"Small is Beautiful": plus que jamais

Il y a certainement dans le fédéralisme une perte évidente de pouvoir, d'argent, de liberté et de démocratie pour les citoyens. Cessons de croire qu'on est trop petits pour réussir!

Actualité québécoise - vers une « insurrection électorale »?

Imaginez qu'en 1864, Bismarck ait annexé tout le Danemark au lieu d'une petite partie seulement, et que rien n'ait changé depuis. Les Danois représenteraient en Allemagne une minorité ethnique, s'efforçant peut-être de conserver leur langue nationale grâce au bilinguisme, la langue officielle étant bien entendu l'allemand. Seule la germanisation totale pourrait leur éviter de tomber au rang de citoyens de deuxième classe. Les Danois les plus ambitieux et les plus entreprenants -- les plus complètement germanisés -- émigreraient, comme mus par une force irrésistible, en direction du sud, au coeur de l'Allemagne. Quel serait alors le statut de Copenhague? Celui d'une ville de province lointaine. Ou bien, imaginez la Belgique faisant partie de la France. Quel serait alors le statut de Bruxelles? Encore une fois, celui d'une ville de province sans importance.»
Le livre Small is Beautiful d'Ernst Friedrich Schumacher de 1973, d'où est tirée cette citation, ne date certainement pas d'hier, mais ne reflète-t-il pas toujours une réalité cruelle? Non seulement l'éloge de la petitesse est éloquent au coeur d'une époque mondialisée qui remet en question son modèle de libre marché, de fusions-acquisitions et de dépersonnalisation des objets, des ressources et des gens, mais le serait-il aussi sous un angle qu'on a tendance à vouloir étouffer, à vouloir oublier de nos esprits: celle de la souveraineté?
La souveraineté peut être vécue de plusieurs façons et devrait l'être sous multiples facettes. Si l'on pense à celle du Québec et qu'on se remet dans l'esprit de Schumacher, la ville de Montréal n'aurait-elle pas certainement plus de visibilité, de pouvoir et d'indépendance pour se développer, indépendamment du Canada? Avec le déclin qu'on lui attribue depuis quelque temps, cette question mérite certainement qu'on s'y attarde davantage...
Quel développement pour les régions?
Et que dire des régions du Québec, trop laissées à elles-mêmes (tout en ayant trop peu de pouvoirs et de redevances pour se réaliser entièrement!) et considérées comme un boulet par plusieurs, alors qu'elles représentent une richesse inouïe pour tous les Québécois?
Ne faudrait-il pas cesser de voir dans le gigantisme un idéal à atteindre, alors que celui-ci finira, selon Schumacher, par nous autodétruire? Cessons de vouloir «développer nos régions» en attirant de grandes entreprises étrangères et subventionnons plutôt les initiatives locales, les gens d'ici, la culture, la multifonctionnalité du territoire par des fermes à échelle humaine, des PME, des coopératives, et enfin, nous pourrons parler de développement durable.
Il y a certainement du travail à faire dans la représentation que les gens se font du «développement», auquel cas on cesserait de les appeler des «régions ressources». Comme si les gens qui y habitaient n'avaient pas d'importance! Comme si la culture, les paysages, le savoir-faire et les spécificités du territoire avaient été réduits au nom commun de «ressources» prêtes à être exploitées!
Les régions méritent beaucoup mieux qu'un pillage de leurs «ressources», qui n'offrent plus que des emplois menacés et des désastres environnementaux à répétition. Et à cela s'ajoute une solidarité urbaine-rurale indispensable qui semble d'autant plus difficile à atteindre actuellement, puisqu'elles ne possèdent pas l'ensemble des décisions qui les affectent.
La souveraineté comme modèle
En fait, j'irai même plus loin: à mon avis, la souveraineté du Québec n'est pas seulement indispensable à son propre développement, mais elle devrait servir d'exemple aux autres provinces qui devraient toutes être de petits pays, tels ceux de l'Europe.
Toutes les provinces ont des cultures différentes, actuellement étouffées par le fédéralisme canadien. Certaines ont un potentiel qui pourrait se développer davantage sans le Canada, la culture acadienne, par exemple, tandis que d'autres ne pourraient plus cacher leurs vices sous la protection du grand pays: pensons à l'image de l'Alberta comme pays riche face à la communauté internationale... Son non-respect de l'environnement ne pourrait plus durer!
L'idée que chaque province devienne un petit pays favoriserait certainement une meilleure autonomisation des communautés, une démocratie plus proche des citoyens, un grand souffle pour les microcultures locales et du temps pour développer des projets de société à long terme, sans devoir incessamment revendiquer des droits ou de l'argent d'un ordre de gouvernement supérieur. Il y a certainement dans le fédéralisme une perte évidente de pouvoir, d'argent, de liberté et de démocratie pour les citoyens. Cessons de croire qu'on est trop petits pour réussir! [...]
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Virginie Proulx, Doctorante en développement régional, Université du Québec à Rimouski


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