Terrebonne avait aussi son M. 3%

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La corruption généralisée à Terrebonne

Après Montréal, c’est au tour de Terrebonne d’avoir trouvé son « Monsieur 3 % ». Luc Papillon, l’ex-directeur général de cette ville de la Rive-Nord qui est aujourd’hui accusé de corruption, portait aussi ce surnom, a découvert la police.


L’original « Monsieur 3 % », c’est bien sûr Bernard Trépanier, le sulfureux collecteur de fonds du parti Union Montréal devenu célèbre à la commission Charbonneau en 2012. Des témoins avaient expliqué que ce sobriquet faisait référence à la ristourne qu’il aurait exigée pour financer illégalement les élections du parti de l’ex-maire Gérald Tremblay.


Mais voilà que l’Unité permanente anticorruption (UPAC) a trouvé un autre ténor du monde municipal qui se faisait appeler ainsi, cette fois dans l’enquête qu’elle a menée à Terrebonne.


Ils ont fait cette découverte en confessant l’entrepreneur Jean-Guy Ouellette, qui a admis avoir donné un pot-de-vin pour faire « débloquer » un projet immobilier.


« Il [Ouellette] mentionne que depuis les nouvelles élections, Luc Papillon a été placé à la Ville à titre de directeur général, et que tout le monde l’appelle Monsieur 3 % », ont noté les enquêteurs de l’UPAC après un de leurs entretiens avec lui, en 2014.


Ces informations étaient jusqu’ici frappées d’une ordonnance de non-publication, qui a été levée cette semaine à la suite de démarches entreprises par notre Bureau d’enquête.


Ristourne


Luc Papillon a finalement été arrêté le 15 mars dernier en même temps que quatre autres personnes, dont l’ex-maire de Terrebonne Jean-Marc Robitaille. Il a occupé le poste de directeur général de 2013 à 2017, après avoir été DG adjoint pendant plus d’une décennie.


L’homme de 54 ans a été congédié après des perquisitions de l’UPAC à son domicile, ce qui ne l’a pas empêché de toucher une indemnité de départ de 350 000 $.


À titre de plus haut fonctionnaire de Terrebonne, Luc Papillon était en autorité pour les questions de zonage et de contrats publics.


Or, selon la thèse de l’UPAC, plusieurs de ces contrats auraient été conclus en retour d’une ristourne de 3 à 5 % en argent comptant remise par des entrepreneurs à Daniel Bélec, l’ex-chef de cabinet du maire Robitaille.


L’UPAC croit aussi que Luc Papillon a voyagé plusieurs fois sur le bras d’entrepreneurs. Elle a aussi identifié des transactions suspectes l’impliquant, selon des affidavits que nous avons consultés.


Fin des procédures


En 2011, une enquête de l’Agence QMI révélait que M. Papillon et son patron, Denis Lévesque, s’étaient fait rembourser plus de 16 000 $ de vêtements sur leurs comptes de dépenses entre 2008 et 2010.


Les deux hommes recevaient une prime inusitée de 2 % de leur salaire pour se vêtir aux frais de la Ville.


Les contribuables avaient ainsi payé pour des pantalons, des cravates et des complets, mais aussi pour des sous-vêtements, comme des slips et des caleçons boxer.


Le « Monsieur 3 % » de Montréal, Bernard Trépanier, a quant à lui nié catégoriquement les allégations à son endroit devant la commission Charbonneau.


Il a été arrêté deux fois par l’UPAC, l’une par rapport à son implication alléguée dans le scandale du Faubourg Contrecœur, l’autre pour le rôle qu’il aurait joué dans le partage illégal de 160 M$ de contrats publics à la Ville de Montréal.


Mais le 6 juin dernier, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a annoncé la fin des procédures contre Trépanier, en raison des cancers incurables dont souffre ce dernier.


Son avocat, Daniel Rock, avait expliqué au Journal que son client subit « des traitements en immunothérapie ainsi que des soins palliatifs ».




♦ Accusés d’abus de confiance et de corruption à Terrebonne, Luc Papillon, Jean-Marc Robitaille, Daniel Bélec et Normand Trudel sont attendus en cour le 6 septembre pour la suite des procédures.



Luc Papillon



  • Ex-directeur général de la Ville de Terrebonne



  • « Tout le monde l’appelle “Monsieur 3 %” », selon un entrepreneur qui a parlé aux enquêteurs de l’UPAC




Bernard Trépanier


Ex-collecteur de fonds du parti Union Montréal



  • Surnommé « Monsieur 3 % » par des témoins de la commission Charbonneau



Les policiers en ont appris beaucoup sur Luc Papillon, alias « Monsieur 3 % », dans le cadre de leur enquête criminelle à Terrebonne :


Les enquêteurs de l’UPAC affirment que Luc Papillon et sa conjointe ont fait de nombreux voyages avec des entrepreneurs qui faisaient affaire avec la Ville, au fil des années. Ils ont repéré « un voyage à Punta Cana en République Dominicaine en 2004, 12 voyages à Las Vegas entre 2005 et 2012 et un voyage à Fort Lauderdale en 2006 ».


L’entrepreneur Marc-André Lefebvre a raconté aux policiers que Papillon lui avait suggéré de « donner une rétribution » pour que ça soit plus facile de faire des affaires auprès de la Ville. Lefebvre dit avoir refusé de jouer le jeu.


L’UPAC a également porté son attention, en cours d’enquête, sur un paiement de plus de 10 000 $ fait en avril 2015 par la firme Transport et excavation Mascouche dans un compte bancaire appartenant à M. Papillon et à sa conjointe. Le propriétaire de la firme, Normand Trudel, a aussi été arrêté en mars dernier.


Le paiement était accompagné de la mention « final payment ».


Une source dont l’identité est protégée a aussi raconté aux policiers que « Transport Excavation Mascouche aurait réalisé les travaux d’infrastructures qui manquaient pour faire le branchement de la nouvelle maison de Luc Papillon ; le coût des travaux est estimé à 35 000 $ ».