy A. Lepage nous soulignait qu'elle parlait six langues, ce que de très nombreux parents québécois souhaiteraient pour leurs enfants. Et j'ai été particulièrement fier de l'entendre saluer en hébreu et en arabe nos concitoyens de ces origines. C'était une manière de clin d'oeil festif et pacifique, en reflet de nos valeurs comme Québécois.
Bravo Florence! Et merci pour ce que vous êtes et aussi de parler français avec autant de fierté et d'élégance. En l'espace d'un soir, tout en chantant du Vigneault magnifiquement, vous avez su être, à votre façon, un chaînon manquant dans l'évolution de l'identité de la nation québécoise. En effet, avec bonheur, je me suis senti ce soir-là, avec vous et grâce à vous, pur Québécois, au-delà de toutes les origines ou, si l'on peut dire, dans une sorte d'état de grâce national.
Mais quelques jours plus tard, dans la section Idées du Devoir du 30 juillet 2009, paraissait le texte d'un jeune homme, Jimmy Lee Gordon, étudiant en Lettres à l'Université McGill. Le titre en était: [«Les dangers du nationalisme»->20957]. Et le coeur du message semblait être le suivant, et je cite: «Il serait peut-être temps que les Québécois de langue française saisissent tout le danger et toute la stupidité du chauvinisme... Je suis un Québécois, un Québécois né au Québec, mais de père américain. Devrais-je me tourmenter parce que je suis un bâtard national?... Suis-je un traître à la "nation" parce que j'aime parler d'autres langues que celui [celle] que notre schizophrénie collective nous oblige à baragouiner? Non, non et non.»
À vrai dire, ce cri de protestation m'a sidéré d'autant plus que M. Gordon décrivait ainsi son état d'âme: «Aujourd'hui, en tant qu'adulte instruit en pleine possession de son jugement, je stagne confortablement dans un bourbier de cynisme et d'indifférence.» Contrairement à Florence K dont l'identité semblait rayonnante, ce jeune homme d'origine mixte tout comme elle, mais dans son cas, à cause de cela, a mal à son identité de Québécois. Et il concluait son texte de cette façon: «Il est temps que le Québec devienne réellement le bastion d'humanité que son histoire et sa population lui permettent d'être; il est temps que le Québec sorte de sa névrose identitaire.» [...]
Des valeurs bien présentes
J'aimerais vous convaincre, Jimmy Lee, que déjà, le Québec est ce bastion d'humanité. Il l'est par ses valeurs qui sont au coeur de son identité, laquelle est plutôt hypersensible que névrotique. Hypersensible en effet, car notre valeur première est la liberté qui accepte comme seules frontières d'abord la fidélité à la langue française, à notre histoire, à notre peuple aux multiples origines, au passé comme au futur, puis le partage nécessaire, dans un esprit d'égalité entre humains, de ce que l'on est et de ce que l'on a.
Je vous dirais, Jimmy Lee, que l'équilibre à maintenir entre ces trois valeurs est le défi permanent des Québécois. Nous y arrivons grâce à notre esprit funambulesque. J'aimerais vous souhaiter cet esprit: c'est celui de Florence K, selon moi, mais aussi celui d'un Guy Laliberté, un homme libre, fidèle à ses origines et qui porte, c'est cela pour moi un pur Québécois, des valeurs à une certaine hauteur, à la hauteur du bon sens (et non sang) supérieur. Et à ce niveau, il n'y a pas de «bâtard national»: croyez-moi, ce serait contraire à nos idéaux comme Québécois.
Quant au nationalisme, il est le carburant d'un peuple et de chacun d'entre nous, il fournit l'énergie nécessaire pour construire du sens, supérieur si possible en ce monde, ce que l'on appelle un destin. Ayant la même fonction que le sucre dans l'organisme, son taux doit être contrôlé et, normalement, c'est le rôle d'une Constitution, ce pancréas que nous n'avons pas, d'où notre hypersensibilité au regard de ce que l'on mange ou de ce que l'on intègre.
C'est une préoccupation légitime, tant que nous ne serons pas un pays, et à ce sujet, nous avançons prudemment, question d'équilibre.
Oui, c'est compréhensible que vous puissiez faire, à l'occasion, non pas bien sûr une hyperglycémie, mais appelons cela, une «hyperlaine». Remarquez qu'en 2006, dans le contexte des accommodements raisonnables, beaucoup de Québécois ont fait en quelque sorte une «hypolaine».
Vous savez, pour l'instant, il n'y a pas de remède à cela, sauf l'acceptation, la compréhension et l'aide des proches et de l'exercice. Je termine donc en vous taquinant un peu mon cher Jimmy Lee, si vous me le permettez: vous êtes un littéraire, alors pourquoi ne pas écrire une chanson, à offrir peut-être à Florence K [...].
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Denis Forcier, Éducateur à la retraite
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