Le soir du 15 novembre 1976, à Montréal, la première victoire du Parti québécois a donné lieu à une grande fête spontanée, comme un soir de Coupe Stanley, sauf que là, on célébrait la conquête de son avenir et de son territoire. On célébrait un avènement.
Si René Lévesque se lançait en politique aujourd’hui, il aurait beaucoup de torts à redresser, certes, mais je ne pense pas qu’il commencerait par une croisade pour changer le statut des francophones au Québec, et au Canada, comme en 1976. Ces batailles ont été livrées et, en bonne partie, gagnées.
Les porteurs d’eau, clercs, curés, ou notaires, les citoyens de seconde zone d’autrefois ont percé le plafond de verre. Les jeunes générations ne montrent aucun des vieux signes d’aliénation ou d’infériorité.
Morosité
Alors, d’où vient cette morosité, cette sourde inquiétude, cette sensation d’échec qui mine le débat public depuis des années?
Notre malheur vient d’une trahison, celle de notre arme stratégique pour conquérir notre avenir: l’État. Pas le gouvernement, pas les partis politiques, non: la fonction publique; provinciale, municipale, policière, parapublique, n’importe.
Dans une société dont la survie dépend de sa connaissance de la langue et de l’histoire, elle est parvenue à faire un échec de ces deux enseignements.
Bourgeois de gauche
Dans une société obsédée par son avenir, ces petits-bourgeois de gauche ont rançonné la Révolution tranquille pour se forger, pour eux-mêmes, un présent coussiné, bétonné, intouchable.
Cette bureaucratie québécoise, qui ne sait pas construire des viaducs ni gérer des contrats, des ordinateurs, des égouts ou des buildings, et encore moins un système de santé, elle est onéreuse, inefficace, incorrigible, arrogante, corrompue sur les bords et, ultimement, nuisible. Et nous le savons.
Si René Lévesque revenait en politique aujourd’hui, pour pourfendre ceux qui nous exploitent, je ne crois pas que c’est aux «rhodésiens de Westmount» ou à Ottawa qu’il s’en prendrait...
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