«Voyou», «Dangereux», «Nul», «Grand malade», «Délinquant», «Homme aux rats» : Nicolas Sarkozy qui aurait «sali la France» est la proie des pires attaques. Autopsie d’une maladie.
Tous les Présidents de la Vème République furent l’objet de critiques et d’attaques violentes, ce qui est naturel et sain. Certains opposants (Cf. les tentatives d’assassinat contre de Gaulle) ne se contentèrent d’ailleurs pas de mots tandis que Pompidou et son épouse subirent de nauséeuses rumeurs. Giscard dut en grande partie sa courte défaite en 1981 aux diverses campagnes de presse notamment du Canard Enchaîné (les «diamants» de Bokassa, la révélation du passé de Maurice Papon) quand François Mitterrand – des scandales politico-financiers à la Francisque – ne fut pas plus épargné. De même, les deux mandats de Jacques Chirac ne furent pas de tout repos pour celui que les Guignols avaient baptisé «super-menteur».
Pourtant, le ton, la nature et l’ampleur de l’antisarkozysme ont franchi de nouvelles limites. Imagine-t-on un «humoriste» employé par une radio publique (en l’occurrence Didier Porte sur France Inter) marteler à l’antenne «J’encule Mitterrand !» ? Quel «comique» aurait osé traiter Bernadette Chirac de «pute» (voir ci-dessous) ? Depuis des mois, les unes des hebdomadaires ne sont pas en reste. Marianne dénonce «Le voyou de la République» quand Le Nouvel Obs fait mine de s’interroger «Cet homme est-il dangereux ?» (la réponse est oui) tandis que Courrier International tranche : «Sarkozy, ce grand malade». Ces dernières semaines, les polémiques sur l’insécurité, les expulsions de Roms et «l’affaire Woerth» ont démultiplié les critiques en France comme à l’extérieur. La commissaire européenne Viviane Reding a fait allusion à la seconde guerre à propos du sort des Roms (analogie grotesque et indécente faite également cet été en France, notamment par l’archevêque de Toulouse) tandis que les médias étrangers se «lâchent» à leur tour.
Bien sûr, Nicolas Sarkozy n’a pas vocation à être aimé par tous les Français. L’extrême droite détestera toujours ce «sang-mêlé» aux ascendances grecques et juives, ce «suppôt» d’Israël et des Etats-Unis, ce «néo-conservateur américain à passeport français» (selon l’expression d’Eric Besson, alors socialiste), mais il est frappant de constater à quel point un langage extrémiste a contaminé les opposants dits «républicains», du PS au PC dont le secrétaire général a déclaré ces jours-ci que Sarkozy «a sali la France». La République et la Nation seraient-elles en danger ? Qui y croit vraiment ? Les trois premières années du quinquennat de Nicolas Sarkozy ne sont sans doute pas fantastiques mais sans aucune mesure avec la déliquescence de la fin des années Mitterrand ou les «glorieuses» années Chirac.
Il est vrai que le Président a armé le bras de ses ennemis avec le ridicule du «bling-bling», des écarts de langage (le fameux «Casse-toi, pauv’ con») ou l’exposition complaisante de sa vie privée. Des détails qui ont considérablement désacralisé la fonction. Des maladresses plus que des tragédies historiques. Prenons ses charges contre La Princesse de Clèves. Elles ont réussi à dresser à la fois contre lui les intellos de gauche (c’est-à-dire des millions de personnes car à gauche tout le monde se considère comme un intello à cause d’un abonnement à Télérama ou au Nouvel Obs) et la part des gens de droite attachée à la culture classique et à la transmission (non, il en reste !). Pour autant, tout cela relève de l’anecdote tandis que la réforme des retraites ou l’expulsion d’étrangers en situation irrégulière ne mettent pas en péril la démocratie. Rien qui puisse justifier [la saillie de Stéphane Guillon sur France Inter->29460] rêvant que le Président meure dans un crash aérien ou le délire d’un prêtre lillois déclarant prier pour qu’il ait un accident cardiaque. Sans doute faudrait-il être psychanalyste pour comprendre cette haine et ce déchaînement. À moins qu’il ne faille voir du côté des travaux du philosophe René Girard sur le bouc émissaire, la violence et le sacré. Selon lui, les pulsions sacrificielles obéissent à une «rivalité mimétique». Peut-être que ceux qui haïssent tant Sarkozy ont envie secrètement de lui ressembler ou que celui-ci, tel un miroir, leur renvoie leur propre image.
Marianne : antisarkozysme canal hystérique
L’hebdomadaire fondé par Jean-François Kahn (qui se rêve en Victor Hugo alors qu’il évoque plutôt Pierre Poujade) a fait de la lutte contre Nicolas Sarkozy sa ligne politique, mieux encore sa religion. Inlassablement, de semaine en semaine, Marianne multiplie les unes tapageuses – dont le fameux «voyou de la République» – et les dossiers à charge dans des termes assez proches («voyou») de la tradition pamphlétaire d’extrême droite. Mais l’antisarkozysme y est tellement fanatique, obsessionnel, hystérique qu’il en devient comique. Dans le numéro de la semaine dernière, pas moins de vingt-cinq pages (plus en comptant les «brèves» et des articles épars) étaient consacrées à la démolition du Président et de sa politique. Or, dans ce déluge, on peut pêcher quelques perles. Le vénérable Nicolas Domenach nous explique ainsi (sans rire) que le succès du film de Xavier Beauvois, Des Hommes et des Dieux, est une «insurrection silencieuse» relevant de l’anti-sarkozysme… Cela nous avait échappé. On va revoir le film sous cet angle. Et Avatar ? Ce ne serait pas une allégorie contre la politique sécuritaire ? Et La Joconde, en cherchant bien ? Ce demi-sourire narquois en dit long sur sa considération envers la réforme des retraites… Plus sérieusement, il est assez piquant de voir ce journal qui a fait profession de pourfendre les «bullocrates» (c’est-à-dire en langage kahnien ces élites coupées du réel et vivant dans leur bulle) évoluer lui aussi dans sa propre bulle antisarkozyste. Durant la campagne présidentielle de 2007, Kahn (alors entiché de l’ébouriffant Bayrou) et ses boys ne cessaient de diaboliser Sarkozy qu’ils qualifiaient de «fou» (sic). En lui donnant 53 % des suffrages, les Français (et sans doute, malgré tout, bien des lecteurs de Marianne) ont montré qu’ils ne partageaient pas le diagnostic établi par le docteur Kahn dans la solitude de son laboratoire. Enfin, on ne peut souhaiter qu’une chose à Marianne : que Nicolas Sarkozy soit réélu en 2012. Sinon, comment remplir le journal ?
Alain Badiou, le phare de la pensée antisarkozyste
Longtemps, le normalien et philosophe Alain Badiou ne fut que l’un de ces obscurs universitaires que le monde entier – ou presque – nous envie et dont les travaux assez abscons pour être intimidants suscitaient la dévotion d’une secte de fidèles. C’est en 2007, à l’âge de soixante-dix ans, qu’il a accédé à un succès en librairie et à la notoriété médiatique grâce à un violent opuscule intitulé De quoi Sarkoy est-il le nom ? Maniant la poésie (Sarkozy est nommé «l’homme aux rats») et les puissantes références historiques (le sarkozysme est un pétainisme light), le libelle a été le best-seller de la copieuse «littérature» antisarkozyste. Ancien militant maoïste et thuriféraire de Pol Pot, notre phare de la pensée répugne encore en 2010 à condamner les crimes du communisme. Certains lui firent un méchant procès en antisémitisme. Or, si Badiou peut témoigner d’une bêtise rare et d’un marxisme-léninisme le plus fanatique, il n’est pas antisémite. Il faut tout de même considérer les antisarkozystes avec un sens de la nuance dont ils sont incapables envers l’objet de leur haine. En attendant, grâce à Sarkozy, Badiou, s’est fait un nom.
Mediapart et Plenel à la recherche du Watergate perdu…
C’est en quelque sorte l’équivalent de Marianne sur le net, les deux médias ayant d’ailleurs établi un partenariat rédactionnel. Le site d’information payant créé en 2008 par Edwy Plenel a enfourché le même créneau : une opposition systématique et enragée à Nicolas Sarkozy. Plenel poursuit aussi sans doute une sorte de quête existentielle car la lutte personnelle contre le pouvoir et le Président du moment (Mitterrand et Chirac naguère) forgea la réputation de l’ancien directeur de la rédaction du Monde dont le titre de gloire est d’avoir été l’une des nombreuses personnalités mises sur écoutes téléphoniques par la cellule élyséenne de François Mitterrand. Après plusieurs décennies de journalisme, le bilan est maigre et, à 58 ans, l’ancien trotskiste peut encore rêver de devenir un Bob Woodward ou un Carl Bernstein made in France. Pour cela, il lui faut un Watergate bien de chez nous. Il a cru le trouver cet été avec l’affaire Woerth-Bettancourt (rebaptisée «Woerthgate» par certains), mais devant le possible essoufflement de la chose (à ce jour, il s’agit au pire d’une Légion d’honneur accordée, à l’instigation du ministre, à Patrice de Maistre qui avait embauché sa femme : comme «scandale», on a connu mieux…), d’autres «affaires» (Wildenstein, Tapie) ont été mises en orbite ces jours-ci par Mediapart. Après le «voyou de la République» adressé par Marianne à Sarkozy, Plenel a dégainé de son côté avec un «délinquant constitutionnel» qui sent la pâle copie. Par ailleurs, Mediapart publie aussi des livres contre… Nicolas Sarkozy, dont ce N’oubliez pas ! Faits et gestes de la présidence Sarkozy, décryptage au jour le jour d’une contre-révolution, sorti en janvier et que tout le monde a déjà oublié.
Carla Bruni : la future Marie-Antoinette ?
Si elle fut dans un premier temps relativement épargnée par les médias et les critiques, ce n’est plus le cas depuis longtemps. De l’ancien mannequin, la presse avait pourtant tout dit, mais devenue première Dame de France, sa (riche) vie sentimentale a refait surface tandis que des articles de presse ou des livres expliquaient que certains retards du couple présidentiel à des rendez-vous internationaux officiels étaient dus à leurs ébats… Jamais la supposée vie sexuelle des précédents hôtes de l’Elysée n’avait été ainsi évoquée. La récente biographie dite «non autorisée» de Carla Bruni reprend ces bruits d’alcôve tout en dressant un portrait impitoyable de son sujet : «séductrice comme une chatte, maligne comme un singe et froide comme un serpent». Intrigante, manipulatrice, jouant de sa séduction, narcissique, colérique, exhibitionniste, hypocrite, inculte, sans convictions : le tableau est sans nuances. Dans les nombreuses interviews que donne l’auteur, Besma Lahouri, la mesure n’est pas plus de mise : «C’est l’un des pires handicaps de Nicolas Sarkozy. Son image auprès des Français ne passe pas car elle est distante, elle est silencieuse (…) Elle a un côté Marie-Antoinette déconnecté de tout qui, en temps de crise, devient gênant.» La référence est intéressante car comme «l’Autrichienne», Carla Bruni pourrait bien à l’avenir être ramenée à ses origines étrangères pour mieux être clouée au pilori. A part cela, elle a eu droit à tout le reste. Le nouvel humoriste branché, Gaspard Proust, a par exemple évoqué le Président et son épouse dans des termes d’une violence inédite en le traitant de «beauf à gourmette avec sa pute à frange». Même les journaux iraniens qui s’étaient permis de qualifier Carla Bruni du mot plus «mesuré» de «prostituée» (en réponse à sa mobilisation en faveur d’une iranienne menacée de lapidation) ont été vertement condamnés par Ahmadinejad, ce dernier préconisant même des poursuites… En France, traiter la femme du Président de République de «pute» ne provoque qu’un portrait énamouré du «comique» dans Libération.
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Dossier réalisé par Christian Authier
Article paru dans l'édition du Vendredi 24 Septembre 2010
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Un commentaire
Bellini:
Sarkozy attire la haine comme le paratonnerre la foudre.
Quand on est capable de déclarer: "Un jour, je finirai par retrouver le salopard qui a monté cette affaire et il finira sur un crochet de boucher !"
"Entre lui et moi, ce sera une lutte jusqu'à ce que mort s'ensuive."
"Casse toi pauvre con"
il ne faut pas s'attendre à des réponses dans la langue de Marcel Proust.
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