Scénario catastrophe

Afghanistan - le prix du sang

Tout le monde s’y attendait, mais personne n’osait croire que le choc viendrait si rapidement, et surtout, qu’il serait si brutal. Au moment même où la famille de Simon Longtin recevait sa dépouille mortelle et pleurait son décès en direct sur tous les grands réseaux télévisés du pays, deux autres militaires québécois perdaient la vie, et deux journalistes étaient blessés dans des circonstances similaires en
Afghanistan.
Les Québécois, déjà opposés à la participation canadienne dans ce conflit, n’auront même pas eu le temps de s’habituer à la perte de leurs enfants. Pour le gouvernement Harper, qui vient tout juste de procéder à un remaniement ministériel afin de mieux communiquer l’importance de la présence canadienne en Afghanistan, c’est le scénario du pire.
Ce n’est pas une guerre que livrent nos militaires en Afghanistan. C’est une lutte quotidienne pour survivre à un adversaire invisible, qui se cache derrière des populations civiles, et même parmi les policiers et les soldats afghans que nous tentons de former. Il est difficile, face à un tel ennemi qui va et vient, de montrer des progrès, et de maintenir ainsi l’appui de la population.
Vous croyez que les Québécois sont engagés dans un débat passionné sur les accomodements raisonnables? Attendez de voir la controverse qui nous attend sur la guerre en Afghanistan. Ce n’est pas Mario Dumont et l’ADQ, qui ont peine à tolérer le port du voile chez les femmes musulmanes, qui monteront aux barricades derrière Stephen Harper pour l’appuyer sur le dossier afghan.
La difficulté, c’est que tout le monde a raison dans la controverse qui entoure notre présence à Kandahar. Le côté noble de la mission, l’aide aux populations civiles, la libération des femmes afghanes de la tyranie des talibans, la lutte contre le terrorisme international, est une bonne raison pour participer à l’effort de l’OTAN dans ce pays. Mais la participation mitigée de nombreux alliés aux missions dangereuses, et surtout l’échec pitoyable de l’armée américaine en Irak, jette des doutes sérieux sur nos chances de réussite.
Les représentants de l’armée canadienne qui ont rencontré la presse, en soirée, pour annoncer la mort de leurs camarades, ont fait preuve encore une fois de dignité et de courage. Mais comme l’a dit leur porte-parole, les événements d’hier ne sont pas le résultat d’un « engagement direct » avec les forces ennemies. On ne peut rien contre une bombe enfouie dans le sable. Nos militaires sont bien formés et bien équipés pour affronter des forces ennemies sur le terrain, en face-à-face. Mais le gouvernement n’a pas encore fait la preuve que leurs sacrifices donneront des résultats contre un adversaire aussi insaisissable.
Un deuil, comme celui que tous les Canadiens vivent encore aujourd’hui, n’est pas un moment approprié pour débattre cette question. Mais la controverse politique que craignait le gouvernement Harper au départ des militaires francophones de Valcartier pour l’Afghanistan se fera beaucoup plus vite que prévu. Comme dans tous les conflits armés, il faudra faire la part des choses entre la vérité et la propagande qui accompagne toutes les guerres. La présence des médias canadiens sur les lieux sera d’autant plus importante dans ce contexte difficile, et le courage de leurs représentants mérite d’être souligné.
En bout de piste, c’est aux politiciens que la décision finale appartiendra. Mais ne perdons pas de vue qu’il leur est impossible, à eux aussi, de prédire l’issue de cette guerre.


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