Sept jours pour réinventer le Canada

Sécurité de la vieillesse, peine de mort, avortement et torture…dans certains cas !

Chronique de Louis Lapointe

En moins d’une semaine, nous avons eu droit de la part du gouvernement conservateur de Stephen Harper à une enfilade de ce que plusieurs ont qualifié de «faux pas». Est-ce bien le cas ?
Coupures annoncées dans le programme de sécurité de la vieillesse des retraités, retour du débat sur la peine de mort, proposition de modifications au Code criminel grugeant le droit des femmes au libre choix en matière d'avortement, et finalement, acceptation de la torture pour obtenir des renseignements dans «certains cas».
Tout cela en moins de 7 jours.
Il est vrai que le gouvernement conservateur nous avait déjà habitués à la politique du «certains cas» :

- lors de la prorogation prématurée de la session parlementaire en décembre 2008, alors qu’il faisait face à une coalition qui menaçait de faire tomber le gouvernement sur un vote de confiance ;
- lorsque le gouvernement Harper a refusé de fournir à la Chambre les renseignements concernant le traitement infligé aux prisonniers afghans, un grave écart qualifié d’outrage au parlement ;
- non-respect des droits de l'enfant soldat d’Omar Khadr emprisonné à Guantanamo;
- à l’occasion du G20 à Toronto où les forces de l’ordre ont multiplié les arrestations illégales, les violences, sévices et traitements inhumains contre des citoyens qui exerçaient leurs droits fondamentaux.

On le voit bien, les conservateurs pratiquent systématiquement la politique du «certains cas» depuis qu'ils sont au pouvoir, particulièrement dans les cas exceptionnels où les Chartes des droits ont été érigé pour protéger les personnes, prouvant ainsi leur inutilité lorsqu’on en a vraiment besoin.
Je vous laisse imaginer jusqu'où pourrait conduire une telle politique.
En octobre 70, Pierre Trudeau nous en avait fait une éloquente démonstration. Le genre de cas où la Charte des droits n'aurait été d’aucune utilité pour protéger les citoyens bafoués et violentés par les forces de l'ordre comme on l'a récemment vu lors du G20.
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Sur le même sujet :
Le véritable spectacle de la violence, le 7 avril 2011.
«Le véritable spectacle de la violence ne peut pas être sur les planches du TNM qui n’en est qu’une représentation virtuelle, mais dans la rue, sur la place publique, là où notre démocratie manifeste l’un des plus préoccupants symptômes de la maladie qui l’afflige, le pouvoir des autorités politiques de se faire justice sans égard à la règle de droit grâce à la collaboration complice des forces de l’ordre.»
Pourquoi une charte ? Le 29 juin 2010.
«Alors que nous avons surtout besoin des chartes à l’occasion de situations exceptionnelles, nous constatons que c’est justement dans ces moments-là qu’elles ne fonctionnent pas. Elles ne protègent pas la langue de la minorité francophone contre celle de la majorité anglophone, mais les privilèges des gens les plus riches qui veulent faire instruire leurs enfants dans la langue de la majorité, l’anglais. Elle ne protège pas non plus les citoyens contre la violence et les abus des policiers. Quand des policiers emprisonnent arbitrairement, frappent et assassinent des innocents, ce sont d’abord eux qui bénéficient de la présomption d’innocence, ce sont eux qui ont droit à un avocat, ce sont eux qui sont protégés par les chartes, pas leurs victimes.»
La mauvaise foi de Stephen Harper. Le 30 janvier 2010.

«Alors que dans le cas de Maher Arar, il s’agissait de réparations pour des fautes et des sévices subis antérieurement au jugement, dans le cas d’Omar Khadr, la violation de ses droits fondamentaux est toujours effective, puisque le gouvernement canadien continue toujours d’agir illégalement depuis le prononcé du jugement de la Cour Suprême. Le chronomètre ne s’est pas arrêté par le fait de ce jugement, bien au contraire, il vient d’être enclenché dans le cas des membres de l’exécutif, et cela ne sera pas sans conséquence.»
Octobre 1970. Le 15 septembre 2008.
«Lorsque je l’ai vu et entendu à la télévision, sortant de chez la gouverneure générale du Canada, cela m’a frappé en pleine face. J’ai eu le pressentiment qu’il ne se gênerait sûrement pas pour nous refaire le coup d’octobre 1970 s’il devenait majoritaire. Il n’y aurait absolument rien à son épreuve. (…) qu’un homme aussi persuasif qui venait de réussir à l’encontre de tout bon sens à faire proroger une session parlementaire à peine commencée, alors qu’il était minoritaire et n’avait pas la confiance de la chambre, n’aurait probablement aucune difficulté à obtenir la collaboration de la gouverneure générale pour protéger ce qu’il estimerait être l’intégrité politique du Canada en temps de crise, une fois devenu majoritaire. (…) Je me suis aussi demandé ce qui était « raisonnable » pour un homme comme Stephen Harper au sens de l’article 1* de la Charte canadienne des droits et libertés. Quelle situation pourrait raisonnablement justifier qu’on suspende les droits de certaines personnes, ceux des séparatistes du Québec par exemple, pour un homme qui venait tout juste d’essayer de suspendre les droits des partis politiques, des travailleurs et des femmes, pour un homme qui avait réussi à faire proroger les travaux du Parlement canadien alors que rien ne l’autorisait à le faire dans les circonstances que nous connaissons tous, un homme qui venait d’affirmer que des partis politiques canadiens ne pouvaient pas s’associer à un parti séparatiste, que ce n’était pas raisonnable ? Il n’avait qu’à faire comme Pierre Trudeau l’avait déjà fait avant lui et qui avait certainement prévu une porte de sortie pour ce genre de situation, la recette devait bien être écrite quelque part ! La constitution de 1982 devait bien permettre de trouver une solution à ce genre de problème si cela devenait un jour nécessaire.»
Exécutions sommaires au pays des chartes. Le 27 mai 2008.

«Dans un pays où le gouvernement conservateur ne se soucie peu ou pas des tortures ou de la peine de mort qu’on peut infliger à des ressortissants canadiens à l’étranger, on n’est guère étonné que le même gouvernement s’émeuve si peu du fait que la GRC exécute de sang-froid, sur la place publique, de simples badauds ou des touristes étrangers parce qu’ils étaient trop agités. Le Canada de Stephen Harper est-il en train de devenir un état policier où la présomption d’innocence et l’habeas corpus existent uniquement pour ceux qui ont eu le temps de se payer les services d’un avocat avant de se faire abattre dans la rue comme des chiens enragés ?»
« La plus grande menace à la sécurité du Canada est la séparation du Québec » : Lawrence Cannon. Le 20 mai 2008.
«Si les indépendantistes sont véritablement la plus grande des menaces à la sécurité nationale, comme le dit explicitement Lawrence Cannon, cela ne doit pas être sans conséquence. Le gouvernement de Stephen Harper doit donc s’expliquer ! À moins que le gouvernement se donne le droit de ne pas répondre à cette question en raison de la sécurité nationale, parce que les indépendantistes québécois n’ont tout simplement pas les mêmes droits et libertés que les autres Canadiens, du fait qu’ils constituent justement la plus grande menace à la sécurité du Canada.
On ne serait pas étonné d’apprendre que la sécurité nationale a primauté sur les chartes, cette suprématie serait même enchâssée dans la constitution canadienne suivant la règle « paix, ordre et bon gouvernement ». Comment ne pas conclure que cette règle d’interprétation serait la source constitutionnelle et la justification légale de toutes les irrégularités commises par le camp fédéraliste et les autorités fédérales en particulier lors du référendum de 1995 ! La Charte canadienne des droits serait d’abord un outil pour affaiblir le Québec, pour protéger les Canadiens contre les Québécois séparatistes, une tâche dévolue à la Cour Suprême.
Si la séparation du Québec est la plus grande menace à la sécurité canadienne, comment ne pas conclure que les méchants séparatistes requièrent au moins le même traitement que les groupes terroristes ? En fait, s’il est illégal d’être séparatiste au Canada, tout ce qui peut-être fait pour contrecarrer les objectifs visant à séparer le Québec du Canada est donc parfaitement légal, une logique toute canadienne. Voilà probablement ce que signifie la déclaration de Lawrence Cannon !»
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«* 1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.»

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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